Interview / Gnamien Konan, président de l’UPCI dénonce - ‘’On veut stigmatiser le peuple baoulé et après on est étonné d’aboutir à des affrontements tribaux’’
Le 13 novembre 2010 par l'Intelligent d'Abidjan - Le président de l’Union Pour la Côte d’Ivoire (UPCI), le colonel major Gnamien Konan prononcera cette semaine une conférence de presse pour choisir l’un des deux candidats en lice pour le second tour.
Le 13 novembre 2010 par l'Intelligent d'Abidjan - Le président de l’Union Pour la Côte d’Ivoire (UPCI), le colonel major Gnamien Konan prononcera cette semaine une conférence de presse pour choisir l’un des deux candidats en lice pour le second tour.
Peu avant sa rencontre avec le président Henri Konan Bédié qui s’est déroulée le jeudi 11 Novembre 2010, l’IA a interrogé l’ancien directeur général des Douanes qui revient ici sur l’organisation du premier tour de l’élection présidentielle et donne son avis sur l’électorat Baoulé qui fait l’objet de véritable convoitise de la part des candidats Gbagbo et Ouattara.
Cinquième parmi les 14 candidats en lice au premier tour de l’élection présidentielle d’Octobre 2010, Gnamien Konan est-il satisfait de son rang ?
Je ne suis pas satisfait. Je suis allé à cette élection pour la gagner, pas pour avoir un rang. Je suis allé pour la gagner, parce qu’on était persuadé d’avoir le meilleur projet de société, celui qui répond aux problèmes que vivent les Ivoiriens. A l’arrivée, nous sommes déçus et nous n’avons pas l’impression que le rang est important, mais le score. Celui que nous avons obtenu, moins de 0,4%, qui est un score maigre qu’il faut regarder avec lucidité pour en tirer les leçons.
Qu’est-ce qui n’a pas marché à votre niveau, selon vous ?
Ce qui n’a pas marché, c’est le manque de moyens pour faire campagne, pratiquement pendant plus de trente mois. Nous avons annoncé notre candidature le 7 mars 2008 et les élections étaient sensées se tenir au plus tard en juillet 2008. Nous avons été obligés d’être en campagne sur une longue période, avec des moyens très limités. C’est ce qui nous a sérieusement handicapés.
Quel est votre avis sur l’organisation du scrutin ?
Si nous avons un avis à donner, c’est que tous les candidats n’ont pas été associés ou représentés au processus électoral au même niveau. Nous pouvons même dire que nous avons été écartés. Cela est vrai pour les onze autres candidats. Les seuls qui étaient relativement mieux logés, c’étaient les petits candidats qui appartenaient au RHDP. En dehors de ces deux candidats du RHDP, les autres candidats ont été vraiment exclus du processus électoral. Nous ne pouvons donc pas donner un avis sérieux sur quelque chose dont nous avons été autant exclus. Mais, à l’arrivée nous avons noté des irrégularités ici et là et si nous ne les avons pas évoquées sur la place publique, c’est parce que dans certains cas nous avons eu des difficultés à obtenir des preuves. Nos scrutateurs ne se sont pas présentés, certains ont même poussé la difficulté en gardant par devers eux les P.V contre paiement. Nous n’avons pas eu les moyens de contester, mais tout le monde note qu’il y a eu des fraudes.
A qui la faute, selon vous ?
A la Commission Electorale Indépendante essentiellement. C’est elle qui devait faire en sorte que les conditions de cette élection soient démocratiques. Elle devait prendre des dispositions pour corriger les dysfonctionnements éventuels, protéger l’intérêt de tous les candidats, pour qu’ils soient logés à la même enseigne. Elle ne l’a pas fait, donc pour moi, elle est entièrement responsable de ce qui s’est passé et la responsabilité lui est entièrement imputable.
Aujourd’hui, l’heure des alliances a sonné, alors pour qui allez-vous demander à vos militants de voter ?
Nous sommes l’un des partis les plus transparents en Cote d’Ivoire. J’ai toujours dit que j’appellerai à voter au deuxième tour, si nous n’y sommes pas retenus, pour le candidat qui prendra en compte tout ou une partie de notre projet de société, que je considère être la vraie condition de la paix et du développement en Côte d’Ivoire. Si tous les candidats acceptaient de prendre en compte ce projet de société, notre engagement serait acquis à celui qui nous appellerait à jouer le plus grand rôle dans la mise en œuvre de ce projet de société. Les Ivoiriens ne nous ont pas donné un mandat suffisant, nous attendons donc des deux candidats restés en lice, celui qui est dans les dispositions que j’ai indiquées tantôt et nous avons toujours été constants. Mais, des gens ont dit que Gnamien fait campagne pour être Premier ministre. Or, nous avons toujours dit que celui qui nous appellerait pour jouer un grand rôle dans la mise en œuvre de notre projet de société, c’est à celui-là qu’iraient nos suffrages. Les Ivoiriens méritent cela, même s’ils ne nous ont pas accordé leurs suffrages. Ils méritent qu’il y ait un parti qui soit constant, qui défende un projet de société et non un parti qui va aux élections juste pour des postes de ministres, un candidat qui choisit une ethnie ou une partie des protagonistes au conflit. Les Ivoiriens ont besoin qu’il y ait au moins des hommes politiques en Côte d’Ivoire, qui leur proposent autre chose que des débats tribalistes, religieux. Nous savons que nous n’avons pas été écoutés, cela va prendre du temps, mais nous devons faire cela pour la Côte d’Ivoire.
N’y a-t-il pas un dilemme, c’est-à-dire, faire un choix entre Gbagbo et Ouattara ne sera-t-il pas fatal pour vous qui avez demandé que ces deux leaders soient mis à l’écart ou à la retraite, parce qu’ils constitueraient selon vous le problème de la Côte d’Ivoire ?
Nous avons dit cela, mais les Ivoiriens ne nous ont pas donné raison et il faut en tirer les leçons. Et les leçons que nous devons en tirer, c’est que les Ivoiriens disent que ces deux candidats représentent pour eux les solutions. Nous sommes obligés de nous soumettre à la dictature des Ivoiriens qui ne nous ont pas entendus. Il n’y a donc pas de dilemme et dès cet instant, nous disons que le seul dilemme que nous aurions, c’est que les deux candidats s’approprient notre projet de société intégralement et nous demandent de jouer le même rôle. Si les deux candidats me disent « M. Gnamien Konan vient être mon Premier ministre, afin que tu puisses appliquer ton propre programme de société », en ce moment-là nous serions dans un dilemme. Mais nous n’aurons pas de dilemme et nous allons faire connaître bientôt notre choix, sur la base de ce que nous avons toujours dit. Nous n’allons pas nous contredire.
L’avenir de l’UPCI va-t-il s’arrêter seulement au premier tour de l’élection présidentielle du 31 octobre 2010 ?
Mais pas du tout ! Nous avons la conviction que les Ivoiriens n’ont pas voté le projet de société. Nous devons rester en politique jusqu’à ce que les Ivoiriens décident de choisir un projet de société. Si l’UPCI arrête ses activités politiques, cela veut dire que nous donnons raison aux Ivoiriens, alors que nous ne leur donnons pas raison du tout. Jusqu’à présent, nous avons le sentiment que c’est eux qui se sont trompés et que c’est nous qui avons raison. Attendons le dénouement de ces élections. Nous nous battrons pour les Ivoiriens sans même leur consentement. Nous sommes prêts à faire leur bonheur malgré eux et nous n’allons pas arrêter. M. Gnamien va continuer ce combat et nous recevons beaucoup de témoignages de sympathie, les gens nous disent « Allez, nous avons voulu choisir entre les belligérants, mais la prochaine fois c’est vous ». Mais on se dit que si les élections présidentielles se passaient en Côte d’Ivoire comme pour l’élection du Ballon d’or, on aurait eu des points sur chaque bulletin et au total, on serait à une meilleure place que celle que nous avons eue. Cela veut dire qu’il y a une véritable sympathie par rapport à notre projet de société et nous n’avons pas le droit d’abandonner tous ces sympathisants.
Vous avez été battu au premier tour de l’élection présidentielle, chez vous à Botro, qu’attendez-vous aujourd’hui des Ivoiriens ?
C’est regrettable que nous ayons été battus chez nous à Botro, mais on est candidat à la présidence pour les Ivoiriens. Certains de mes parents sont venus me voir pour me supplier de tout faire pour faire un tour dans mon village pendant la campagne. J’ai fait ma campagne sans privilégier ni mon village, ni mon ethnie, ni ma tribu. Je leur disais toujours « Je suis candidat pour les Ivoiriens et le jour où je suis élu, je ne vais pas privilégier les gens de mon village ou mon ethnie. Je résoudrai le problème des Ivoiriens ». J’ai été battu dans mon village, comme j’ai été battu à Mama, à Adjamé ou à Kong. C’est le résultat qui est là. Si j’avais dit à mes parents que si je suis élu Botro serait la capitale politique de la Côte d’Ivoire, peut-être qu’ils m’auraient entendu. Mais, ils m’ont jugé comme tous les candidats et le résultat est conforme à ce que j’ai eu ailleurs.
Le RHDP est aujourd’hui en train de se consolider avec le soutien du PDCI, de l’UDPCI et du MFA au candidat Ouattara. Pensez-vous que cette alliance peut aller loin ?
S’ils sont là-bas, c’est parce qu’ils se sont entendus pour appliquer un projet de société et un programme de gouvernement communs. A partir donc de ce moment, s’ils sont ensemble pour le programme de gouvernement commun et non pour autre chose, il n’y a donc pas de souci.
La conquête du second tour des présidentielles se fait en ce moment autour du peuple Baoulé. La Majorité Présidentielle convoite le peuple Baoulé, le RHDP aussi. Quel est votre commentaire ?
Je pense que c’est malsain de présenter un peuple ou une tribu comme un bétail électoral. Dans ce scrutin, s’il y a un peuple qui a eu un comportement républicain, ce sont les Baoulé. Il y a quatre candidats parmi les quatorze qui sont des Baoulé et quand vous additionnez les voix obtenus par ces quatre candidats, ils ne seraient pas au second tour. C’est dire que les Baoulé ont été républicains, ils ont donné leurs voix à tous les candidats. D’où vient-il qu’on veuille nous réunir en bétail électoral ? On veut stigmatiser tout un peuple et après on est étonné d’aboutir à des affrontements tribaux ou ethniques. Les hommes politiques de Côte d’Ivoire doivent être plus responsables, ils ne doivent pas faire une lecture tribale. Même si les gens ont un comportement tribal, il revient au leader de montrer le bon chemin, le chemin de la démocratie. Quand on est leader, on n’encourage pas les gens à la tribalisassions de la vie politique. On ne doit pas accompagner les Ivoiriens dans leur penchant à la tribalisation de la vie politique. Aujourd’hui, les candidats réunissent les cadres Baoulé par-ci, les chefs de villages Baoulé, par-là, pour dire après que c’est à cause des Baoulé que nous avons perdu. C’est irresponsable et il faut en sortir. Je demande aux Baoulé qu’on va réunir, de ne pas voter pour la personne qui les réunit, parce qu’elle veut leur mal, elle veut les livrer. Est-ce que dans les différents projets de société il y a un projet de société pour les Baoulé, non ! Ils ont tous un programme pour la Côte d’Ivoire, qu’ils arrêtent donc de prendre les Baoulé comme un bétail électoral.
Réalisée par Dosso Villard ; coll : Olivier Dion