Côte d’Ivoire: "Pourquoi il faut sortir les jeunes ivoiriens de ce guantanamo social », Par Prao Séraphin

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - Côte d’Ivoire, "pourquoi il faut sortir les jeunes ivoiriens de ce guantanamo social », par Seraphin Prao.

Prao Yao Séraphin.

Prao Yao Séraphin, LDI

« Le chômage est comme une marée noire qui recouvre l’herbe verte, là où elle a poussé »

(Françoise Giroud)

Selon les autorités actuelles, le pays va bien. Toujours selon eux, le pays enregistre des taux de croissance positifs et cela suffit pour débiter de telles allégations gratuites. Mais la vérité est ailleurs : la croissance n’est pas créatrice d’emplois et de richesse pour les nationaux. Ce sont les multinationales et les investissements publics qui sont à la base de ces taux de croissance. Or, on sait que les multinationales rapatrient toute la richesse créée et l’Etat lui, reste un mauvais gestionnaire. En tout cas, les indicateurs sociaux mettent à mal les chiffres ronflants du gouvernement. Selon les statistiques officielles, en Côte d’Ivoire, le taux de chômage de la population active s’élève à près de 20% et sur un nombre de 4,5 millions de chômeurs, près de 4 millions sont des jeunes. Une enquête qui a porté sur un échantillon de 12.000 ménages tirés de la base du récent recensement général de la population et de l’habitat, révèle que « la population en âge de travailler en Côte d’Ivoire est composée de 56% de main-d’œuvre et de 44% hors main d’œuvre (femmes au foyer et invalides) ». Toujours, selon cette enquête, l’emploi salarié représente 25,4% contre 74,6% d’emplois indépendants non agricoles. On voit bien que l’agriculture demeure le secteur d’activité le plus pourvoyeur d’emplois dans le pays avec 43,5% des emplois. Le secteur agricole est suivi par celui des services avec 26,4% des emplois, le commerce 17,6% et l’industrie 12,5%.

En 2010, alors qu’il était en campagne, le Président actuel promettait de faciliter l’accès des jeunes à l’emploi. Il a même promis créer un million d’emplois en cinq ans. A ce jour, les jeunes n’ont pas vu le million d’emplois. Comme pour narguer les jeunes ivoiriens, lors de son un meeting final à l’issue de sa visite d’Etat, notamment dans les régions du Goh, du Loh-Djiboua et du Haut Sassandra, le Président actuel déclarait sans rire : « Je veux vous donner l’assurance chers jeunes que la réduction du chômage des jeunes sera une priorité majeure pour mon second mandat ».

Tout porte à croire que la coalition au pouvoir est insensible à la souffrance des jeunes ivoiriens. Mais la question un peu naïve que l’on pourrait se poser à propos de la réaction des jeunes au chômage est la suivante : accepteront-ils cette précarité pour longtemps ? Il est difficile de prévoir véritablement les conséquences du chômage endémique des jeunes. Mais ce sevrage outrancier du gouvernement actuel provoque chez les jeunes un sentiment d’abandon, un sentiment d’injustice sociale. En effet, dans la Côte d’Ivoire, ceux qui sont de la bonne ethnie, de la bonne région, de la bonne religion, du bon parti ou de la bonne coalition, sont les mieux protégés socialement. Les autres devront attendre un hypothétique lendemain qui n’arrivera jamais.

Au lieu de penser à l’insertion socioprofessionnelle des jeunes avec des programmes bien pensés, ce sont des foires de communication que le gouvernement sert aux jeunes. Le régime actuel ne compte que sur l’extérieur pour trouver la solution à l’emploi des jeunes.

Selon Louis Kouamé Caningan, président de l’Ong Jeunesse espérance durable (Jed), ils sont près de 40,3% à être frappés par le syndrome du découragement. Le gouvernement gagnerait à placer l’employabilité des diplômés au centre des préoccupations majeures du gouvernement. L’initiative qui consiste à mettre les jeunes au travail provoque une dynamique sociale dont les effets induits sont réels. Le règlement de ce problème est une urgence car les jeunes ivoiriens ont certes la bouche fermée mais ils ont beaucoup à dire. Dans la vie, il faut craindre la colère qui ne s’exprime pas car lorsqu’elle explose, elle emporte tout.

Par Prao Yao Séraphin,
LDI