Blocage politique - Jean-Louis Billon explique les menaces sur les salaires
Le 10 décembre 2010 par le Mandat - Le tour de table des sanctions internationales contre le Président Laurent Gbagbo est bouclé. Après les Institutions financières
Le 10 décembre 2010 par le Mandat - Le tour de table des sanctions internationales contre le Président Laurent Gbagbo est bouclé. Après les Institutions financières
internationales dont le Fonds monétaire international (FMI), la Banque Mondiale et la BAD, et la reconnaissance par la BCEAO de la signature du Président élu, Alassane Ouattara, la série des soutiens à ADO vient d’être bouclée par la dernière déclaration du Conseil de sécurité de l’ONU. Il est clair que le gouvernement de Gbagbo ne représente plus rien hors de la Côte d’Ivoire. La phase pratique au plan économique va se compliquer pour les Ivoiriens. Les salaires risquent de ne pas être payés tant pour les fonctionnaires que pour le secteur privé. Il suffit de lire la déclaration du patronat et l’interview de Mr. Jean-Louis Billon, le président de la Chambre de Commerce.
Monsieur le président, que vous inspire le blocage institutionnel actuel en Côte d’Ivoire ?
Alors, c’est très difficile lorsqu’on se trouve dans une situation complètement inédite. La Côte d’Ivoire innove de façon triste, il faut le dire, parce que personne ne pouvait s’attendre à une telle issue. Techniquement, nous avons deux administrations. Et les contribuables que nous sommes ne savons pas vers qui nous tourner pour remplir nos obligations fiscales. Dans quelques jours, nous allons devoir remplir ces obligations-là. Et nous avons une administration issue des urnes qui n’est pas installée et une administration présente qui n’a pas la légitimité aux yeux de la communauté internationale. C’est une situation vraiment compliquée pour nous.
Monsieur le président, deux présidents, deux gouvernements. Selon la presse, le Président élu Alassane Ouattara a écrit au gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest pour mettre les décisions sur les comptes de l’Etat de Côte d’Ivoire sous les ordres du premier ministre Guillaume Soro. Cette situation va entrainer inévitablement des blocages. Le patronat menace aussi de ne plus verser les impôts et les taxes de recouvert au profit de l’Etat. Comment cela va se passer ?
Justement, cette situation est inédite pour nous. On ne sait pas comment cela va se passer très bien. Dans l’incertitude, on pourrait se retrouver à ne pas exécuter nos obligations fiscales parce que nous ne savons pas comment les exécuter. Les acteurs économiques gèrent aujourd’hui, leurs affaires au quotidien pour assurer leurs productions, leurs ventes, les salaires de leurs employés. Parce que c’est ce qui nous importe aujourd’hui. Surtout que nous avons déjà du mal à travailler vue que nous avons un couvre-feu et que beaucoup de nos employés à l’image de l’ensemble la population ivoirienne sont inquiets, arrivent en retard au travail et retournent beaucoup plus tôt à la maison. Donc déjà, nous perdons beaucoup en productions et en chiffre d’affaires.
A propos du couvre-feu, on se rappelle que pendant une semaine, les frontières ivoiriennes étaient toutes fermées. Est-ce que vous avez chiffré le coût que cela induit pour les entreprises ?
On ne peut pas aujourd’hui vous chiffrer les dégâts pour l’ensemble de l’économie. Mais d’ordre et déjà, on sait qu’il y a eu une augmentation de certaines denrées et de certains produits de l’ordre de 30% que vous constatez sur le marché déjà. Que cela soit le sac de riz, le sac de charbon et les denrées périssables, les légumes, la viande, ont fortement augmenté. Ensuite, à partir du moment où les frontières étaient fermées et que le couvre-feu restreignait la possibilité de rotation logistique des transports, vous avez des marchés qui sont encore fermés aujourd’hui, malgré l’allégement du couvre-feu et des produits qui manquent sur le marché.
En tant que membre influent du patronat ivoirien et avec votre statut de président de la Chambre d’Industrie et de Commerce de Côte d’Ivoire, avez-vous réfléchi à des propositions de solution pour sortir de cette crise ?
Vous savez, nous nous sommes souvent exprimés depuis le début de cette crise. Malheureusement, même si nous avons été entendus, nous avons été très peu écoutés de la part des acteurs politiques. Si bien qu’on arrive à avoir des décisions au détriment des populations ivoiriennes. L’exemple de la fermeture des frontières et des horaires du couvre-feu qui ont été faites au détriment de l’économie ivoirienne, des populations ivoiriennes et même des forces de l’ordre. Tout cela fragilise fortement la cohésion totale. Aujourd’hui, si nous n’exportons pas, nous n’importons pas, nous ne produisons pas, nous ne vendons pas, nous ne transportons pas, l’économie s’arrête aujourd’hui. Aujourd’hui, l’économie est fortement au ralenti. Et, il y a des risques réels que le mois de décembre soit difficile financièrement pour tous. Parce que les entreprises et les contribuables ne pourront pas respecter l’ensemble de leurs obligations fiscales.
Y compris les salaires des employés. Est-ce que vous pouvez rassurer les travailleurs…
Je veux vous dire que quand on parle de salaires en Côte d’Ivoire, cela m’a toujours amusé. Parce que vous avez des ministres qui disent qu’ils n’ont pas de problème pour faire des salaires. Ils s’expriment concernant les salaires de la fonction publique. Mais, depuis le début de la crise ivoirienne, des dizaines de milliers d’employés du secteur privé ont leurs salaires qui ne sont pas faits. Et cela, c’est une réalité. Des entreprises ne pourront pas faire des salaires, des employés seront au chômage technique. Et c’est le cas aujourd’hui. Et beaucoup d’entreprises appellent parce qu’elles se disent qu’elles sont en train de réfléchir à comment faire pour mettre leurs employés au chômage technique. Je ne peux rassurer les employés pour dire qu’ils seront payés. Non, au contraire, il faut dire, attention, beaucoup d’entre vous ne seront pas payés. Et il faut faire comprendre à l’Etat, aux fonctionnaires que s’ils peuvent être payés, c’est que les entreprises peuvent travailler. Et si ces entreprises ne peuvent pas travailler, eh bien, nous courons un risque essentiel.
J. César
Source : Jeune Afrique