Damana Pickas sort de sa réserve et crache ses vérités : « Voici où je me trouve » / « Ce que Gbagbo nous a dit pendant les bombardements »
Damana Pickas sort de sa réserve et crache ses vérités : « Voici où je me trouve » / « Ce que Gbagbo nous a dit pendant les bombardements ».
Publié le vendredi 2 septembre 2011 | Soir Info - Ex- numéro 3 de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) de 1995 à 1998 sous Soro Guillaume, ancien responsable de la
Jeunesse du Front populaire ivoirien (Fpi, 1998-2001), Damana Adia Pickas est doctorant en droit. Revenu pendant la crise née de la rébellion du 19 septembre 2002 de la France où il poursuivait ses études, il a été nommé, par décret, administrateur civil. Et a servi à la Direction de la décentralisation et du développement local. C’est étant là-bas que feu Désiré Tagro l’a choisi, en 2010, pour représenter le ministère de l’Intérieur à la Commission électorale indépendante (Cei). Et puis arrive la proclamation des résultats du second tour de la présidentielle… Le monde entier voit Damana Pickas empêché Bamba Yacouba de lire certains résultats qu’il juge non consensuels. La crise post-électorale venait ainsi d’éclater jusqu’à la chute, le 11 avril 2011, de Laurent Gbagbo, son leader. Depuis, l’homme s’est muré dans un silence. Pour nos lecteurs, nous avons pu l’avoir. Et il a accepté de nous parler. Via internet. Interview exclusive!
Où vous vous trouvez actuellement?
Damana Adia Pickas : Merci, nous voudrions d’abord remercier l’Eternel des armées qui a préservé notre vie, parce que ce n’était pas évidement que nous soyons en vie. Ce qui malheureusement n’a pas été le cas pour beaucoup d’Ivoiriens devant la mémoire de qui nous nous inclinons. Cher ami, nous revenons d’un très grand traumatisme. Permettez moi donc de saluer tous les Ivoiriens et tous les habitants de la Côte d’Ivoire qui ont souffert ou qui continuent de souffrir dans leurs chairs. De même que toutes ces personnes illustres ou anonymes détenues dans des conditions inhumaines çà et là. Notamment le Président de la République Laurent Gbagbo et son épouse la Députée Simone Ehivet, le Premier ministre Aké N’Gbo et certains membres de son gouvernement, le Premier ministre Pascal Affi N’Guessan, président du Front populaire ivoirien et certains de ses camarades aussi bien du Fpi comme de Lmp, nous leur adressons des mots de réconfort et de courage. Aux nombreux Ivoiriens contraints de vivre en exil dans des conditions difficiles, nous leur demandons de rester sereins et dignes dans leurs souffrances et de regarder l’horizon avec espoir. A tous les Ivoiriens de la diaspora, nous portons nos félicitons pour le sens du combat et l’intérêt qu’ils portent à la mère patrie. Et à tous leurs concitoyens, nous les encourageons à continuer le combat. A nos héroïques Fds, nous leur exprimons notre admiration et notre fierté pour leur détermination, leur bravoure et leur sens de la responsabilité.
Pour revenir à votre question, sachez que le lieu où je me trouve n’a aucun intérêt. Je n’ai pas une position stable, je suis en Afrique. Mais le plus important, c’est d’être en vie et je me porte bien.
Comment avez-vous quitté Abidjan?
D.A.P : C’est par la grâce de Dieu.
Pourquoi ce long silence depuis que vous avez quitté Abidjan ?
D.A.P : Oh ! Nous avions dit d’entrée de jeu que les Ivoiriens ont subi un très grand traumatisme et donc il nous fallait nous imposer ce silence pour rentrer dans une phase introspective pour comprendre exactement ce qui est arrivé à notre pays. Pourquoi une telle violence s’est-elle abattue sur des responsables aussi bien politiques que sur le citoyen lambda ? En un mot, pourquoi une telle violence s’est-elle abattue sur la Côte d’Ivoire ? Pourquoi un tel acharnement de la communauté dite internationale, en particulier la France, sur notre très chère patrie ? Pourquoi tant de traitrise et de lâcheté autour du Président Laurent Gbagbo ? Pourquoi dans des quartiers, certains Ivoiriens se sont réjouis du malheur d’autres Ivoiriens, au point d’indiquer leur domicile pour qu’ils soient tués ou pillés ? Après avoir longuement médité sur ces questions, nous pensons avoir trouvé des ébauches de réponses qui nous serviront pour l’avenir.
Comment réagissez-vous à certains écrits qui vous citent comme faisant partie de ceux qui veulent faire un coup d’Etat contre le régime d’Abidjan?
D.A.P : Ils ne sont pas sérieux.
On vous a vu, des jours avant la chute de Gbagbo, mobiliser les populations à résister. Malgré cela, il est parti. Avez-vous l’impression d’avoir échoué ?
D.A.P : Qu’est-ce que vous appelez échec ?
Le départ de Laurent Gbagbo du pouvoir, malgré votre appel à la mobilisation ?
D.A.P : Non, ce n’est pas un échec. Le sens de notre appel s’inscrit dans le combat que nous avons toujours mené. Vous savez, nous étions arrivés à une confrontation armée directe avec la coalition rebelle. L’heure du combat décisif avait sonné et il fallait donc assumer cette responsabilité qui était la nôtre.
Notre stratégie de résistance depuis le 19 Septembre 2002, a toujours reposé sur trois piliers. A savoir : le chef c’est-à-dire le président Laurent Gbagbo, l’armée et le peuple. Si le chef est resté digne et a donc pleinement joué son rôle jusqu’au bout, cela n’a pas été le cas pour les deux autres piliers que sont l’armée et le peuple où de graves défaillances ont été constatées. Il fallait donc vite réagir pour remettre de l’ordre. Ce qui restait de notre Armée, s’est aussitôt réorganisée autour du colonel Major Konan Boniface qui faisait, dès lors, office de chef d’état-major des armées. Au niveau du peuple, nous avons aussi dû nous réorganiser pour mener à bien la mobilisation. Et vous avez constaté que notre appel à la mobilisation et à la résistance a été massivement suivi par la population malgré la violence inouïe et les tueries dans les quartiers. Les deux ponts étaient bondés de monde, et plusieurs sites stratégiques étaient occupés par la population dont la résidence du Chef de l’Etat.
Cette réorganisation nous a permis de mettre en déroute la coalition rebelle (Onuci- Licorne-Frci) malgré l’important soutien aérien dont elle disposait.
C’est dans cette dynamique que nous étions, lorsque, le dimanche 10 avril, le président Laurent Gbagbo, chef suprême des Armées a ordonné aux Fds, pour des raisons qui lui son propres, la cessation des combats. C’est suite à cela, qu’il a été arrêté sans résistance aucune, le lendemain lundi 11 avril par l’Armée française.
Vous étiez à la résidence de Laurent Gbagbo pendant les bombardements. Qu’est-ce qui s’est réellement passé et qu’elle était l’ambiance là-bas?
D.A.P : C’est un très mauvais souvenir. On était dans une ambiance de guerre et la résidence était la cible privilégiée des Français. Pendant plusieurs jours, ils y ont balancé des obus de gros calibre depuis leurs hélicoptères au point où à un certain moment on a cru que la résidence allait s’écrouler sur nous et tous nous tuer. Mais malgré cet état de fait, nous sommes restés debout.
Plusieurs images se bousculent encore dans ma tête. Il y a l’image des petits- enfants du président, âgés d’environ 2 à 6 ans, qui trouvaient l’occasion, entre deux bombardements, de s’amuser. C’était très émouvant. Nous voyons l’image d’un Aboudramane Sangaré, fidèle parmi les fidèles, placide, imperturbable à toute émotion, serein, assis près d’une fenêtre en train de lire.
L’image d’un Sijiri Bakaba, tout aussi fidèle, avec sa caméra en train d’immortaliser ces moments. Il sera par la suite touché par des éclats d’obus. Gisant peu après dans une mare de sang.
L’image d’un Tagro, jovial, qui était au four et au moulin, paix à son âme.
L’image d’une Simone Ehivet, resplendissante de courage et de détermination et toujours plongée dans la prière. L’image d’un Konaté Navigué et d’un Alcide Djédjé, sereins et s’activant sur le front diplomatique. L’image du porte-parole de l’armée, Hilaire Gohourou, lâchement assassiné par un sniper français posté depuis la résidence de leur ambassadeur. L’image du colonel Major Ahouman Nathanaël, paix à son âme, du Commandant Dua, du Commandant Séka Anselme, de Maître Bahi Patrice, du Docteur Blé, de Kuyo Téa Narcisse, de Koné Boubakar et de toute la garde du président Gbagbo qui ont fait preuve de loyauté et de fidélité exemplaires, nous leur rendons un hommage mérité. Ce sont des hommes d’honneur. L’image de tous ces valeureux jeunes patriotes, dont beaucoup ont perdu la vie ou garderont à jamais, des séquelles indélébiles.
Il y a aussi tous ces Fds qui, entre deux bombardements, repoussaient la coalition rebelle qui tentait des incursions au sol.
Avez-vous les preuves, quand vous accusez un sniper français d’avoir « lâchement assassiné »le colonel Hilaire Gohourou ?
D.A.P : Je suis formel sur mes accusations. Je sais que ce sont des snipers français, embusqués au domicile de l`ambassadeur de France, qui ont abattu lâchement ce vaillant soldat des Fanci, juste au portail de la résidence du président de la République alors que nous n`étions pas en guerre contre la France. Ces tueurs embusqués, dissimulés un peu partout chez l`ambassadeur de France, avaient pour réelle mission d`abattre le président de la République en exercice SEM Laurent Gbagbo au cas où celui-ci venait à sortir de sa résidence qui est proche de celle de l`ambassadeur de France. C’est pourquoi d`ailleurs, le Groupement de la sécurité présidentielle(Gspr) nous avait imposé le port des gilets pare-balles. Réduisant ainsi nos mouvements dans la cour de la résidence, parce que nous étions aussi leurs cibles.
Vous arrivait-il souvent d’avoir des contacts avec Laurent Gbagbo pendant ces bombardements ? Si oui, quel était son état d’esprit ?
D.A.P : Bien évidement, il nous arrivait d’avoir des échanges avec le Président pendant ces évènements extrêmement graves. Nous avons pu nous rendre compte d’une autre dimension, de sa force de caractère et de sa conviction. Ce monsieur est un homme de grande stature morale. Pendant l’une de nos conversations, il nous a dit ceci : « Si je résiste, c’est pour vous. J’aurais pu démissionner, mais cela sera catastrophique pour la Côte d’Ivoire et pour votre génération ». Risquer sa vie pour ses concitoyens et pour son pays, n’est pas donné à tout le monde. C’est un homme politique de dimension mondiale que nous ne regrettons pas d’avoir côtoyé. Nous continuerons à toujours le soutenir.
Au moment de son arrestation, étiez-vous encore à la résidence présidentielle? Si oui, qui l’a arrêté ? C’étaient les soldats français ou les Frci ? Et pourquoi n’avez-vous pas été arrêté aussi?
D.A.P : Nous sommes resté à la résidence jusqu’au dimanche 10 avril 2011. Ce qui nous a permis de vivre tous les événements qui s’y sont déroulés. Notamment les bombardements ainsi que l’ambiance. Sachez que toute la journée de ce dimanche, la résidence a été l’objet de bombardements intenses jusqu`à 19 h où, profitant d’un moment d’accalmie, nous sommes sortis porter assistance à des patriotes blessés à Blockhaus. C’est pendant que nous nous trouvions à Blockhaus, que les bombardements ont repris. Ce qui nous a empêché de revenir à la résidence du chef de l’Etat. Ceux-ci n’ont plus cessé jusqu`à l’arrestation du président, le lendemain lundi 11 avril 2011 aux environs de 11h. Depuis blockhaus, nous voyions au moins 7 hélicoptères de combat, bombardant la résidence du président. Nous avons aussi vu, à partir de notre position, une colonne de chars français se dirigeant vers la résidence. Ce sont ces soldats français qui, après avoir encerclé le périmètre avec leurs chars, ont procédé à l’arrestation du président avant de le livrer aux Frci.
N’avez-vous pas fui Laurent Gbagbo pour ne pas être arrêté?
D.A.P : Avec tout ce que je viens de vous expliquer, vous avez encore le courage de me demander si j’ai fui ? Non, je n’ai pas fui, Damana Pickas n’est pas un fuyard et toute la Côte d’Ivoire le sait.
Aujourd’hui, avec tout ce qui s’est passé, pensez-vous avoir bien fait en empêchant, à la Cei, Bamba Yacouba de donner certains résultats?
D.A.P : Vous faites bien de me poser cette question, car elle me permet d’expliquer une fois de plus le rôle essentiel de la Cei dans le processus électoral. La Cei est un organe qui avait en charge de conduire les élections jusqu`à la proclamation des résultats provisoires. Non seulement, elle devait être indépendante mais elle devait être aussi impartiale. C’est pourquoi, nous nous sommes donné un mode de travail précis. Et c’est ce mode de travail qui a prévalu depuis l’établissement des listes électorales jusqu’au premier tour des élections présidentielles. Ce mode est le consensus qui était destiné à amortir le déséquilibre de la représentativité des différentes parties.
On me fait le procès d’avoir empêché la proclamation des résultats du second tour des élections présidentielles, ce qui n’est pas exact ! Que s’est-il passé ? Bamba Yacouba a voulu proclamer des résultats non consensuels. Ce qui était contraire à notre mode de travail. Ce n’était donc pas les résultats provisoires de la Cei que venait proclamer Bamba Yacouba. Donc Damana Pickas n’a jamais empêché la proclamation des résultats des élections présidentielles. Puisque la Cei n’avait pas ces résultats. Il y avait en réalité un réseau parallèle et frauduleux de proclamation de résultats avec pour tête de pont, Bamba Yacouba. C’est ce réseau que j’ai démantelé. Vous remarquerez que Bamba Yacouba est le seul commissaire, excepté le président Youssouf Bakayoko, à avoir été décoré par le Chef de l’Etat, M. Ouattara. Pourquoi lui et pas aussi les autres ? Vous comprendrez que c’est juste pour le récompenser pour la mission qui lui a été confiée.
Vous ne pensez pas que votre geste, vu de tout le monde, a joué contre Laurent Gbagbo?
D.A.P : Non pas du tout ! Ce geste a plutôt permis de mettre à nu ce coup d’Etat électoral. Il a déstabilisé complètement le plan des rebelles. Ce qui les a amenés à commettre beaucoup d’erreurs comme celle qui a consisté, pour le président Bakayoko, à aller au Golf Hôtel pour proclamer des chiffres imaginaires.
Et si c’était à refaire, allez-vous faire la même chose?
D.A.P : Oh! Oui, oui, oui. Et en plus, si je savais que Bakayoko partait au Golf Hôtel, je l’aurais empêché de s’y rendre.
Comment réagissez-vous à votre remplacement à la Cei par Amani Ipou Félicien, pour le compte du ministère de l`Intérieur?
D.A.P : Tout ceci est illégal. La Commission électorale independante dans sa composition issue des accords de Pretoria, était chargée d`organiser toutes les élections générales en Côte d’Ivoire. Pas seulement les présidentielles, mais aussi les législatives, les municipales, les conseils généraux. En remaniant la Cei juste après les élections présidentielles, M. Ouattara viole l`esprit et la lettre de Pretoria. Cette Cei monocolore n`est pas crédible et ne peut garantir à la Côte d’Ivoire, des élections équitables, justes et transparentes. Sinon franchement, dites moi ce que cherchent encore le Mjp, le Mpigo, le Mpci dans la Cei quand ils disent avoir unifié l`armée en créant leur Frci ? C`est la preuve que ce pouvoir ne veut pas de la décrispation, de la transparence du jeu, car il sait que sur ce terrain, il sera battu. Ce régime veut masquer sa minorité populaire en caporalisant la Cei. Les Ivoiriens ne doivent donc pas se méprendre sur le caractère de ce régime qui veut monopoliser la scène politique. Mais il nous trouvera sur son chemin. Car la Cei est une conquête de la lutte démocratique du peuple de la Côte d`Ivoire.
Que pensez-vous de la décision du Conseil constitutionnel qui a finalement proclamé Alassane Ouattara, président de la République?
D.A.P : D’un point de vue strictement juridique, nous savons tous que les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours et sont irrévocables. Elles ne peuvent donc pas changer en fonction du temps. Ce qui rend donc nul, quelles que soient les motivations qui l’ont fondées, l’arrêt du Conseil constitutionnel proclamant M. Ouattara, président. Car le droit une fois dit par le Conseil Constitutionnel ne peut plus être dédit. Et ce n’est pas cette investiture folklorique, arrachée par la terreur à un Yao N’dré complètement tétanisé, qui changera les choses.
Comment jugez-vous les premiers mois de la gouvernance Ouattara?
D.A.P : Ces premiers mois de gestion du Chef de l’Etat Ouattara sont caractérisés par une absence totale de gouvernance, il n’y a pas d’Etat. Au plan sécuritaire, les commissariats et les brigades de gendarmerie n’existent plus. Ce sont les braquages, les exécutions sommaires, les attaques de domiciles, les meurtres qui sont le quotidien des Ivoiriens. A la nuit tombée, c’est l’incertitude. Abidjan est devenue un far west où les bandes armées se tirent dessus à tout bout de champ. Un tel climat d’insécurité généralisée, n’est pas favorable aux investissements. Les quelques rares entreprises qui n’ont pas été pillées sont contraintes de fermer. Le Chef de l’Etat M. Ouattara est en train d’anéantir le travail phénoménal de réduction de la dette accompli par Laurent Gbagbo en procédant à un surendettement de la Côte d’Ivoire. Au plan social, ce sont les licenciements abusifs, la destruction systématique et sans contrepartie des petits commerces qui représentent les moyens de subsistance du petit peuple. Au plan politique, c’est le musellement de l’opposition et de la presse (j’en profite pour demander la libération d’Hermann Aboa et de Serges Boguhé), l’absence de l’Etat de droit avec la dissolution de l’Assemblée nationale, les violations des libertés fondamentales, la justice à deux vitesses, etc.
Le président Ouattara peut-il réussir, selon vous, sa mission de réconciliation?
D.A.P : Il n’y a pas de volonté de réconciliation de M. Ouattara. Car, depuis qu’il est à la tête de la Côte d’Ivoire, il n’a posé aucun acte traduisant de façon claire sont intention de réconcilier et d’unir les Ivoiriens. Bien au contraire, il pense que la solution aux différentes contradictions est d’emprisonner tous ceux qui ne pensent pas comme lui.
Et M. Banny, à qui la mission a été donnée de réconcilier les Ivoiriens, peut-il réussir ?
D.A.P : Non ! Car M. Ouattara n’a pas cette volonté de réconciliation de sorte que M. Banny n’aura pas les mains libres pour travailler. Encore que M. Banny lui-même doit faire preuve de beaucoup d’humilité, d’impartialité. Car il est lui-même un acteur majeur de la crise ivoirienne et en plus, il a déjà posé des actes qui ne militent pas en sa faveur. Notamment, la catégorisation des victimes.
Quelles sont les conditions de la réconciliation, pour vous ?
D.A.P : D`abord, sachez et comprenez qu`il ne peut y avoir de réconciliation véritable en Côte d’Ivoire sans Laurent Gbagbo. Tant que le président Gbagbo est en prison, il ne peut y avoir de réconciliation. C`est un préalable. Ensuite, il faudra que la réconciliation puisse situer tous ceux qui sont encore sceptiques sur les résultats des élections présidentielles. Qui a gagné les élections présidentielles et qui est donc le vrai président de la République de la Côte d`Ivoire ? M. Banny doit, dans sa mission, répondre à cette préoccupation majeure qui a déclenché la crise post-électorale et le coup de force de la France. Si on répond clairement et objectivement à cette question, vous verrez que beaucoup de questions vont se résoudre d`elles-mêmes. Il ne doit y avoir aucun doute sur celui que nous avons choisi pour diriger notre pays. C`est bien pour M. Ouattara et je souhaiterais vivement qu`il permette à M. Banny d`ouvrir ce débat, librement. Par ailleurs, cette réconciliation ne doit pas consister à mettre ensemble deux petits Dioula, deux petits Bété, deux petits Baoulé et les faire danser ensemble sur la place publique pour dire que la Côte d’Ivoire est réconciliée. Il ne s’agit pas non plus de superposer des rencontres région par région et en faire une synthèse. Il s’agit surtout d’identifier la question fondamentale qui a entraîné toute cette crise qualifiée à tort, de crise post-électorale. A mon sens, il s’agit de la question de la souveraineté, de la compréhension de la notion de souveraineté qui signifie le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, tel que proclamé par les instruments internationaux. Notamment la charte des Nations unies, le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le pacte international des droits civils et politiques qui énoncent le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de leurs richesses nationales. Avons-nous la même approche de cette notion avec la France et la communauté dite internationale ? Nous pensons que non. C’est pourquoi nous croyons que la réconciliation doit réunir trois acteurs fondamentaux : la France qui représenterait à l’occasion la communauté dite internationale et les deux parties ivoiriennes. C`est-à-dire Lmp, souverainiste et le Rhdp, colonialiste, afin que nous puissions nous entendre sur la notion d’indépendance d’un Etat et son application en Côte d’Ivoire.
Quels commentaires faites-vous du retour d’exil de certains officiers ?
D.A.P : Pas de commentaires particuliers. Ce sont des militaires qui ont décidé de rentrer, ils sont rentrés.
Êtes-vous en contact avec Gbagbo, Simone, Affi, Blé Goudé… ?
D.A.P : Non, leurs conditions de détention ne me permettent pas de rentrer en contact avec eux.
Comment réagissez-vous au départ de Koulibaly Mamadou du Fpi ?
D.A.P : Koulibaly Mamadou est un aîné pour qui nous avons beaucoup de respect, mais qui a décidé de quitter le parti à un moment crucial. Nous en avons pris acte, mais le Fpi est un grand parti qui dispose encore de personnes ressources, de personnes de grande valeur qui peuvent relever les défis présents et futurs.
Êtes-vous d’avis avec Koulibaly Mamadou, quand il déclare, dans un journal béninois, parlant du Fpi, qu’ « on aurait pu continuer notre lancée comme un grand parti, si le tribalisme n’était pas venu gangréner le Fpi au point de perdre le président Gbagbo qui s’est laissé emprisonner par un clan tribal » et quand il dit aussi que Gbagbo a perdu les élections?
D.A.P : Koulibaly Mamadou n’est plus du Fpi. Ce qu’il dit ne m’intéresse plus. En plus, nous ne réglons pas nos contradictions sur la place publique. C’est ainsi que le Fpi nous a éduqués.
Laurent Gbagbo est-il politiquement fini ?
D.A.P : Laurent Gbagbo ne peut plus finir, car il est un esprit qui est en chacun de nous. Il est rentré dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, de l’Afrique parce que son combat dès à présent, transcende toutes les générations à venir. Ouattara et ses parrains ne détiennent momentanément que l’enveloppe charnelle qui renferme cet esprit. Qu’ils sachent qu’en chaque Ivoirien digne, je dirais même plus, qu’en chaque Africain digne, vibre du Laurent Gbagbo. Physiquement, mentalement et intellectuellement. A travers sa dernière sortie lors de la célébration de l’indépendance, Laurent Gbagbo nous a démontré qu’il demeure un acteur incontournable de la scène politique ivoirienne. Et puis, parce qu’il est en prison, toute la Côte d’Ivoire est en prison. Y compris Ouattara et Sarkozy.
Quels commentaires faites-vous de l’inculpation de Laurent Gbagbo et de son épouse?
D.A.P : Elle n’a aucune base juridique. Le président Laurent Gbagbo, en raison de son statut, n’est justiciable que devant la Haute cour de justice et non devant les juridictions de droit commun. Quant à son épouse, elle est parlementaire et son immunité n’ayant pas été levée, elle ne peut faire l’objet d’aucune poursuite judiciaire.
Comment réagissez-vous à la menace du président Alassane Ouattara d’envoyer Laurent Gbagbo au Tpi ?
D.A.P : Ce qui me gêne, ce n’est pas le fait d’accuser le président Laurent Gbagbo de crime de sang ou de crime économique. Car l’homme que nous connaissons tous, ne peut pas être coupable de meurtres, d’assassinats, de détournements de fonds ou de vol. Mais plutôt que le Tpi n’est pas une juridiction impartiale et crédible. C’est un instrument de domination
des plus forts. Pour nous, il n’y a donc pas de suspense, car leur justice va condamner Laurent Gbagbo et son épouse, les placer au poteau et les exécuter. Telle est la volonté des dirigeants de ce monde. Notamment, Nicolas Sarkozy et Barack Obama. Mais après Laurent Gbagbo, ce sera au tour de tous ces jeunes gens qu’ils ont eux-mêmes armés pour faire la guerre contre leur pays, c`est-à-dire les Zakaria, Wattao, Chérif Ousmane, Fofié, Soro Guillaume, etc. Car, ils veulent donner une image d’homme d’Etat sain à Ouattara. Encore que, quand ils en auront fini avec ceux-ci, ils s’en prendront à M. Ouattara lui-même, quand il ne sera plus d’aucune utilité pour eux. Retenons donc que tôt ou tard, chacun aura son tour devant cette Cpi. Mais ce sont toujours les Occidentaux qui nous divisent et qui nous manipulent.
Que répondez-vous à Monsieur Choi qui, en visite le jeudi 18 Août 2011, à Ouagadougou a dit que Laurent Gbagbo a perdu l’affection de la population ivoirienne, après s’être accroché au pouvoir par la force pendant quatre mois ?
D.A.P : Vous savez, ce monsieur est hanté par le président Gbagbo au point où il ne cesse de prononcer des propos ridicules et grotesques. A partir de quoi conclut-il que Gbagbo a perdu l’affection des Ivoiriens ? Quel sondage sérieux et crédible a-t-il effectué pour aboutir à ces résultats ? Si c’est l’absence de manifestations publiques de soutien au Président Gbagbo qui le fonde dans ces déclarations-là, encore, il fait preuve de mauvaise foi car il sait la répression inhumaine qui s’abat sur la Côte d’Ivoire pro-Gbagbo et Dieu seul sait qu’elle est largement majoritaire. Nous en voulons pour preuve, la marche de soutien des populations de Dabou au Président Laurent Gbagbo. Ce qui a entraîné le limogeage du Préfet de Dabou et du Sous-préfet de Lopou parce qu’ils auraient laissé cette marche se dérouler. Il y a également l’assassinat par des hommes armés, du camarade qui a financé et aidé à l’organisation de la rencontre mémorable de la Jeunesse du Fpi à Bassam, la semaine dernière. Par ailleurs, beaucoup de ses partisans se rendent compte que loin d’être la solution, Ouattara est le véritable problème de la Côte d’Ivoire. L’exemple de ces femmes d’Abobo et d’Adjamé qui l’ont exprimé à travers des manifestations publiques confirme nos dires. Cette déclaration de Choi dénote donc clairement de sa partialité et de celle de l’Onu dans la crise ivoirienne. On comprend, dès lors, pourquoi il y a eu autant de chaos et de morts dans ce processus. Choi doit certainement être fier de sa boucherie. Nous le remercions d’avoir versé tout ce sang et anéanti notre pays.
Mais, comme le phœnix, la Côte d’Ivoire renaîtra de ses cendres avec un Laurent Gbagbo élevé au panthéon de la dignité ivoirienne voire africaine. Ce Gbagbo-là ne peut être que plus fort et plus populaire que par le passé. Je souhaite donc à Choi d’être en vie pour vivre cela. Ce sera fabuleux !
Envisagez-vous votre retour au pays?
D.A.P : C’est vrai qu’il faudra qu’un jour, tous les Ivoiriens exilés rentrent au pays. Mais cela n’est pas notre priorité car certaines questions préalables doivent être réglées. Notamment la sécurité des personnes et des biens, les domiciles injustement occupés par les Frci, les exécutions sommaires, la libération des prisonniers politiques. En attendant que ces conditions soient réunies, il faut penser aux réalités quotidiennes de tous ces Ivoiriens vivant en exil et de tous ceux qui souffrent tous les jours dans leur propre pays. Toutes ces questions méritent une implication véritable des organisations de Défense des droits de l’Homme. Je ne saurais terminer sans demander aux militants du Fpi, à toute la grande famille Lmp et à tous les patriotes ivoiriens, de savoir se remettre en cause et faire preuve d’humilité. Je souhaite que nous améliorions plutôt nos qualités et surtout que nous réveillions les autres qui sommeillent en nous et qui sont nombreuses. Car c’est de cette manière que nous pourrons repartir de plus belle, reconstruire un groupe plus solide pour reconquérir notre liberté. Aux nombreux Ivoiriens et amis de la Côte d’Ivoire, nous demandons de ne pas perdre espoir, de ne pas se laisser découragés par les nombreuses trahisons et défections qu’ils observent çà et là car Dieu est en train de faire son tri. Rapportez-vous à la Bible, dans Les Juges 7 où Gédéon, partant à la conquête de leur liberté confisquée avec le peuple d’Israël, a vu son groupe être réduit de 32 000 à 300 personnes par Dieu. En effet, voyant le nombre important de combattants Israélites, Dieu n’a pas voulu qu’en cas de victoire, ceux-ci pensent que c’est leur nombre qui la leur a procuré et prendre de ce fait la gloire qui lui revient de droit. Il a donc fait réduire ce nombre en disant à Gédéon, de demander à ceux qui étaient craintifs et avaient peur, de s’en retourner et s’éloigner du lieu de la bataille. 22 000 personnes quittèrent le groupe et il n’en resta que 10 000. Malgré cela, Dieu trouva encore que le nombre était assez élevé et demanda un second tri à Gédéon. Ce qu’il fit au bord de l’eau et il ne resta plus que 300 personnes. C’est donc avec ceux-ci et avec la bénédiction de l’Eternel des Armées, que Gédéon mena et remporta la victoire contre leurs ennemis d’alors. C’est-à-dire, les Madianites et leurs alliés qui étaient d’environ 135 000 hommes. Ce n’est donc pas le nombre des soldats qui garantit la victoire, mais plutôt la qualité des combattants. Nous opposerons permanemment l’Etat de Droit, la démocratie, le respect des libertés publiques et individuelles, à cette dictature rampante en Côte d’Ivoire. Restez donc sereins et ne perdez pas espoir, car le combat continue dans la détermination et la prière. Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens.
Réalisée par SYLLA A.