Grande Bretagne: L’excision, "scandale national" en Angleterre

Par Le Figaro Madame - L’excision, "scandale national" en Angleterre.

L’excision concerne 170 000 femmes en Angleterre, selon un rapport rendu public par des députés qui dénoncent "un scandale national" et fustigent l'indifférence des autorités. La France qui compte trois fois moins de cas est pour eux l'exemple à suivre. Trois questions à Isabelle Gillette-Fayet, sociologue et directrice du Gams (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles).

Lefigaro.fr/madame. – Pourquoi l’excision est plus pratiquée en Angleterre qu’en France alors qu’il y existe un texte de loi qui interdit la pratique depuis 1985 ?
Isabelle Gillette-Fayet. – La loi n'est pas appliquée au Royaume-Uni. Il n’y a jamais eu de poursuites ni de plaintes. Les quelques campagnes de prévention impulsées par de petites associations n’ont jamais été relayées au niveau national. Car l'État, libéral, ne s'immisce pas dans la vie des communautés. Il respecte les cultures, et les traditions de chaque groupe. Contrairement à la France, où il existe une politique d’intégration et d’assimilation un peu plus importante. Il y a trente ans, les Anglais considéraient qu’il ne fallait surtout pas s’immiscer dans les droits individuels. Aujourd’hui, ils ont intégré que la dimension des droits universels dépassaient les droits individuels. Et la persistance de l'excision montre les limites de leur politique communautaire.

L'excision massive constatée au Royaume-uni est aussi liée à l'origine des migrants ?
Beaucoup des immigrés viennent de pays d'Afrique subsaharienne comme le Soudan ou la Somalie, où l'excision reste un phénomène massif. D’autres groupes insoupçonnés, comme les Borahs, une communauté du nord de l’Inde, et certaines communautés kurdes pratiquent également les mutilations génitales. Le plus souvent, les filles sont excisées lors du retour au pays d’origine, durant les vacances. C’est la raison pour laquelle les députés anglais ont publié cette étude un peu avant l’été, pour tirer la sonnette d’alarme. Pour la même raison, en France, on essaie de faire des campagnes à cette période. Aujourd’hui, les fillettes de 7 à 14 ans sont les plus menacées. Il faut rester vigilant, même si, globalement, on observe un recul de la pratique, en Europe comme dans les pays d’origine.

Comment lutter concrètement contre l’excision en Angleterre ?
Leur politique devrait ajouter la prévention à la répression. Comme cela a été le cas en France. Au début des années 1980, les risques d'être excisé étaient de 70% dans les familles subsahariennes. Aujourd'hui, ils ont été réduits à 30%. La politique répressive a démarré après un drame : la mort de quatre enfants suite à leur mutilation. Une trentaine de procès ont suivi, qui ont envoyé un message fort aux communautés. La prévention aide aussi, avec des campagnes régulières portées par le ministère du Droit des femmes. Les Anglais ont réagi il y a quelques années sur le mariage forcé, en interférant avec la vie des communautés. Aujourd’hui, ils semblent avoir pris conscience du problème de l'excision. Et semblent prêts à agir.

Par Tatiana Chadenat