Violation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire: Le politologue Michel Galy sans pitié pour le régime
Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - Violation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire. Le politologue Michel Galy sans pitié pour le régime.
"L’activiste Serge Koffi, dit « le Drone », torturé à Abidjan
De son vrai nom Yapo Fiacre, ce jeune cyberactiviste Serge Koffi, proche de l’opposition, a été interpellé dans le quartier populaire de Yopougon , incarcéré cinq jours au secret et cruellement torturé.
Serge Koffi, surnommé « le Drone » pour son omniprésence sur les réseaux sociaux, est informaticien de profession , et journaliste sur le site 2CM, proche du FPI( Front populaire ivoirien), le grand parti d’opposition se réclamant de Laurent Gbagbo.
Mais c’est par ses enquêtes et interventions qu’il s’est fait connaître en Cote d’Ivoire : contrairement à des militants classiques ou des activistes de la Toile trop souvent dans la glose, Serge Koffi a visiblement bénéficié d’un réseau d’informateurs privilégiés- notamment au sein des forces de police et de sécurité, ce qui a visiblement inquiété des responsables du régime.
Un Robin des Bois
En fait, Abidjan est , malgré ses cinq millions d’habitants , un « tout petit monde »; plutôt « sous la véranda que sous le climatiseur », selon la distinction que proposait autrefois un sociologue, tout finit par se savoir… et les réseaux sociaux ont amplifié ce phénomène.
C’est pourquoi « le Drone », à la notoriété grandissante, bénéficiait de sources privilégiées, mais aussi de demandes particulières. Sorte de « Robin des bois » virtuel pour ses nombreux admirateurs, il était sollicité aussi bien pour des salaires impayés dans des établissements scolaires que pour des primes de policiers non payés, pour dénoncer des mafias locales ou révéler des scandales retentissants, preuves documentaires à l’appui !
Et parfois relayé par la presse, parfois seulement par les réseaux sociaux, cela marchait et des injustices flagrantes ont parfois été résolues.
Certes le passage du virtuel au réel n’est pas toujours un sacerdoce, et « SK le sauveur » a parfois péché par imprudence ou militantisme : appeler la population de Yopougon à démonter un centre de dépistage implanté sans explications gouvernementales au cœur de Yopougon- ce quartier aussi peuplé que rebelle, en période de pandémie mais aussi de grandes angoisses devant un vaccin pourtant inexistant n’a pas été forcément une bonne idée. Surtout que le régime a prétexté de cette émotion populaire pour interpeller violemment Serge Koffi et menacer de lancer une offensive contre des cyber activistes militants qui sont considérés comme l ‘opposition réelle- en tout cas la plus efficace.
Perquisition musclée
C’est ainsi que le 7 Mai le cyberactiviste fut violemment interpellé par des hommes armés à Yopougon, traumatisant au passage sa jeune épouse Nathalie (en présence de leur enfant d’un an) dans le pillage de son appartement, mis à sac pour récupérer ordinateur et portables.
Ce fut le début d ‘un long calvaire de cinq jours, selon le rapport de son avocat Maitre Dako, qui détaille par le menu les tortures d’un autre age subies par le jeune cyberactiviste pour des aveux forcés, bien entendu en dehors de toute légalité et sans pouvoir consulter son avocat.
C’est ainsi qu’à l’hôtel Sebroko après une nuit enchaîné sans pouvoir s’étendre , Serge Koffi a été « régulièrement frappé », et soumis au supplice médiéval de l’injection d’eau forcée. Une deuxième nuit sans dormir, debout et menotté, soumis à différentes humiliations qu’on préfère ne pas détailler, sauf cet extrait de sa déclaration à Maitre Dako : « on me chicotait avec le dos d’une vielle machette, tantôt sous mes pieds, tantôt dans mon dos, (…)j’ai reçu aussi des coups de poing ou de pied, tant sur mon visage que dans mon ventre… »
Aveux forcés
Les bourreaux en question , s’acharnant ainsi sur un jeune homme au physique fragile relèvent de « l’unité de lutte contre le grande criminalité » ou ULCB, basée à l’ex Hôtel Sebroko. Leurs exigences d’aveux forcés, se rapportaient à ses liens supposés avec les leaders de l’opposition.
Dans le contexte d’une élection présidentielle prévue en octobre prochain, le régime Ouattara semble en effet particulièrement nerveux, puisque après la défection de Guillaume Soro et l’évacuation sanitaire du premier ministre Gon Coulibaly (hospitalisé à Paris) sa base sociale et politique se réduit drastiquement.
Dès lors, en période de Covid 19 menaçant et de paupérisation sociale, et malgré l’atonie de l’opposition, le climat politique semble volatil et un certain vide du pouvoir se conjugue avec une répression croissante.
Si les réseaux sociaux sont identifiés comme une des lieux de résistance- et menacés en conséquence, l’interpellation du vice président d’Eds (Ensemble pour la démocratie et la souveraineté) , Étienne M’Ponon (un des contacts supposés de Serge Koffi) touche la classe politique classique.
Plus grave, le ministre de la Sécurité, le général Vagondo, faisant explicitement référence à la Loi Avia et à la coopération sécuritaire franco ivoirienne, annonce une nouvelle vague de répression à la fois contre les cyber activistes et contre l’opposition. Peut être que l’Affaire Serge Koffi ne fait elle que commencer.
Michel Galy
Politologue
IN Mondafrique le 20 mai 2020
NB: Le titre est de la rédaction.