Amani N’guessan Michel, (responsable des questions de Défense et de sécurité du FPI): « Le pouvoir a peur du FPI ». « Le pouvoir vit tétanisé par la hantise d’un coup d’Etat »

Le 24 juillet 2012 par Le MANDAT - Au lendemain de sa rencontre avec le Premier ministre Jeannot Ahoussou Kouadio, le FPI par la voix de son responsable des questions de défense et de sécurité, Amani n’guessan Michel, se prononce sur les questions

Amani N'guessan Michel.

Le 24 juillet 2012 par Le MANDAT - Au lendemain de sa rencontre avec le Premier ministre Jeannot Ahoussou Kouadio, le FPI par la voix de son responsable des questions de défense et de sécurité, Amani n’guessan Michel, se prononce sur les questions

liées au dialogue républicain et à la vie politique nationale. De son point de vue, le FPI pourrait prendre part aux élections locales et régionales sous certaines conditions.
De quoi avez-vous parlé avec le premier ministre Jeannot Ahoussou Kouadio lors de votre rencontre ?
Après la longue crise que la Côte d’Ivoire a connu, le FPI est conscient qu’il faut engager une discussion avec les nouvelles autorités pour recréer une nouvelle fraternité nationale gage du développement. C’est pourquoi, très tôt nous avons écrit au Président Ouattara pour demander à discuter.
Cette rencontre avec le Premier Ministre s’inscrit donc, dans une volonté permanente du FPI d’aller à la normalisation de la vie en Côte d’Ivoire après les présidentielles de Novembre 2010.
Au cours de cette rencontre, nous avons essentiellement parlé de l’approche méthodologique de la discussion, c’est-à-dire des dispositions pratiques pour discuter sincèrement et profondément dans la confiance.

Quels sont les problèmes pour lesquels vous aviez demandé à discuter avec le chef de l’Etat ?
Toutes ces questions se trouvent dans un document que nous avons remis au Chef de l’Etat le 29 Septembre 2011 au Palais présidentiel. Ce document a été actualisé et remis au Premier Ministre et au Président de la République le mois de Juin courant. Pour l’essentiel, nous avons quatre préoccupations : la sécurité, l’Etat de droit, le jeu démocratique et la réconciliation.

Le gouvernement vous a toujours tendu la main, à plus d’une fois appelé à la table de négociations, pourquoi avez-vous décliné l’offre ?
En posant ainsi la question, vous êtes pris au piège de la propagande politique des nouvelles autorités. Pour diaboliser le FPI, le gouvernement s’efforce de le présenter comme le diable incarné et vivant en Côte d’Ivoire. Si non, comment comprendre que l’on puisse affirmer que le FPI refuse le dialogue après ce que je viens de vous dire :
1. Le FPI a été le premier à demander aux nouvelles autorités le dialogue républicain par écrit (Juillet 2011).
2. Le FPI ne s’est pas contenté de demander le dialogue. Il a proposé aux nouvelles autorités un mémorandum qui contient toutes ses propositions de sujets de discussion. Les preuves existent.
3. Malgré la volonté manifeste d’anéantir le FPI dans son existence physique, ce parti politique a un siège avec des contacts permanents.
De quelle main tendue du gouvernement parle t-on ? de quel FPI qui décline l’offre parle t-on ? Diabolisation du FPI, manipulation de l’opinion nationale et internationale !

Le FPI ne refuse pas le dialogue. Où se situerait donc le problème selon vous ?
Il y a plusieurs blocages. D’abord, il y a un blocage psychologique au niveau du nouveau pouvoir en place. Le pouvoir a peur du FPI qu’il a chassé de la manière la plus anti-démocratique qui soit. Le pouvoir a peur de sa propre nature qu’il projette sur son adversaire principal qui est le FPI. Le pouvoir vit tétanisé par la hantise d’un coup d’Etat qui s’opérerait par le FPI. Cette peur est si forte que les nouvelles autorités ne gouvernent pas. Elles passent tout leur temps à rechercher des coups d’Etat, des déstabilisateurs. Et pourtant une gouvernance normale annulerait toute tentative de déstabilisation d’où qu’elle vienne. La discussion pour rechercher la paix et la réconciliation participerait de cette gouvernance là. Or, l’état psychologique du pouvoir rend la discussion impossible. Quand il veut, par des moments de lucidité et de réalisme, surmonter sa propre peur pour aller à la discussion, les calculs politiciens sont nombreux et ne mettent pas le FPI en confiance.
La discussion avec le FPI est utilisée comme un instrument de propagande politique pour assouvir les besoins du moment. Il faut se donner un vernis de démocratie pour aller rencontrer les dirigeants du monde qui sont des démocrates. Par ailleurs, dans la mesure où le FPI n’est pas mort malgré tout, il faut le recevoir dans un cadre fabriqué où son talent politique sera réduit ou annulé. C’est ce qui explique que le gouvernement sélectionne des partis politiques de l’opposition pour constituer le cadre de discussion où le FPI est impérativement invité à s’associer. Cette stratégie qui pue la manipulation politique à distance n’échappe pas au FPI. Il trouve dans ce cadre de discussion un piège cousu de fil blanc.
Comme vous le constatez, le problème se situe au niveau des nouvelles autorités qui refusent en réalité un dialogue républicain dénué de tout piège et de toute peur.

Que faire pour sortir de ce blocage ?
Il faut que le pouvoir se débarrasse de sa nature originelle et accepte de faire de la politique comme on la fait dans les Etats dits civilisés. Il faut que le pouvoir se convainc que le FPI n’est pas le diable incarné en Côte d’Ivoire. Par principe, le FPI a décidé depuis sa naissance de conquérir le pouvoir par les urnes. Que le pouvoir en juge par les trente ans d’opposition du FPI au PDCI-RDA sans violence, sans coup d’Etat. Il faut que le pouvoir se convainc en outre que la violence ne viendra pas du FPI mais qu’il sache que la mal gouvernance a toujours entrainé la violence que le FPI ne peut empêcher ni encourager. Le 24 décembre 1999 ce n’est pas le FPI qui a fait le premier coup d’Etat en Côte d’Ivoire. Monsieur Soro Guillaume sur RFI à tort ou à raison a justifié sa rébellion armée contre le FPI par la mal gouvernance.
Il faut que le pouvoir arrête les calculs politiciens pour venir sincèrement au dialogue politique que lui propose le FPI.
Comme vous le voyez les obstacles à lever sont du côté du pouvoir. Au FPI, nous voulons franchement avec le gouvernement, asseoir en Côte d’Ivoire les bases d’une République normale. Nous voulons pour ce faire un dialogue direct FPI/gouvernement. Cela est d’autant plus justifié que le pouvoir n’accuse aucun autre parti politique que le FPI. La paix en Côte d’Ivoire passe nécessairement par ce dialogue qui va réconcilier les fils et les filles dans notre pays.

Vous parlez de l’ouverture d’un dialogue direct avec le pouvoir alors que certains de vos camarades ne reconnaissent pas l’autorité du chef l’Etat…
A qui le FPI a écrit pour demander le dialogue politique ? Aujourd’hui M. Ouattara est le président de la côte d’ivoire. Il est de son devoir de rassembler les ivoiriens, peu importe les supputations. Peu importe tout ce que les gens diront. Son devoir à lui, est de mettre les Ivoiriens ensemble. Quand Gbagbo a été élu, il s’est trouvé des gens en Côte d’Ivoire pour dire qu’il avait été mal élu. Les supputations autour du pouvoir, vous n’y pouvez rien. Que vous le vouliez ou pas, il se trouvera quelqu’un pour vous dire que vous avez été mal élu. Lorsque vous exercez le pouvoir, il est de votre ressort de démontrer que ce qui se dit n’est qu’un tissu de ragots. Si vous n’arrivez pas à le faire, alors vous donnez du crédit à tout ce qui se raconte et vous ne gouvernez pas. C’est plutôt les ragots qui vous gouvernent.

Vous affirmez que la paix passe par la réconciliation des fils et des filles de la Côte d’Ivoire, alors pourquoi des militaires en fuite aidés par des caciques de votre parti cherchent, absolument, à renverser le pouvoir en place ?
C’est de la manipulation ! Rien que de la manipulation ! Le FPI est un parti responsable qui ne peut absolument pas tremper dans pareille manœuvre. Ce sont les mains nues et avec nos idéaux que nous avons combattu le PDCI-RDA pour arriver au pouvoir. Nous avons toujours œuvré pour la paix dans ce pays et nous ne ferons rien qui puisse mettre le pays à feu et à sang. C’est de la manipulation ! Dans un Etat de droit, Il faut laisser la justice mener les enquêtes et tirer les conclusions. En Côte d’Ivoire, des hommes politiques sont à la fois procureurs, juges, avocats. Ils sont instructeurs, enquêteurs, accusateurs et défenseurs. C’est inadmissible et honteux que l’Exécutif et la Justice en soit à cette confusion après plus de cinquante ans d’indépendance. On brandit des preuves farfelues pour distraire le peuple dans l’unique but de diaboliser le FPI et se présenter en victime. Nous sommes des démocrates. En tant que tels, nous ne pouvons guère accepter les allégations mensongères dont nous sommes accusés.

Qu’avez-vous à dire sur le dégel des avoirs de certains militaires détenus ou en fuite ?
Le pouvoir ne devait aucunement geler des avoirs. La justice doit mener minutieusement les enquêtes et définir leur culpabilité. Une fois leur culpabilité établit, un mandat d’arrêt peut être lancé contre eux. Cela fait partie des prérogatives de la justice. Même Si ces militaires se cachent au plus profond des toundras de la Russie, ils seront cueillis et extradés pour répondre de leurs actes devant la justice. Normalement, c’est ainsi que les choses devraient se passer, pas le contraire.

Certains de vos camarades et des anciens membres du gouvernement Aké N’gbo ont été auditionnés et inculpés de plusieurs chefs d’accusation : crime de sang, génocides…
Vous dites qu’ils viennent d’être inculpés ? Alors que faisaient toutes ces autorités en prison avant leur inculpation ? Je crois savoir que tout prévenu bénéficie d’une présomption d’innocence. Dans la mesure où nos camarades ont des domiciles fixes pourquoi les garder en prison avant d’établir leur culpabilité ? Ces chefs d’accusation sont fantaisistes et ne reposent que sur la volonté politique de maintenir ces dignes fils de la Côte d’Ivoire en prison. Vous comprenez pourquoi nous sommes demandeurs de la discussion politique. Il n’y a que par la politique nous pouvons délier la Côte d’Ivoire.

Quels sont vos rapports avec vos anciens camarades et camarades exilés, notamment Ahoua Don Melo, Koné Katinan, Mamadou Koulibaly, Yao Paul N’dré, Gervais Coulibaly et Henriette Lagou, pour ne citer que ceux là ?
Nous avons des nouvelles de certains d’entre eux. Ils se portent bien. Il faut dire que les fortunes sont diverses. D’autres n’ont pas eu de courage politique. Ils ont manifestement eu peur du vide crée par la brutalité du changement. On vient dans un parti par conviction et non pour quelques intérêts éphémères. La transhumance ou le mercantilisme politique augure rarement de meilleurs lendemains. D’autres ont rejoint le FPI pour bénéficier de son ombrage politique. Aujourd’hui que Gbagbo est à la Haye, des membres de son gouvernement et de son parti emprisonnés, ces alliés d’hier ne se reconnaissent ni en ses idéaux, ni en son parti. Normal je pourrais dire.
Confrontés à des difficultés dans leur vie politique certains n’ont pas résisté pas à la tentation de rejoindre l’adversaire ou même de se prêter à son jeu. C’est une question à la fois de formation et d’éducation politique.
On annonce votre entrée prochaine au gouvernement ? Qu’en est-il ?
Nous aviserons lorsque tous les différends seront aplanis. Il ne faudrait pas aller trop vite en besogne. Les problèmes sont posés, nous attendons de voir les solutions. Quand on prend le pouvoir, on s’entoure de personnes qui partagent sa vision. En Afrique on pense qu’il faut absolument être au gouvernement pour exister politiquement. Ce qui est loin d’être vrai. En France M. François Hollande a gagné les élections. Il ne partage pas le pouvoir avec la droite. Il a mis sur pied un gouvernement qui répond essentiellement aux aspirations de son parti. Le FPI n’a participé à aucun gouvernement sous Houphouët-Boigny. Le FPI aime trop la côte d’ivoire pour en être le fossoyeur, pour la pousser dans l’abîme, comme cela a été le cas sous Laurent Gbagbo par nos adversaires politiques regroupés aujourd’hui au sein du RHDP. La rébellion et tous les partis politiques du RHDP étaient présents dans son gouvernement pendant presqu’une décennie. Pourtant, aujourd’hui, ils affirment tous sans honte que Laurent Gbagbo n’a rien fait, qu’il a plutôt mis le pays dans le désordre. Le gouvernement « cour commune » a montré ses limites. Essayons autre chose.

Pour parler de la France, le nouveau président reçoit le chef de l’Etat ivoirien, le 26 juillet. Quel commentaire faites-vous de ce rendez-vous, quand on sait que vos militants ont jubilé après l’élection de François Hollande qui symbolisait pour eux, le retour au pays de Laurent Gbagbo ?
C’est un non événement. Que mon président soit reçu par son homologue français, cela participe de l’ordre logique des choses. La France et la côte d’ivoire sont fortement liées par des intérêts. Alors que les uns jubilent pour la venue au pouvoir de M. François hollande et que les autres en fassent autant après son coup de fil à M. Alassane Ouattara, pour moi, cela n’a pas grand intérêt. M. François hollande a été élu par les Français et œuvrera pour le bien être de la France et des Français dont il sollicitera, à la fin de son quinquennat, les suffrages. Alors que mon président ait une entrevue avec lui, pour moi, c’est juste bon pour la diplomatie.

Prendrez-vous part aux prochaines élections, notamment, les régionales et les municipales ?
Tout est lié au règlement du contentieux électoral. Nous avons demandé à ce que le gouvernement revoie la composition de la CEI et règle le problème de la sécurité. Tout ce que nous demandons est contenu dans un document que nous avons remis au gouvernement. Si nous aplanissons tous ces différends, il n’y a pas de raison que le FPI ne soit pas présent à ces élections.

Pensez-vous que le président Gbagbo à une chance d’être relaxé par la CPI ?
Il sera purement et simplement relaxé par la CPI. Chez nous, nous disons que lorsque la chèvre entre dans une concession pour manger les résidus d’igname et de banane plantain, elle regarde toujours le visage du propriétaire de la concession au préalable. Si elle n’est pas effrayée par son visage, elle mangera en toute tranquillité. Dans le cas contraire, elle se sauve. La CPI joue sa crédibilité sur le dossier Gbagbo. Laurent Gbagbo représente l’espoir de tous les Africains. Le combat qu’il mène, c’est celui de l’émancipation de toute l’Afrique. Et l’Afrique digne est debout. La communauté internationale dont l’un des instruments de domination est la CPI en tiendra compte dans ses rapports avec l’Afrique nouvelle.

Réalisé par LORNG ESMEL
NB : Cette interview a été réalisée par un journaliste du journal « le MANDAT » et a été certainement censurée.