Tribune: La France, sa volonté affichée de vertu, et l'inhumanisme qu'elle veut nous imposer

Par Correspondance particulière - La France épinglée.

Dans les milieux politiques français, il y a quelques jours, c’était le branle-bas, avec l’affaire CAHUZAC : la révélation sur un compte à l’étranger de monsieur le ministre CAHUZAC, toute sa batterie de mensonges éhontés qui a couvert cette information, les preuves indiscutables apportées par les enquêteurs, tout cela a suffi pour ébranler la classe politique et la société françaises, simplement parce qu’un homme politique (monsieur CAHUZAC) a menti tout en se rendant coupable de détention de compte bancaire à l’étranger, un acte proscrit par la loi de son pays.
Coupable donc d’avoir enfreint la loi de son pays, monsieur CAHUZAC, personnalité politique française de haut rang vient d’être chassé des fonctions politiques qu’il occupait. Politiques et citoyens français, ensemble, se disent indignés, choqués et même déçus de ce scandale qui n’est rien d’autre qu’une escroquerie morale et un cas typique de banditisme à col blanc. C’est ce que disent dans leur grande majorité, les français interrogés sur l’affaire CAHUZAC. S’il est bien vrai que cette autre affaire est française et qu’elle ne doit intéresser que les français d’abord, il n’est pas inutile pour nous africains qui avons partie liée avec cette même France et qui luttons pour notre liberté, de « capitaliser » cette affaire de malhonnêteté de la part d’un gouvernant français et d’en montrer, dans le fond comme dans la forme, les atermoiements et les vices qu’étalent à la face du monde, le président français HOLLANDE, celui-là qui répétait avant son élection : « le changement, c’est maintenant ! ». Quel changement ?
Le chien peut-il changer sa façon de s’asseoir, à moins de ne plus être un chien ? Cette question « quel changement ? » que nous posons est, en fait, au- delà même d’une question, une dénonciation de la méchanceté des gouvernants français, de quelque bord politique qu’ils soient, vis-à-vis des africains que nous sommes. Pourquoi ?
-1° : l’affaire CAHUZAC secoue toute la France en ce moment et tout ce pays entre en transe, on ouvre un bal public à la moralisation, on rappelle à tue-tête que c’est la probité qui fait le bon gouvernant, à bas les escrocs, les mafieux et leurs réseaux quand dans le même temps, des opérations de communication sont plantées ici et là pour soutenir moralement ( ?) le ministre fraudeur, l’escroc qui doit en principe se retrouver devant les juges pour donner une suite judiciaire à son délit. La vérité est là, implacable, quand les plus hautes autorités françaises freinent des quatre fers et font dans une compassion synonyme de diversion. Un dilatoire plus qu’intentionnel, dans la mesure où ces gouvernants français prient et souhaitent qu’ « un CAHUZAC et un seul, ça suffit ! ». Une façon de dire, qu’adviendrait-il alors du gouvernement français, si un ou plusieurs autres cas CAHUZAC venaient encore à frapper ce gouvernement ? Or, avec tout ce qu’il a été donné de voir comme péripéties dans ce feuilleton CAHUZAC, il est bien clair que ce n’est pas parce que l’on est un gouvernant qu’on est forcément auréolé de vertu : d’ailleurs, combien sont-ils encore, ces dirigeants politiques français, tapis dans l’ombre et le silence imposé des réseaux, qui sont aussi des CAHUZAC potentiels ?
-2° : CAHUZAC par-ci, CAHUZAC par-là, l’homme a commis l’irréparable, l’impardonnable et il doit payer. La sanction première qui lui tombe sur la tête est d’abord le fait que du coup, il devient infréquentable. Monsieur CAHUZAC naguère ministre et député est relégué au rang d’indésirable ou de paria, comme Christian NUCCI, il y a trente ans ou BEREGOVOY, il y en a vingt et un et STRAUSS-KAHN, il n’y a pas longtemps. Dans l’univers politique français et aux yeux de la société française, ce serait un crime de s’afficher désormais en public avec des gens – comme CAHUZAC - qui se sont rendus coupables d’entorses à la loi ou aux mœurs de leur pays. Et c’est à niveau que nous voulons exprimer avec énergie et fermeté notre indignation d’africains : comment peut-on prétendre vouloir respecter les lois de son pays (la France), en condamnant au rang de parias des compatriotes coupables de délits moraux et financiers (pour si peu, est-on tenté de dire) et ne point éprouver la moindre gêne en recevant en grandes pompes au sein des institutions françaises des tyrans, des dictateurs et des rebelles africains dont certains ont égorgé leurs compatriotes et bu leur sang, comme cela s’est passé en Côte d’Ivoire, dix années durant ? Qui, de monsieur CAHUZAC, qui cache de l’argent dans un compte à l’étranger et du dirigeant politique français, chantre des droits de l’homme et qui s’accommode d’entrevues ou d’échanges complices et plus qu’intéressés avec un auteur de crimes contre l’humanité, est un cas judiciaire sérieux et mérite exclusion et condamnation de la part de l’opinion publique et de la justice françaises ? Ou bien alors, au nom du racisme qui catégorise les humains que nous sommes, la classe politique et l’opinion françaises ne font que confirmer que puisqu’il faut bien que les « bien-pensants » qu’ils sont, eux, vivent, il faut nécessairement et cela n’est rien de grave, que nous africains, nous mourrions gratuitement ou bêtement pour que leur survie de « civilisés » soit assurée ?
-3° : monsieur CAHUZAC a menti ou a trompé après avoir triché, il doit partir, voire s’effacer car il a manqué de vertu ? Mais de quelle vertu peuvent se prévaloir tous ceux qui, pour du pétrole, de l’or ou du diamant se servent du fallacieux prétexte des droits de l’homme pour massacrer et faire massacrer d’innocentes populations africaines ? Elle n’a pas tort, en fait, la personnalité française qui a dit qu’ « un pays n’a pas d’amis, il n’a que des intérêts ». Avec ce que nous vivons aujourd’hui comme rebellions et actes terroristes, parfois en direct via les médias, autant reformuler la citation précédente par « un pays n’a pas d’amis, encore moins de vertu car il n’a que des intérêts, rien que des intérêts » ! Depuis plus d’une dizaine d’années, ce sont des milliers de vies humaines qui sont exterminées en Côte d’Ivoire et cela n’a pas d’importance, aux yeux des français, par rapport à l’affaire CAHUZAC et alors tant mieux pour les intérêts de la France. Messieurs OUATTARA et SORO, figures locales du terrorisme français en Côte d’Ivoire depuis les pouvoirs CHIRAC et SARKOZY, peuvent s’afficher publiquement aux côtés des dirigeants français actuels, c’est toujours tant mieux, pour les intérêts de la France. La vertu ? Elle est tout simplement mise en berne. Des français innocents peuvent mourir gratuitement d’assassinats ou à petit feu dans les geôles ivoiriennes, tant pis, si cela sert les intérêts français. Dans la même veine, la justice française « protège » en ce moment Michèle ALLIOT-MARIE, cette ministre de CHIRAC : en 2004, ils ont gratuitement fait massacrer (bombardements et fusillades) des ivoiriens aux mains nues, suite à un bombardement à ce jour non élucidé d’une base militaire à Bouaké, en zone rebelle. Une autre affaire sur laquelle le pouvoir et la justice de France font tout pour ne jamais faire aboutir les enquêtes. Comment peut-on alors valablement qualifier ce jeu double qui caractérise foncièrement les dirigeants français depuis toujours ? Ce jeu du dire et se dédire, de la vérité et du mensonge, de la résolution de bonne foi et de la compromission dans le même temps, n’est-ce pas là ruser avec ses propres principes et ses propres lois ?
-4° : le rôle nocif et permanent des communicants et des médias français : l’ardeur et la solennité dont une certaine presse française a fait montre au cours de cette honteuse et dégradante affaire CAHUZAC sont simplement révélatrices d’un fait majeur : « CAHUZAC est fautif ou coupable d’un délit, certes, mais aidons-le à tenir bon ; nous devons lui être solidaires. Protégeons-le » a semblé dire cette presse de la compassion. On est alors tenté de se demander combien de délinquants, dans les prisons de France, reçoivent cette presse qui se veut spécialiste de psychologie quand en même en temps, cette presse s’évertue à arrondir les angles pour un ministre fraudeur qui n’est rien d’autre désormais qu’un justiciable ! Et ça, c’est en attendant que la rigueur de MEDIAPART débusque encore d’autres cadres malhonnêtes qui plastronnent au sommet de l’Etat français. Ce rôle nocif de la grande majorité de la presse française, il faut le répéter ici, a été et continue d’être à la base des malheurs des populations africaines visitées par des rébellions sanguinaires. Ainsi, sachant que leur propre rouleau compresseur (la déportation de GBAGBO à La Haye par la France) va bientôt se retourner contre eux, c’est malgré eux qu’ils s’évertuent à donner dans le dilatoire ou dans une diversion infantile. Par exemple, Maureen GRISOT, pour ne citer qu’elle, dans un récent numéro de « Libération » tire à boulets rouges sur le régime tyrannique et génocidaire de OUATTARA mais en même temps le défend en se permettant de perpétuer le mensonge communicationnel  suivant : « la crise postélectorale ivoirienne est survenue par la faute de Laurent GBAGBO qui a refusé de reconnaître sa défaite ». Oh, quelle infamie ! Mais qui donc s’est permis, chez nous ici en Côte d’Ivoire, de proclamer ces résultats en lieu et place du Conseil Constitutionnel ? La communauté internationale ? De quel droit ou pourquoi ? Cet exercice de vérité, Maureen GRISOT et bien de ses collègues français l’évitent, comme la Cour Pénale Internationale s’interdit de contribuer à la manifestation de la vérité sur le même sujet en procédant au recomptage pur et simple des voix. Et pendant ce temps, des vies humaines sont injustement fauchées, chaque mois, par dizaines dans notre pays, qu’importe, d’autant plus qu’il y vingt- trois ans, CHIRAC avait décrété que « la démocratie est un luxe pour les africains » ! Le rôle pernicieux, méchant et grandement destructeur des médias français a contribué en grande partie aux malheurs des africains en général et des ivoiriens en particulier : tous les schémas mensongers qu’ils ont servi à l’opinion pour faire tomber GBAGBO continuent de se reproduire sous la gouvernance du président reconnu par leur communauté internationale, c’est-à-dire OUATTARA, en termes de tyrannie, de violations massives des droits de l’homme et de crimes contre l’humanité. Ces journalistes français savent mais ils ne hurlent plus. Que dire alors des dernières élections locales en Côte d’Ivoire sinon qu’elles sont la confirmation de ce que ce n’est jamais le vainqueur d’une élection qui sème des troubles et s’adonne à des massacres ? S’il est vrai que les ambassadeurs de la France et des Etats-Unis sont absents cette fois-ci de la scène électorale ivoirienne en plus de GBAGBO et ses partisans, à qui profitent toutes les violences postélectorales actuelles, quand on sait que le procureur de la C.P.I. en veut à GBAGBO « d’avoir préparé un plan pour rester au pouvoir » ? Autant de détails importants n’intéressent plus les loups enragés de la presse française. Surtout qu’il est de plus en plus clair qu’ils sont encore nombreux, ces journalistes français qui croyant être nés avant la honte, continuent avec une monstrueuse indifférence de débiter des désinformations sur le calvaire du peuple ivoirien. Un jour, peut-être, ces journalistes français qui ont contribué à nous faire massacrer nous expliqueront la nature du mérite qu’il y a à être, comme eux, des caniveaux de la morale humaine.

Pourquoi et pendant combien de temps encore vont durer et sévir tant de mépris, de mensonges et de méchanceté gouvernés par l’esprit de convoitise de tous ces dirigeants français et leurs médias manipulateurs qui se succèdent au pouvoir dans leur pays ? Le peuple français lui-même, désinformé, berné et méprisé par ses propres dirigeants, ne se réveillera peut-être que dans un autre monde et dans une vie ultérieure quand, malgré les massacres et les pillages à répétitions de ses gouvernants, le vent de la récession économique qui vient, aura balayé une « civilisation » aux intentions et aux pratiques abjectes. Des pratiques abjectes parce que hautement criminelles et exterminatrices de peuples de la terre qui ne demandent qu’à vivre leur liberté dans la vraie paix. Pour s’en convaincre, il suffit de nous rappeler ce qu’a dit Aimé CESAIRE : « une civilisation qui ruse avec ses propres principes est une civilisation moribonde ». C’est dans un pareil tableau d’immoralité manifeste, qu’il se trouve encore parmi les ivoiriens et les africains qui crient « liberté ! », des naïfs qui espèrent recevoir des mains de monsieur HOLLANDE, le «saint  graal » de leur libération, comme si cela s’octroyait !

Pour le collectif des victimes de DUEKOUE (Carrefour et Nahibly) 
Emmanuel Caleb