ÉTATS-UNIS: TRUMP LANCE UN MANDAT D’ARRÊT CONTRE LA CPI
Par L'HUMANITE - ÉTATS-UNIS. TRUMP LANCE UN MANDAT ARRÊT CONTRE LA CPI.
Mercredi, 12 Septembre, 2018
Bruno Odent
Washington veut paralyser le fonctionnement de la Cour pénale internationale pour empêcher l’instruction de crimes de guerre contre ses soldats ou ceux de son allié israélien.
Le monde est menacé par un type de délinquant nouveau : les juges de la Cour pénale internationale (CPI). Heureusement, Washington veille, a indiqué en substance lundi 10 septembre le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Bolton. Il a accusé la Cour d’être « inefficace, irresponsable et carrément dangereuse », justifiant une attaque sans précédent de l’administration Trump contre elle. Quelque 123 pays ont adhéré à l’instance de justice internationale depuis sa création en 2002. Sauf les… États-Unis. Les administrations successives (Bush puis Obama) s’étaient refusées de le faire par crainte de plaintes contre leurs soldats si largement déployés dans diverses interventions impériales sur la planète. Mais elles s’étaient jusqu’ici gardées d’attaquer le fonctionnement même de la Cour. C’est désormais chose faite avec Trump, qui passe un nouveau seuil dans son offensive nationale-libérale, synthétisée par le mot d’ordre « America first » (l’Amérique d’abord), qui vise à réorganiser l’ordre politique et économique du monde au profit de l’Oncle Sam.
Le tir de barrage devant les juges vise deux dossiers dont la Cour était susceptible de s’emparer rapidement : la traduction pour crimes de guerre de militaires états-uniens en Afghanistan et celle de citoyens israéliens dans des opérations contre des civils palestiniens à Gaza ou en Cisjordanie. « Si la Cour s’en prend à nous, à Israël ou à d’autres alliés des États-Unis, nous n’allons pas rester silencieux », a tonné John Bolton devant la Federalist Society, un aréopage ultraréactionnaire.
Et le conseiller de Trump, un néoconservateur ultra qui a fait ses classes chez George W. Bush, d’avancer toute une série de mesures de rétorsion concrètes visant les juges eux-mêmes ou leur créant des entraves propres à paralyser toutes leurs capacités d’action. Bolton énumère : l’interdiction faite « à ces juges et procureurs d’entrer aux États-Unis », la mise en œuvre de sanctions de l’administration américaine « contre leurs avoirs dans le système financier » des États-Unis et, au cas où tout cela ne suffirait pas à mettre à la raison ces potentiels criminels, l’engagement de « poursuites contre eux dans notre système judiciaire ». La conclusion est claire : la CPI doit mourir. « Pour nous, fanfaronne d’ailleurs Bolton, elle est déjà morte. »
UNE MESURE CONTRE L’ORGANISATION DE LIBÉRATION DE LA PALESTINE
Cette peine capitale prononcée contre la justice internationale porte une fois encore la marque de la solidarité de la Maison-Blanche avec un autre gouvernement emmené par des extrémistes nationalistes, celui de Benyamin Netanyahou en Israël.
Elle est annoncée en effet en même temps que la décision de fermer la mission de représentation palestinienne à Washington, une mesure punitive contre les Palestiniens justifiée explicitement par leurs démarches visant à traduire des dirigeants israéliens devant la CPI. Le numéro deux de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saëb Erekat, ne s’y est d’ailleurs pas trompé.
Dans une réplique cinglante immédiate, il a déclaré que les Palestiniens ne fléchiraient ni devant les menaces américaines, ni dans leurs efforts pour « faire juger les crimes de guerre » israéliens. L’attaque de Washington s’inscrit dans une rafale de mesures unilatérales contre l’OLP, allant de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël à l’annulation de programmes d’assistance, jusqu’à l’arrêt du financement de l’Agence onusienne de soutien aux réfugiés palestiniens (UNRWA).
L’offensive trumpiste contre la CPI est en parfaite cohérence avec une stratégie qui cherche à se débarrasser des institutions internationales ou à strictement limiter leur rôle dès lors qu’elles pourraient faire obstacle à la domination de l’Oncle Sam ou de ses vassaux. Plusieurs ONG états-uniennes de défense des droits de l’homme dénoncent les dangers d’une pareille fuite en avant pour tous les citoyens du monde. L’Aclu (Union américaine pour la défense des libertés civiles) voit ainsi dans « cette menace sans précédent » sur la justice internationale un mauvais coup pour le droit qui ne peut que « conforter les régimes criminels et autoritaires ». Au pire moment effectivement quand, du côté de la Birmanie ou de la Syrie, en particulier dans ce qu’il subsiste de l’ère d’influence de Daech, le besoin d’une justice internationale ne s’est jamais fait sentir aussi fortement.
Les palestiniens déterminés à obtenir justice
Les Palestiniens maintiennent leurs efforts pour traduire des dirigeants israéliens devant la CPI. Le numéro deux de l’OLP, Saëb Erekat, a indiqué, hier à Ramallah, avoir livré à la Cour de nouveaux éléments constitutifs de « crimes de guerre » israéliens contre le village bédouin de Khan al-Ahmar, en Cisjordanie, pointant notamment le « transfert forcé de population » ou « le nettoyage ethnique ». Les Palestiniens ont aussi demandé à la CPI d’accélérer l’examen des autres dossiers présentés en relation avec la guerre de 2014 dans la bande de Gaza ou en lien avec la colonisation.
Bruno Odent
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