Ahoua Don Mello: l’Ivoirien qui murmure à l’oreille de Gbagbo, de Condé et des Russes

Par Jeuneafrique.com - Ahoua Don Mello, l’Ivoirien qui murmure à l’oreille de Gbagbo, de Condé et des Russes.

Ahoua Don Mello le 14 octobre 2021 à Paris. Francis Grivelet pour JA.

Par Benjamin Roger

Fidèle de Laurent Gbagbo, dont il fut le ministre, Ahoua Don Mello était conseiller spécial d’Alpha Condé ces dernières années. Mais la chute du président guinéen l’a conduit à se rapprocher du Kremlin.

Il n’était plus revenu dans le village de son père depuis dix ans. Alors forcément, quand il est entré vendredi 22 octobre dans Bongouanou, chef-lieu du Moronou, nombre de ses partisans étaient sortis dans les rues pour saluer le retour de l’enfant du pays. Un accueil festif et chaleureux, comme celui reçu deux semaines plus tôt lors de son arrivée à l’aéroport d’Abidjan.

Pour Ahoua Don Mello, c’est la fin d’une décennie d’exil. Et le retour dans le jeu politique ivoirien, aux côtés de celui dont il a toujours été un des fidèles : Laurent Gbagbo, à qui il s’est empressé de rendre visite à peine sorti de l’avion. Revenu en Côte d’Ivoire dans le sillage de son ancien patron, comme plusieurs autres exilés pro-Gbagbo, l’ex-ministre de l’Équipement et porte-parole du dernier gouvernement du « Woody de Mama » était présent au congrès constitutif de son Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), les 16 et 17 octobre, à l’hôtel Ivoire.

Fuite clandestine Cet ingénieur, qui a piloté une bonne partie des grands projets du pays entre 2000 et 2010 en tant que directeur général du Bureau national d’étude techniques et de développement (BNETD), n’est donc plus persona non grata à Abidjan. Pendant la crise post-électorale de 2010-2011, il était resté jusqu’au bout aux côtés de Laurent Gbagbo. Après l’arrestation de l’ex-chef de l’État dans le bunker de sa résidence par les hommes d’Alassane Ouattara, le 11 avril 2011, Ahoua Don Mello se terre pendant deux mois chez des amis.

Avant de finalement se résoudre à quitter le pays clandestinement face à la menace d’un mandat d’arrêt. Déguisé en femme, en voiture, en pirogue… Comme plusieurs de ses camarades du Front populaire ivoirien(FPI), il se débrouille pour rejoindre le Ghana. Sur place, il retrouve Assoa Adou, Justin Koné Katinan et d’autres exilés. S’en suivent plusieurs années à Accra, à la fois loin et proche de la Côte d’Ivoire et de ses soubresauts post-crise électorale. En 2014, Il obtient un titre de voyage par le Haut-commissariat aux réfugiés(HCR). Un sésame synonyme de reprise des airs.

Angola, Cap Vert, Cameroun, Guinée équatoriale, Rwanda, Afrique du Sud… L’ancien ministre vadrouille sur le continent au gré de ses contrats de consultant sur différents projets d’infrastructures.

Collaborateur influent d’Alpha Condé

En 2017, l’ingénieur est en mission à Conakry. Il y retrouve Alpha Condé, qu’il a connu dans les années 2000 alors qu’il était encore opposant au régime de Lansana Conté – à l’époque, le Guinéen, membre de l’Internationale socialiste (IS) comme Laurent Gbagbo, est parfois reçu par son camarade au pouvoir à Abidjan. Condé propose alors à Don Mello de devenir son conseiller spécial en charge des grands projets.

Après avoir brièvement hésité, l’intéressé accepte. Il s’installe sur la presqu’île de Kaloum, avec logement et voiture de fonction, et récupère un passeport diplomatique qui lui permet de voyager en Europe.

Sa première destination ? La Haye, pour aller rendre visite à Gbagbo à la prison de Scheveningen. Après l’acquittement de l’ancien président en première instance par la Cour pénale internationale (CPI), en février 2019, il continuera à lui rendre régulièrement visite à Bruxelles. En Guinée, Ahoua Don Mello s’impose progressivement comme un des collaborateurs influents d’Alpha Condé.

Infrastructures, projets miniers, développement industriel… Il conseille le président sur plusieurs dossiers stratégiques et travaille avec différents partenaires : Chine, France, Turquie, Égypte… mais aussi Russie, avec laquelle les autorités entendent élargir leur partenariat au-delà du secteur minier.
De Conakry au Kremlin

Le 4 septembre, Don Mello passe l’après-midi dans le bureau d’Alpha Condé au palais de Sékouthoureya avant de partir pour l’aéroport et de prendre un vol pour Moscou (via Paris), où il entend finaliser des négociations sur des investissements russes en Guinée. Le lendemain, c’est en atterrissant en milieu de matinée dans la capitale russe qu’il apprend, stupéfait, que son patron a été renversé par un coup d’État perpétré par le colonel Mamadi Doumbouya et ses forces spéciales.

Selon son entourage, l’Ivoirien aurait toujours évité de parler politique interne avec le président déchu, et donc de son troisième mandat décrié. Comme beaucoup, à commencer par Alpha Condé et son premier cercle, il pensait que l’affaire était entendue et que le régime était solidement installé. Il n’empêche. En découvrant les images de Condé avachi en jean sur un canapé entouré de soldats armés que lui montrent ses interlocuteurs russes, il comprend que sa mission à la présidence guinéenne est terminée.

Un peu déboussolé par les évènements, seul à Moscou sans plus aucune feuille de route, Ahoua Don Mello est accueilli et hébergé par ses partenaires russes. Lesquels finissent par lui proposer de travailler pour eux. Après avoir œuvré auprès de Laurent Gbagbo et Alpha Condé, le voilà désormais consultant sur les dossiers africains pour le patronat russe – qui se trouve sous la tutelle du Kremlin et donc de Vladimir Poutine.

Après son séjour en Côte d’Ivoire, il remettra mi-novembre le cap sur Moscou, où il est désormais basé. Ses proches assurent qu’il ne compte pas revenir s’installer à Abidjan, par crainte d’être absorbé par le marigot politique, mais qu’il y reviendra régulièrement. Car l’ancien ministre entend rester à la disposition de son mentor l’accompagner dans sa nouvelle aventure du PPA-CI.

Quant à son autre camarade, Alpha Condé, il continue à prendre de ses nouvelles régulièrement. Toujours détenu au palais Mohammed V par les putschistes, le président déchu se porte bien et reçoit la visite quotidienne de son médecin, le Docteur Kaba. Il refuse toujours de démissionner ce qui pourrait lui permettre de quitter la Guinée. Une position inflexible sur laquelle Ahoua Don Mello et plusieurs autres de ses proches l’aimerait voir revenir. Pour l’instant sans succès.

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