Beurre de karité: L'OR DE CES FEMMES

Le 26 novembre 2010 par Fraternité Matin - En Afrique, tout est sacré. Le karité est aussi considéré comme un arbre sacré que l’on ne doit

Vendeuse de légumes sur un marché abidjanais.

Le 26 novembre 2010 par Fraternité Matin - En Afrique, tout est sacré. Le karité est aussi considéré comme un arbre sacré que l’on ne doit

jamais couper ni abîmer. Au Burkina Faso, cet arbre est protégé par la loi. Il est même interdit de cueillir les fruits, car le fruit mûr tombe tout seul. Les femmes sont les gardiennes et même les propriétaires de cet arbre. Aucun paysan sensé ne peut donc disputer cette exclusivité à sa femme.
D’abord, parce que, dit-on, seules les femmes ont le pouvoir d’apaiser les esprits de l’arbre par leurs chants et danses. Ensuite parce qu’elles ont la patience nécessaire que requiert le travail de production du beurre de karité. Ce sont donc elles qui parcourent la brousse pour ramasser les amandes tombées, les concassent, les cuisent pour, d’une part, vendre les amandes séchées ; d’autre part, pour produire le beurre en malaxant les graines obtenues jusqu’à obtention d’une pâte compacte couleur chocolat. Cette pâte sera mise dans une marmite d’eau bouillante dans laquelle surnage le beurre qu’elles peuvent alors recueillir.

La région nord de la Côte d’Ivoire, principale productrice du karité et ses dérivés, n’échappe pas aux règles attachées à cet arbre. A Korhogo, ce sont donc les femmes qui exploitent le karité dans un contexte de concurrence déloyale et féroce que leur livrent les hommes. En effet, ce sont eux qui collectent les amandes en vue de leur exportation. De nombreux acheteurs installés dans le marché ou ses abords envoient les pisteurs dans les villages pour l’achat des amandes séchées. De nombreuses femmes imputent la spéculation que connaît l’amande à un Blanc. Personne ne connaît son nom. Elles ne l’ont d’ailleurs vu. La légende vivante ainsi entretenue dit simplement qu’ « il a beaucoup d’argent et il achète beaucoup d’amandes. » Dans ces conditions les femmes augmentent le prix, raconte Coulibaly Awa, la présidente du groupement Chigata de Natio Kobara.
Malgré tout, l’activité est rémunératrice. Yéo Fanta du groupement des productrices Yrédemin de Tchékérézo à Korhogo dit qu’elle n’a pour activité que la production du beurre de karité. « Je ne vais pas aux champs mais avec l’argent que je gagne en produisant le beurre de karité, j’aide mon mari dans les travaux champêtres. Je paie des manœuvres qui font le travail qui me revient au champ. Parfois même, ils font le travail de mon mari. Il est donc content et ne se plaint pas que je n’aille pas au champ avec lui », dit-elle dans un éclat de rires. Et d’ajouter qu’elle aide aussi son mari à scolariser leurs enfants.
Face à la concurrence que leur livrent les hommes, ces femmes tentent de s’organiser pour non seulement tirer le meilleur profit de leur activité mais aussi pour bénéficier de l’appui des partenaires au développement. Récemment, elles ont ainsi bénéficié d’un appui du Programme des Nations Unies pour le développement. Le PNUD a doté leur groupement d’un fonds de roulement de 4 millions pour 138 femmes. Chaque membre du groupement a pu bénéficier d’un prêt remboursable pour l’achat des amandes séchées.
Avec ce fonds, le groupement vient d’acheter pour 2, 477 tonnes de beurre qui sont stockés et seront vendus quand le prix du kilo sera au meilleur niveau, soit 600 F contre à peine 400 F actuellement.
Les bénéfices de l’opération seront reversés dans la caisse de l’association pour renforcer le fonds de roulement
Mais la hantise du mystérieux Blanc qui achèterait toutes les amandes sur son passage et fait grimper les prix d’achat demeure. Coulibaly Awa demande au gouvernement, aux élus, aux partenaires au développement de les aider à se doter d’un fonds de roulement assez solide pour tenir la concurrence avec lui. « Il y a des périodes où le Blanc vient ramasser toutes les amades et nous, nous ne pouvons pas travailler. ». Vrai ou faux ? Les spéculations autour de l’or des femmes du Nord vont bon train.

Martial Niangoran
Correspondant régional