Affaire Gbagbo à la CPI - Pr. Raymond Koudou Kessié : « Le parti-pris de Mme le Procureur est flagrant »

Par IVOIREBUSINESS - Pr. Raymond Koudou Kessié « Le parti-pris de Mme le Procureur est flagrant ».

L’ex-ambassadeur de Côte d’Ivoire en France puis en Israël, Koudou Kessié.

Par Pr. raymond KOUDOU KEssié
ex-Ambassadeur de Côte d'ivoire [exil forcé au Ghana puis au royaume Uni]

Dans cette dernière partie de son développement, le professeur Raymond Koudou Kessié pose la lancinante question: qui a gagné
les elections présidentielles de 2010? Une question que Mme Fatou Bensouda ne veut pas entendre. Et pourtant!
2- Qui a gagné les elections présidentielles de 2010?
2-1- pour Mme le procureur de la Cpi?
A la lecture du point 42 du DnC amendé, on pouvait encore croire à la neutralité
de mme le Procureur à propos des résultats de l’élection
présidentielle: « Le second tour de l’élection présidentielle a eu lieu
le 28 novembre 2010 et l’annonce des résultats était prévue le 1 décembre 2010.
Le 2 décembre, le Président de la CEI a annoncé les résultats
provisoires et déclaré que Ouattara avait
remporté 54,1% des voix et Gbagbo 45,9%. Le 3 décembre,
le Président du Conseil constitutionnel, un
allié de Gbagbo, a invalidé la décision de la CEI et annoncé la victoire de celui-ci.
Les deux candidats se sont proclamés simultanément
Président de la Côte d’Ivoire.
Cependant, le 4 décembre, le Conseil constitutionnel a
fait prêter serment à Gbagbo pour un nouveau mandat présidentiel. Peu
après, Ouattara prêtait serment par écrit en tant que
Président de la République.
Les deux camps ont alors formé leurs gouvernements
respectifs».
Que non ! en effet, pour mme le Procureur, le Président
du Conseil Constitutionnel qui a déclaré
Gbagbo élu est « un allié de Gbagbo ». Mais qui est l’allié
du Président de la Cei qui a proclamé Ouattara
Président ? Mme Bensouda passe sous silence le fait
que le Président de la Cei
est membre du rHDP, coalition de partis politiques dont
ouattara était le candidat et
dont les membres en étaient issus à majorité. Voilà le
premier biais dans son affaire. le second biais vient de que
mme le Procureur annonçait
déjà au Point 41 de son
DnC amendé qui était en
réalité son « favori’ » avant de s’en remettre à d’autres ;
au Point 43 à la communauté
internationale qui a «
reconnu la victoire de Ouattara
» ou encore au point 52
au procureur, au président
et au greffier pour faire référence
à la « qualité de président
de la Côte d’Ivoire »
de m. ouattara: elle écrit en effet :
Point 41 : « (…) Le 7 novembre
2010, Bédié a annoncé
son soutien à
Ouattara, qui est devenu le
candidat du RHDP au second
tour. Gbagbo avait le
soutien de « La Majorité
Présidentielle » (« LMP »),
une alliance entre son Front
Populaire Ivoirien (« FPI »)
et d’autres partis politiques,
mais Ouattara, fort de l’appui
du PDCI et des autres
partis politiques du RHDP,
devenait le favori pour gagner
l’élection. GBAGBO a
alors mis en oeuvre le Plan
commun afin de rester au
pouvoir en utilisant la violence
contre les militants de
Ouattara et des civils perçus
comme soutenant l’opposition.»
Le parti-pris de mme le Procureur
est flagrant, parce
que l’on ne comprend pas
de quels sondages elle tire
la conclusion que m. ouattara
était le favori pour gagner
l’élection. Ce parti-pris
devient encore plus bouleversant
lorsqu’elle dénombre
les partisans de
ouattara ‘’en milliers’’ dans
les rues pour réclamer le
départ de m. Gbagbo ; elle
qui n’était ni dans les rues,
ni à Abidjan pour les compter.
Point 43 : « S’en est suivi
une crise postélectorale,
lors de laquelle des milliers
de partisans de Ouattara
se sont rassemblés dans les
rues d’Abidjan et dans d’autres
parties du pays pour réclamer
la démission de GBAGBO. La communauté
internationale, dont l’ONU, l’Union africaine, la Communauté
Économique des
États de l’Afrique de l’Ouest
(« CEDEAO ») et l’Union
européenne, a également
reconnu la victoire de
Ouattara et exhorté
Gbagbo à céder le pouvoir.
»
Comme il fallait donc s’y attendre,
la qualité de Président
de la république de m.
ouattara, elle la décline
enfin en se référant
à une lettre
de la justice.
Point 52 du
DnC amendé :
« Le 14 décembre
2010,
le Procureur, le
Président et le
Greffier de la Cour ont reçu
une lettre de Ouattara, en
sa qualité de Président de
la Côte d’Ivoire, confirmant
la prorogation de la validité
de la Déclaration du 18 avril
2003.Une deuxième lettre à
cet effet a été reçue le 4 mai
2011. »
2-2- Pour le Conseil
Constitutionnel ?
Par Décision n°Ci-2010-
eP-34/03-12/CC/SG du 3 décembre 2010 portant proclamation
des résultats définitifs
de l`élection
présidentielle du 28 novembre
2010, le Conseil Constitutionnel
a ainsi statue :
« Les résultats du scrutin du
28 novembre 2010 se présentent
comme suit :
Electeurs inscrits: 5.725.721
Votants: 4.081.765.
Taux de participation:
71,28%
Suffrages nuls: 88.556
Suffrages exprimés:
3.993.209
Ont obtenu:
M. Gbagbo Laurent:
2.054.537 soit 51,45 %
M. Ouattara Alassane:
1.938.672 soit 48,55 %.
Décide :
Monsieur Gbagbo Laurent est proclamé élu Président
de la République de Côte d`Ivoire ».
Ce verdict est intervenu
après l’annulation du scrutin
dans les circonscriptions où
m. ouattara a été annoncé
comme vainqueur par la
Cei avec une majoration
des suffrages exprimés.
Ces scores dépassant l’entendement
humain ont don
été annulés par le Conseil
constitutionnel dans sa Décision
n°Ci-2010-eP-34/03-
12/CC/SG :
« L’examen des procès-verbaux
et le croisement des
chiffres fait apparaître que le
nombre total de voix obtenues
par le candidat Ouatta r a
Alassane dans la Vallée du
Bandama s`élève à
2 4 4 . 4 7 1
voix ;
Qu`en réalité,
le candidat
Ouattara Alassane n`a
obtenu que 149.598 voix,
s`attribuant ainsi frauduleusement,
avec la complicité
de la Commission électorale
régionale, 94.873 voix supplémentaires;
Qu`un tel
agissement est caractéristique
d`une volonté manifeste
de travestir la vérité et
entame gravement la sincérité du scrutin dans toute la
Région de la Vallée du Bandama
(…) Qu`au surplus, il
résulte des rapports des
ONG et observateurs accrédités
par la Commission
électorale indépendante,
que des actes de violence
ont été commis sur les représentants
du candidat de
La Majorité Présidentielle et
sur la population elle-même;
qu`ainsi ils n`ont pu ni exercer
leur droit de vote, ni assurer
la représentation de
leur candidat, comme le
prescrit la loi; Qu`il s`ensuit
que ces irrégularités doivent
entraîner l`annulation des
résultats du scrutin dans le
département de Séguéla. ».
2-3-le Président du Conseil Constitutionnel a conforté la
crise postélectorale
Dans sa Décision n°Ci-
2010-eP-34/03-12/CC/SG
du 3 décembre 2010 proclamant
m. Gbagbo élu Président
de la république de
Côte d’ivoire, c’est après
avoir rappelé que m.
Gbagbo laurent a obtenu
2.054.537 soit 51,45 % que
le Conseil a décidé :
« Monsieur Gbagbo Laurent
est proclamé élu Président
de la République de Côte
d`Ivoire ».
Dans sa Décision n° Ci
2011- 036 du 4 mai 2011 du
Président du Conseil constitutionnel,
portant proclamation de M. Alassane
ouattara en qualité de Président
de la république de
Côte d`ivoire, c’est après
avoir fait siennes les décisions
du Conseil de paix et
de sécurité de l`Union africaine
sur le règlement de la
crise en Côte d`Ivoire que le
Conseil a proclamé :
« M. Alassane Ouattara président
de la République de
Côte d`Ivoire. »
Par un regard croisé sur les
deux Décisions, il est loisible
de noter une différence
de taille introduite d’une
part, par le mot « élu »
concernant m. Gbagbo; et
de l’autre, par les mots « fait
siennes » à propos de m.
ouattara. le Président du
Conseil Constitutionnel se fonde sur le fait que m.
Gbagbo laurent, parce qu’il
a obtenu 2.054.53 voix, soit
51,45 %, est élu Président
de la République de Côte
d’Ivoire. Par contre, en ce
qui concerne m. ouattara, il
se fonde sur « les décisions
du conseil de paix et de sécurité
de l’Union Africaine »,
qu’il fait « siennes ».
toute la différence et en
même temps toute la subtilité
et les difficultés du texte
se retrouvent dans ces deux
termes.
Dans la décision concernant
m. ouattara, le Conseil
Constitutionnel n’évoque
pas une victoire électorale
de l’intéressé, ni une remise
en cause du verdict des
urnes donnant m. Gbagbo
laurent vainqueur du scrutin
présidentiel. il dit simplement
faire siennes les
décisions d’institutions internationales.
or, celles-ci n’ont pas la compétence
pour prendre des décisions
en matière électorale ivoirienne.
Au surplus, la Décision
du Conseil
Constitutionnel relative à m. ouattara ne mentionne nulle
part le nom des membres
statutaires ayant siégé autre
que celui du seul Président.
il en est du reste le seul signataire.
Par contre dans la
Décision proclamant m.
Gbagbo élu, tous les membres
statutaires ayant siégé
ont été nommément cités et
la Décision cosignée par le
Président et le Secrétaire
Général de l’institution.
Quelle subtilité ! mais, hélas
! la subtilité a tué le texte, là
où le silence eût été d’or
pour sauver le contexte.
C’est tout le drame des turpitudes
dans le drame ivoirien.
en tout état de cause, le seul résultat de l’élection
présidentielle ivoirienne de
2010 qui mérite d’être pris
en considération, c’est celui
donné par le Conseil Constitutionnel
dans sa Décision
n°Ci - 2 0 1 0 -eP- 3 4 / 0 3 -
12/CC/SG du 3 décembre
2010. et, cette décision ne
peut être opposée à aucune
autre, émanant de ce
conseil lui-même comme la
Décision n° Ci 2011- 036 du
4 mai, ou encore moins
émanant de la Cei ou d’institutions
internationales.
en assumant par conséquent
les charges de Chef
de l’état ivoirien, le Président
Gbagbo était légitimement
au poste où les électeurs ivoiriens l’ont
placé par leur vote et non
pour ‘’s’accrocher au pouvoir
par tous les moyens’’.
3-Laurent gbagbo, le président
légitime de Côte
d’Ivoire n’est ni un chef
militaire, ni un supérieur
hiérarchique de son gouvernement
ou de son entourage
ou autres
m. Gbagbo laurent en tant
que Président de la république
de Côte d’ivoire est,
conformément à l’article 47
de la Constitution ivoirienne,
le Chef suprême des armées,
Président du Conseil
supérieur de la Défense et
Président du Conseil de sécurité.
C’est parce que mme
le Procureur le reconnaît
qu’elle affirme au point n°
225 de son DnC amendé :
« Les victimes des crimes susvisés sont
des personnes
dont Gbagbo, en sa qualité
de chef de
l’État ivoirien,
devait assurer
la protection. »
elle ne peut
pas passer aussi allégrement
de chef de l’état ivoirien
que m. Gbagbo était à
une qualité quelconque de
chef militaire, en se contentant
d’écrire au point 226 de
son DnC amendé :
« D’octobre 2000 au 11 avril
2011, Gbagbo était un chef
militaire ou une personne
faisant effectivement fonction
de chef militaire, à
l’égard des FDS, des mercenaires,
des jeunes pro-Gbagbo et des miliciens
intégrés dans les rangs des
FDS. De plus, Gbagbo était
le supérieur hiérarchique
des jeunes pro-Gbagbo,
des miliciens et des mercenaires
qui n’étaient pas intégrés
dans les rangs des
FDS, et qui lui étaient fidèles.
Gbagbo était aussi le
supérieur hiérarchique des
membres de son entourage
immédiat et de son gouvernement
et à travers lesquels
il exerçait son autorité. »
le Président laurent
Gbagbo n’est pas un chef
militaire, mais le chef légitime
de l’état ivoirien. les
forces de Défense et de Sécurité de Côte d’ivoire
(fDS) constituaient les
forces militaires régulières
de Côte d’ivoire ayant à leur
tête un état-major et un
Chef d’état major. le mode
de transmission des ordres
dans l’armé est connu. et
être Chef suprême des armées
n’a jamais fait du Président
Gbagbo, ni un Général d’armées, ni un Chef
d’état-major. Par ailleurs, le
Président Gbagbo, Chef de
l’état ivoirien ne pouvait être
le supérieur hiérarchique de
quelque entité que ce soit ;
même s’il
plaît à mme
le Procureur
de cat
é g o r i s e r
les entités
dont le Prési d e n t
G b a g b o
serait le supérieur
hiérarchique, en «
FDS », entendez l’armée régulière
de l’état de Côte
d’ivoire ; en « miliciens et
mercenaires », « jeunes
pro-Gbagbo », « membres
de son entourage immédiat
», « son gouvernement ».
Comment en effet, un Chef
d’état que mme le Procureur
reconnaît comme tel
peut-il être tenu pour le supérieur
hiérarchique de l’armée
régulière de son
pays-« les fDS »-, « de son
entourage », ou même « de
son gouvernement » ?
Certes, m. Gbagbo est un
Chef d’état africain. mais tout de même !
4-Le président Laurent
gbagbo qui a proposé le
recomptage des voix pour
vider pacifiquement le
contentieux électoral
n’était pas dans une logique
de violence comme
le mentionne le DNC
amendé
le Président Gbagbo a proposé
un règlement pacifique
de la crise dans les termes
suivants : « Je ne peux pas tuer une
mouche. A plus forte raison
tuer un homme, mon semblable.
Je n’ai donc envoyé
personne tuer qui que ce
soit en Côte d’Ivoire. On a
organisé des élections en
Côte-d’Ivoire et je les ai gagnées.
Quelqu’un d’autre dit
que c’est lui qui les a gagnées.
Comme je dis que
j’ai gagné et qu’il dit qu’il a
aussi gagné, j’ai alors demandé
qu’on recompte les
voix devant tout le monde
entier et qu’on voit qui a eff
e c t i v eme n t
gagné. L’autre a
dit : Non, je ne veux pas qu’on
recompte. Je veux plutôt
qu’on va fasse la guerre. Entre
celui qui dit : on
va recompter et celui qui affirme
: on va faire la guerre,
qui a fait tuer les Ivoiriens ?
Puisqu’on dit qu’il y a eu
3000 morts. Entre celui qui
dit : recomptons les voix et
celui qui dit : faisons la
guerre, qui a fait tuer les
3000 personnes (…).»
Pourquoi en effet, un
homme qui s’accroche au
pouvoir préconiserait-il le recomptage
des voix à la
communauté internationale ? le recomptage des voix
est-il un moyen violent de se
maintenir au pouvoir ? non ! il ya autre chose. et, plus
le temps passe, plus les
nuages se dissipent pour
ceux qui n’avaient pas encore
eu l’occasion d’avoir
les vraies données en vue
d’une bonne lecture de la crise postélectorale ivoirienne.

Conclusion

Mme le Procureur avait été
renvoyée à ses enquêtes pour insuffisance de
preuves. elle en revient évidemment les mains bien
chargées. Des qualifications nouvelles y foisonnent dont
celles du genre :
-« Gbagbo est un chef militaire
» ;
-« Gbagbo est dans une logique de violence et d’attaques
violentes contre des
pro-Ouattara depuis son accession
à la présidence en 2000 » ;
- « Gbagbo a usé de la violence afin de se maintenir
au pouvoir par tous les
moyens ».
De preuves ? nous n’en avons pas vu à travers ce
genre de qualifications nouvelles.
le DnC amendé tout comme le précédent du
reste nous semble s’insérer
dans un plan stratégique
consistant à faire traîner les choses, et ainsi, de renvois
en renvois, à maintenir le
Président Gbagbo en prison.
le résultat attendu consiste à laisser M. Ouattara
gouverner tranquillement
jusqu’en 2015. il ne faut surtout pas qu’il ait le
sommeil troublé par celui
dont il a usurpé le fauteuil.
Cela paraît maintenant clairement. Mais, une telle stratégie, plus politicienne que
politique n’a cependant pas sa place dans le prétoire.
il faut revenir enfin au Droit. et, revenir au Droit :
- C’est déclarer un non lieu dans l’affaire le Procureur
c. Laurent Gbagbo ;
- C’est libérer le Président légitime et légal de
Côte d’ivoire;
- C’est libérer du même coup la Côte d’ivoire
qui a besoin de son Président
pour reprendre sa marche vers plus de démocratie
et de développement
avec tous ses fils et filles,
enfin, main dans la main,
Unis, rassemblés et réconciliés
le regard dans la même Direction.

Suite de la page 2
« Être chef suprême des armées n’a pas fait de Gbagbo un général »
« Il faut revenir enfin au droit »
« Le seul résultat qui mérite d’être pris en compte c’est celui du Conseil constitutionnel »
Le président gbagbo injustement détenu à la CpI.

Une contribution par le Pr. Raymond KOUDOU Kessié
Ex-Ambassadeur de Côte d'Ivoire
Ex-ambassadeur de Côte d’Ivoire en France puis en Israël

[En exil forcé au Ghana puis au royaume Uni]
Source: Notre Voie.