Coup de tonnerre: Rishi Sunak, premier non-Blanc à diriger le Royaume-Uni

Par France24- Rishi Sunak, premier non-Blanc à diriger le Royaume-Uni.

Rishi Sunak, au centre, salue ses partisans devant les locaux du Parti conservateur à Londres le 24 octobre 2022. © Justin Tallis / AFP.

Par Grégoire SAUVAGE

Seul en lice pour succéder à Liz Truss, Rishi Sunak, d’origine indienne, devient le premier homme politique issu d’une minorité ethnique à accéder au poste de Premier ministre au Royaume-Uni. Une première qui marque l’aboutissement d’un processus encourageant l'inclusion au sein du parti conservateur, même si beaucoup reste à faire.

Seul candidat étant parvenu à réunir plus de 100 parrainages, Rishi Sunak a écrasé la concurrence lundi 24 octobre dans la course à la succession de Liz Truss. Après l’abandon de la ministre Penny Mordaunt, qui n’a pas obtenu un nombre suffisant de soutiens, l'ancien ministre des Finances s'apprête à devenir Premier ministre du Royaume-Uni.

Petit-fils d'immigrés d'origine indienne, hindou pratiquant, ce ancien banquier réputé pour sa force de travail est ainsi le premier non-Blanc à prendre la tête d’un pays qui, fut un temps, régnait sur le pays d'origine de sa famille.

“C’est une source de fierté pour de nombreux Britanniques d’origine asiatique, y compris pour ceux qui ne partagent pas les opinions conservatrices de Rishi Sunak”, assure Sunder Katwala, membre du groupe de réflexion British Future. "Cet événement est particulièrement important pour la première génération de migrants à laquelle appartient mon père, arrivé en 1968, quand la vie politique britannique était dominée par l’appel d’Enoch Powell à ‘tous les renvoyer chez eux’” [cet homme politique britannique incarnait alors l'opposition à l'immigration, opposé au projet de loi sur les relations raciales du Parti travailliste, ndlr].

“C’est une source d’inspiration pour la communauté d'Asie du Sud qui veut se lancer en politique“, abonde Barnie Choudhury du journal Eastern Eye, interrogé par la BBC. “Avec lui, certains plafonds de verre volent irrémédiablement en éclats. Cela ne peut être qu’une bonne chose pour les personnes de couleur”.

Diversité en trompe-l’œil

L’accession de Rishi Sunak au poste de Premier ministre semble couronner les efforts du Parti conservateur pour présenter des profils plus divers, un processus entamé sous l’ancien Premier ministre David Cameron.

En 2006, c’est lui qui impose des femmes et des candidats issus de l’immigration dans les circonscriptions acquises aux Tories. Baptisé “A-list”, ce dispositif a permis de faire émerger de nouvelles figures comme Liz Truss et Rishi Sunak. Résultat, les députés conservateurs comptent aujourd’hui dans leurs rangs 87 femmes et 22 membres issus de l’immigration.

Mais derrière la vitrine d’une classe politique renouvelée et en phase avec la société se cache une réalité plus complexe : les élus conservateurs issus de l’immigration affichent un profil social très homogène, typique de l’élite britannique.

C'est le cas de Rishi Sunak, qui a fait sa scolarité au Winchester College, une des pensions privées les plus réputées du Royaume-Uni, avant d’étudier à Oxford, puis à Stanford, aux États-Unis. Très jeune, il intègre l'élite politico-médiatique britannique et entame une carrière de banquier d'affaires à Goldman Sachs, avant d'être élu député en 2015.

“Il faut espérer que Rishi Sunak se rende compte que tout le monde n’a peu eu la même chance que lui. Le fait qu'il accède au 10, Downing Street ne fait pas du Royaume-Uni une méritocratie parfaite”, prévient Sunder Katwala.

La question des origines, elle, s’efface généralement derrière l’idéologie conservatrice. “La majorité (des élus conservateurs issus de l'immigration) a défendu le Brexit avec passion et affiche des positions ultralibérales sur les questions économiques et sociales”, souligne Agnès Alexandre-Collier dans un article publié par The Conversation. Selon la professeure en civilisation britannique à l'université de Bourgogne, cette politique inclusive a également permis aux conservateurs “de parler sans complexe d’immigration et de Brexit sans craindre d’être taxés de xénophobie”.

“Je sais que le racisme existe dans ce pays”

Si le parti affiche avec fierté la diversité de ses élus, difficile d’en dire autant au sujet de ses 170 000 adhérents, en grande majorité des hommes blancs âgés issus des classes moyennes.

Certains membres du Parti conservateur n’hésitent pas à afficher leur hostilité à l’idée de voir un Premier ministre d’origine indienne à Downing Street. Samedi, lors d’une émission de radio très populaire de la station LBC, un auditeur se présentant comme “Jerry, membre du Parti conservateur” et fervent soutien de Boris Johnson a assuré que “Rishi n’[était] même pas vraiment britannique”.

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