Côte d’Ivoire : Corruption, violation des droits de l’Homme et dictature de Monsieur Ouattara. Que fait le peuple ?

Par Correspondance particulière - Corruption, violation des droits de l’Homme et dictature de Monsieur Ouattara. Que fait le peuple ?

Cela fait plus de treize ans que la Côte d’Ivoire traverse une crise qui connaît une acuité patente depuis ce qu’il est convenu d’appeler la crise postélectorale. Cette crise est chaque jour amplifiée par la paupérisation des populations, par une privation de liberté d’expression et d’opinions, par des arrestations arbitraires et par des éliminations sous diverses formes d’adversaires politiques. Le chômage, la corruption et une dérive tribaliste … au sommet de l’Etat tiennent les populations en proie à des logiques de prédation qui revêtent des formes variées et sont remises au goût du jour pour être re-adaptées suivant l’ère du temps.
Hier, les forces politiques et syndicalistes progressistes avaient travaillé farouchement des années durant pour obtenir de Houphouët le 30 avril 1990, la proclamation de l’expression plurielle. Ce capital est gravement remis en question par Alassane Ouattara et ses parrains qui ont fait la guerre aux Ivoiriens en violant leurs institutions – sous des prétextes fallacieux d’installation de la démocratie et de la défense de droits de l’Homme –. Cette violation a connu sa cristallisation par l’arrestation illégale du président Laurent Gbagbo, le 11 avril 2011 et son transfèrement à La Haye – le 29 novembre de la même année –, couplé de l’arrestation de ses proches ou supposés tels si ce n’est les pousser vers l’exil.
Les grandes puissances – avec le « talisman » que leur protégé leur a vendu – pensaient réussir la mise au pas des Ivoiriens avec une logique de « pacification », (qui ne signifie rien d’autre qu’extraire par élimination tout ce qui s’oppose à la pérennisation de l’ordre ancien) et de terreur. Mais ces mêmes puissances ont du se raviser lorsqu’elles ont réalisé que leur approche est complètement inadaptée pour le cas ivoirien. Cependant, la force de lobbies du cacao et autres exploitants de biens de rente est également à contribution.
C’est devant ces différentes contradictions : Des gens qui se sont trompés parce qu’ils fonctionnent avec la forfaiture, ne savent pas faire marche-arrière puisque dans la dynamique d’un conformisme, ils ont intoxiqué et conditionné leurs opinions publiques. Ces pratiques portées par la voie de leurs « médias mensonges » ont diffusé des clichés pour diaboliser Laurent Gbagbo.
Quelles leçons l’Ivoirien en particulier et l’Africain en général tirent-il de tout ce vécu ? Il est évident que nous ne continuerons pas de tout rejeter sur les autres lorsque nos différentes approches sont parfois en décalage avec les enjeux. Qu’avons-nous appris de la crise ? Comment rétablir un Etat de droit avec les expériences glanées de notre vécu de ces dernières années ? La question s’adresse d’abord et surtout à nos élites qui ont du mal à identifier les priorités et se donner les moyens de les satisfaire.
Pour libérer notre pays du tribalisme, du favoritisme, du copinage et ramener la paix pour l’égalité et le bien-être des populations, il convient de rompre avec des pratiques qui nous ont desservis. Le peuple ivoirien, avec une jeunesse mature au niveau politique aspire à autre chose que des combinaisons conjoncturelles qui ne vont que dans un sens à garantir un confort personnel. Parler de l’intérêt du peuple suppose une remise en question constante du soi et la culture de pratiques qui peuvent être de nature à construire un socle durable. Nous voulons travailler à bâtir une Côte d’Ivoire de tous les Ivoiriens ; une Côte d’Ivoire qui devra se développer ; une Côte d’Ivoire qui valorise des compétences – au lieu de les craindre et/ou chercher à les étouffer – une Côte d’Ivoire qui épanouit le citoyen ; une Côte d’Ivoire qui ne doit pas ployer sous le poids de dettes contractées avec des créanciers prédateurs alors que ce pays a le potentiel qui devrait lui garantir une indépendance économique. Les grands pays nous ont imposés monsieur Ouattara. Ce dernier n’ayant pas l’assise populaire, il est tenu en laisse par les prédateurs. Les élites de l’ancienne puissance sont d’accord pour soutenir le mode de gouvernance qui garantit leurs intérêts. Nous savons aussi que Laurent Gbagbo n’est pas contre les intérêts des Occidentaux. Des contrats avaient été sous sa gouvernance attribués – ou renforcés, c’est selon – à des groupes français. Mais dans l’intérêt du peuple, le président Laurent Gbagbo a toujours prôné une configuration « gagnant-gagnant ». C’est le lieu de rappeler que le président Laurent Gbagbo a été diabolisé parce que soutenu par son peuple. Par ailleurs, l’exploitation des ignorances d’une grande partie des populations a beaucoup pesé dans la balance. Tout ceci n’est pas un scoop. Mais il faut complètement l’intégrer pour agir. Un poison latent a pourri le bon vivre ensemble dans notre pays. A l’aube des indépendances, le colon a encensé l’Akan en lui disant que lui plus intelligent, était le seul apte à gouverner. Le Bété étant seulement bagarreur et fonceur. Ce cliché continue insidieusement et tacitement de faire des ravages. Il est évident que l’approche de certaines questions n’est pas aisée. Mais l’aspect anthropologique et sociologique dans les approches doit être pris en compte si nous voulons débattre profondément pour extirper notre pays des démons. La « charte du grand nord » avait divisé le pays en deux. Nous l’avons banalisé. La suite est connue.
Que fait le peuple ivoirien devant les dérives de la gouvernance de monsieur Ouattara ? Nous sommes en face d’une pratique sectaire du pouvoir, devant une banalisation et l’habilitation du mensonge. Le gangstérisme au sommet de l’Etat est devenu une pratique courante et un cercle vertueux. Et comme l’UMP et le PS sont d’accord sur la logique de prédation en Afrique et spécifiquement en Côte d’Ivoire, monsieur Ouattara est couvert. Après Jean François Copé, Nadine Morano s’est rendue en Côte d’Ivoire. Manuel Valls va s’y rendre bientôt ; pour ne citer que ceux-là. Le FMI a couronné les « efforts de Ouattara ». Une campagne de communication soutient une prétendue performance de la politique macroéconomique de monsieur Ouattara. En réalité, le taux de croissance qui est encouragé par le FMI alors que le « panier de la ménagère » voit s’atrophier son contenu, est une anesthésie et une escroquerie intellectuelle qui ne doivent pas abuser des Ivoiriens.
La démocratie et les droits de l’Homme, voilà deux valeurs dont les Occidentaux se saisissent pour faire des expéditions. Il convient de construire l’argumentaire qui convient pour prendre les grandes puissances au mot. L’approche méthodologique doit être inspirée de toutes les leçons que nous devons tirer de ce qui est arrivé à la gauche ivoirienne.
Nous lisons des déclarations intempestives d’Amadou Soumahoro et de Joël N’guessan du RDR. Alors que le premier a du mal à intégrer que la Côte d’Ivoire est une terre qui abrite une soixantaine d’ethnies, et que le vivre ensemble n’est pas un choix mais une obligation, le second qui est adepte du nomadisme politique donc sans conviction – du MFA, en passant par le PDCI est aujourd’hui au RDR –, répand des contre-vérités et un discours populiste qui ne pourront résister à l’épreuve du temps. Que ces deux personnages du RDR et d’autres qui excellent dans le sophisme soient gagnés par la sérénité. Ils savent bien que les prisonniers qui ont été libérés le 5 août dernier ne l’ont pas été par un humanisme débordant de monsieur Ouattara. Les menaces de remettre Pascal Affi N’guessan en prison sont un aveu d’impuissance à mener des contradictions politiques entre adversaires qui se respectent. Nous qui luttons pour que tous les Ivoiriens entrent et sortent de la Côte d’Ivoire dans la quiétude ; nous qui nous battons pour que tout soit mis en œuvre pour améliorer la politique de l’emploi notamment des jeunes ; nous qui nous battons pour que le droit élémentaire de chaque ivoirien puisse s’exprimer ; nous qui nous battons pour le bien-être des Ivoiriens quels qu’ils soient … devons soutenir Pascal Affi N’guessan et tous ceux qui travaillent à ce que la peur disparaisse dans notre pays.
Hier par respect de la Constitution, le peuple « s’est mis à la disposition de Bédié ». C’est également au nom du respect de la Constitution que Laurent Gbagbo avait organisé le retour de Bédié et de Ouattara qui étaient exilés l’un par l’autre. C’est dire qu’un homme d’Etat doit savoir dominer les instincts négatifs dès lors que ceux-ci sont à l’opposé de la cohésion nationale et de l’intérêt du peuple. Les propos de Bédié débités à hue à dia, suivant que sa cave de champagne est pourvue ou desséchée ne sont pas responsables. Mais il n’y a pas de découverte à retenir par rapport à ce monsieur – Henri Konan Bédié – qui a tout reçu sur un plateau par feu Houphouët mais n’a jamais été à la hauteur pour incarner l’envergure d’homme d’Etat qu’on pouvait en attendre. A chaque fois, là où le peuple attend Bédié pour s’accorder avec les nécessités républicaines, ce monsieur pense d’abord à la préservation de ses biens mal acquis qui pourraient être confisqués par ceux qui les tiennent. Ses propos sur Laurent Gbagbo restent empreints de relents paternalistes qui ne tiennent naturellement pas compte des réalités politiques et sociologiques du pays. Bédié et Ouattara sont dans la logique des héritiers de Houphouët. Comme si les responsabilités au sommet d’un Etat n’étaient pas plus une affaire de compétences que l’assouvissement de simples instincts claniques. Autant que nous sommes, il conviendrait de travailler à l’érection d’un nouveau paradigme qui mette l’intérêt du peuple au-delà de toutes autres considérations.
De la même façon que la droite française, héritière d’un paternalisme gaullien ne supporte pas qu’un parti autre que le sien soit au pouvoir, ceux qui font de la résistance à la remise en question de l’ordre ancien et d’autres oligarques ivoiriens estiment qu’ils sont prédestinés à être aux affaires. Cette catégorisation ou tentation qui ne repose sur aucun élément objectif a servi à diviser artificiellement les Ivoiriens – et les autres Africains –. Les hommes et les femmes sont des vecteurs pour l’accomplissement des tâches de la société. Les grands pays s’appuient sur des critères de compétences ; les grands pays convergent vers des pôles de rassemblement et de compétences. A cette image, les Ivoiriens doivent s’unir pour sauver leur pays. C’est au peuple d’identifier où est son intérêt et de se donner les moyens de les défendre. Que faut-il aux Ivoiriens pour réclamer ce qui doit leur revenir ? Ils meurent dans le silence par la malnutrition ; ils meurent par milliers à cause de l’absence d’hôpitaux dignes de ce nom. Nous devons aller chercher notre dignité dans la rue. C’est dans le rapport de forces sur le terrain que Ouattara comprendra. Ouattara n’est pas un démocrate. Le peuple a été trompé et il doit s’assumer.
Enfin, aussi et surtout, depuis plus de deux ans, Laurent Gbagbo est-il détenu à La Haye alors que le droit le disculpe. En tentant d’instrumentaliser le droit, les réalités locales ont surpris les décideurs de ce monde à l’épreuve de la bonne foi. Il faudra se raviser et libérer Laurent Gbagbo que le processus de réconciliation en Côte d’Ivoire réclame. Au nom de la paix dans ce pays, Laurent Gbagbo doit être libéré.

Une contribution de Dr Claude KOUDOU, Enseignant-écrivain ; Directeur de la Collection « Afrique Liberté » aux Editions L’Harmattan ; Président de « Convergences pour la Paix et le Développement de l’Afrique » ; Membre de la Coordination des Intellectuels d’Afrique et des Diasporas africaines.