Centrafrique: Les musulmans de Bangui se mobilisent pour la visite du pape

Observateurs

Dieu-merci Lazare Ndjadder Kangang

Le pape François a achevé sa visite en Centrafrique, lundi 30 novembre, en se rendant à la grande moquée de Bangui. Un geste hautement symbolique : l’édifice est dans le quartier musulman PK, 5 qui connaît des violences communautaires depuis plusieurs mois. Des habitants du quartier ont profité de l’occasion pour multiplier les initiatives afin de donner la meilleure image possible de leur lieu de vie.

Le quartier du PK 5 est l’enclave musulmane de Bangui. Depuis le mois de septembre, une centaine de personnes y ont trouvé la mort dans un regain de violences sur fond de tensions communautaires, opposant des milices antibalakas, majoritairement chrétiennes, et ex- Seleka, composées en majorité de musulmans. Cette situation avait entretenu l’incertitude sur la visite du pape en Centrafrique, notamment dans ce quartier. Le pape s’est finalement rendu à la mosquée où il a déclaré que chrétiens et musulmans "sont frères" et qu'il fallait dire "non à la vengeance, à la violence et à la haine".

Et si le déplacement du pape a été rendu possible, c’est en partie grâce à la mobilisation d’un "comité de gestion de crise", mis en place en octobre, comme le relate notre Observateur qui est l’un de ses instigateurs.

"Certains musulmans sont allés suivre la messe que donnait le pape au stade de Bangui !"

Dieu-merci Lazare Ndjadder Kangang, un inspecteur des douanes qui vit dans le quartier Pk5 depuis 60 ans, fait partie du comité qui a contribué à préparer la venue du pape.

Depuis deux semaines, nous avions établi ce comité pour assurer le bon déroulement de la visite du pape. Il est composé d’une trentaine de personnes : chrétiens, musulmans, des représentants de la mairie et d’associations.
Le comité a fait appel à des volontaires pour retaper la mosquée. Comme elle abrite des déplacés, il fallait nettoyer les détritus et les déchets qu’ils ont pu laisser ici ou là dans l’enceinte. Les volontaires ont également refait la peinture des murs pour lui redonner un peu d’allure. Ces derniers jours, ils ont mis en place des clôtures de bois autour de la piste du stade où le pape est passé après sa visite de la mosquée. Nous avons par ailleurs fait de la sensibilisation auprès des habitants, musulmans et chrétiens, pour leur expliquer qu’il était essentiel de respecter les mesures de sécurité.

Nous voulions à tout prix éviter des débordements, qui auraient pu avoir des retombées catastrophiques sur le quartier. Nous avons ainsi pris contact avec les groupes d’autodéfense, qui sont les jeunes qui défendent le quartier contre les antibalakas. Ils sont en majorité musulmans, mais comptent aussi des chrétiens. Ils patrouillent chaque jour dans le quartier. Pour qu’ils soient bien reconnaissables, ils portaient des t-shirts à l’effigie du pape, avec l’inscription "Sécurité "dans le dos. Bien sûr, nous leur avons demandé de ne pas prendre leurs armes avec eux aujourd’hui [selon des sources jointes par France 24, plusieurs membres de ce groupe ont déjà été impliqués dans des violences les opposant à des antibalakas]. Ils ont ainsi veillé à ce que la foule ne s’approche pas trop de la papamobile et ont répété les consignes de sécurité aux gens. Ces jeunes sont connus des habitants du quartier, ils sont clairement identifiés, donc les résidents du Pk5 les écoutent et les respectent.
"Le simple fait que le pape soit venu est une victoire"

Le but était donc de créer un contexte favorable à la visite, et celle-ci s’est déroulée parfaitement. Le simple fait que le pape soit venu est une victoire. Mais en plus, le voir communier avec l’imam, prier dans la mosquée, puis inviter l’imam à monter avec lui dans la papamobile : cela a beaucoup touché les musulmans du quartier.

Et du coup ils ont manifesté leur joie après la visite papale, paradant dans les rues. À tel point que certains musulmans sont même allés suivre la messe que donnait François au stade de Bangui ! De fait, ils sont sortis du Pk 5 pour aller au centre ville, alors que depuis des mois, les musulmans ne quittent quasiment jamais ce quartier de peur d’être pris pour cible. Je peux le dire : la visite du pape a désenclavé le Pk5, et pour moi elle a consolidé les liens entre musulmans et chrétiens dans le quartier.
Article écrit en collaboration avec

Corentin Bainier,

Journalist
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