Abou Drahamane Sangaré: Une vie au service de la Côte d'Ivoire, Par Jean-Claude Djereke
Par IvoireBusiness - Abou Drahamane Sangaré. Une vie au service de la Côte d'Ivoire, Par Jean-Claude Djereke.
Alors que chacun de nous espérait qu’il tiendrait le coup jusqu’à la libération de Laurent Gbagbo pour faire la passation de service avec lui, voici qu’Abou Drahamane Sangaré nous quitta, le 3 novembre 2018.
Ce jour-là et les autres qui suivirent furent vécus ici et là comme une catastrophe, tant nous étions assommés, dévastés, anéantis. Nous pleurâmes et pleurâmes alors, versant quantité de larmes.
Cette subite disparition nous apparaissait comme une injustice, nous mettait en colère, et nul ne savait où trouver la force de porter la croix de cette autre cruelle épreuve, après le départ inattendu de Raymond Abouo N’Dori et de Marcel Gossio. Nous en étions réduits à nous demander pourquoi le sort nous frappait et nous malmenait de cette façon, sept ans après le renversement et la déportation de Laurent Gbagbo par les forces impérialistes.
Bref, sans crier gare et avant de remettre les clés du « Temple » à son alter ego, Sangaré s’en alla mais il restera de lui ce qu’il a semé et ce qu’il a partagé aux mendiants de la liberté et de la justice. Ce qu’il a semé et partagé, en d’autres, en nous, germera.
Mais qu’a-t-il semé et partagé ? Quel est le message essentiel qu’il nous laisse et que nous avons l’obligation de faire fructifier ?
Ceux qui lui ont rendu hommage ont déjà mis en exergue le fait qu’il savait s’effacer pour que les autres occupent le devant de la scène (il déclina, par exemple, la Primature au profit de Pascal Affi N’Guessan) et qu’il avait de solides convictions sur lesquelles il ne transigeait pas.
À juste titre, ils ont montré combien il était incorruptible, comment son amitié avec Gbagbo était aussi forte que celle qui unissait Montaigne et La Boétie et comment il lutta pied à pied pour que le parti ne perde pas son âme car, chez lui, dialoguer ne voulait pas dire se soumettre à ceux qui mirent le pays à feu et à sang en 2010-2011, encore moins leur demander pardon.
Je n’y insisterai donc pas.
Je voudrais plutôt braquer les projecteurs sur quelques paroles fortes puisées dans le dense discours qu’il adressa aux militants venus présenter les vœux de nouvel an à Laurent Gbagbo, le 27 janvier 2018. Ce discours, on n’aurait pas tort de le percevoir comme son testament politique, tout comme son accolade à Simone Gbagbo, fraîchement sortie de prison, peut être interprétée comme le passage de témoin avant l’heure entre les deux personnes.
Sangaré part, sans avoir vu la nouvelle Côte d’Ivoire comme Moïse ne put entrer avec « le peuple élu » à Canaan, la terre promise. Qui sera le Josué du FPI ?Les dirigeants, s’appuyant sur les textes du parti et dans un esprit de vérité et de justice, désigneront, le moment venu, la personne à même de poursuivre la mission de libération de la Côte d’Ivoire.
Pour ma part, je voudrais revenir sur trois choses qui m’ont frappé dans l’allocution citée plus haut.
La première chose, c’est qu’il savait reconnaître le travail, les talents et les mérites des autres, ce qui signifie qu’il n’était pas homme à tout ramener à lui.
C’est ainsi qu’il fit l’éloge de Miaka Oureto Sylvain, d’Amadou Traoré alias « Le Puissant » (celui-ci et Laurent Gbagbo, Bernard Zadi Zaourou et Assoa Adou avaient pris à Strasbourg en 1969 l’engagement que « celui qui de-meurerait en vie devait tout faire pour conquérir le pouvoir et changer la Côte d’Ivoire »), salua et remercia les Ivoiriens qui marchent, vont à la Haye, écrivent, chantent, organisent des conférences-débats, font des vidéos ou animent des forums. Sangaré estimait que tous ces Ivoiriens avaient droit à la reconnaissance du Parti parce qu’ils luttaient pour une Côte d’Ivoire libre et souveraine... (La suite vous sera proposée demain)
Jean-Claude Djereke