Table Ronde du FPI : Déclaration de SERY Gbouagnon, Secrétaire National aux libertés et à la Justice

Le 14 mai 2012 par Partis politiques - Table Ronde
Thème : "Libertés citoyennes et Démocratie"
Exposé liminaire de SERY Gbouagnon, Secrétaire National aux libertés et à la Justice

Le Fpi réuni en convention. Photo d'archive.

Le 14 mai 2012 par Partis politiques - Table Ronde
Thème : "Libertés citoyennes et Démocratie"
Exposé liminaire de SERY Gbouagnon, Secrétaire National aux libertés et à la Justice

"L'état actuel des libertés citoyennes et de la Démocratie en Côte d'Ivoire"
La Constituante française de 1946 a consacré le principe de la dévolution du pouvoir par le multipartisme et l’expression plurielle des libertés dans les colonies françaises en Afrique. Cette constituante garantissait l’alternance dans l’exercice du pouvoir, et induisait l’expression de libertés des minorités, les débats d’idées, la liberté d’association. Sur cette base des partis politiques se sont constitués selon les courants d’idée existant en métropole, les syndicats et les mouvements associatifs ont vu le jour.
Le débat s’est vite instauré entre les partisans de la collaboration avec les colons et ceux qui en son temps avaient opté pour la lutte pour la conquête des libertés des indigènes ou autochtones. L’opposition représentée par le PDCI-RDA a gagné les élections en 1959.
Du fait de sa position dominante le PDCI-RDA a imposé, en violation de l’article 7 de la constitution et au motif de la préservation de l’unité nationale dans un Etat en gestation, la mise entre parenthèse du Multipartisme, et par conséquent de l’alternance démocratique du pouvoir. A cet effet, il a fait fondre en son sein tous les partis et groupements sociaux, mettant ainsi en place un parti unique en laissant la constitution en l’Etat.
Dès lors les droits et libertés étaient de fait confisqués.
I – La confiscation de droits et libertés de 1959 à 2000
La Constitution de la première République de Côte d’Ivoire de 1960 révisée en 1963, 1975, 1980, 1985, 1994, et 1998, comme vient de le rappeler fort opportunément madame Amon Agoh Marthe, proclame son attachement au système démocratique.
En effet, comme l’a analysé Mme Amon l’article 2 de cette constitution dispose : «La République de Côte d’Ivoire est… démocratique et sociale. Son principe est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ». Les textes qui suivent (articles 3 et 4) énoncent que : « La souveraineté appartient au peuple » « le peuple exerce sa souveraineté par ses représentants et par la voie du référendum. Le suffrage est universel, égal et secret ».
Il s’agit donc d’une démocratie représentative mais qui se veut aussi directe par moment ; on la qualifie généralement de semi-directe.
Lorsqu’on parcourt toutes les dispositions de cette Constitution, l’on note également la séparation des pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire. Mais la démocratie ne se contente pas de l’existence d’institutions démocratiques. Elle s’accompagne nécessairement de droits et libertés pour les citoyens afin d’assurer l’exercice effectif du pouvoir.
A ce niveau, la Constitution de 1960 est très avare. Elle se contente de formules générales et vagues telles que : « Le peuple de Côte d’Ivoire proclame son attachement aux droits de l’Homme, tels qu’ils ont été définis par la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789, par la Déclaration Universelle de 1948, et tels qu’ils sont garantis par la présente Constitution ».
Or, dans ladite Constitution, il y a seulement un article (art. 6) qui énonce que « La République assure à tous l’égalité devant la loi, sans distinction d’origine… » On peut ajouter l’article 7 qui permet de former librement des partis et groupements politiques ainsi que d’exercer des activités politiques.
Enfin, l’article 61 (révisé en 1988) énonce que: « Nul ne peut être arbitrairement détenu. Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie à la suite d’une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense… ».
J’ai cité largement a dessein ces repères sur les droits et libertés inscrits dans la constitution de 1960 pour l’exercice de la démocratie et que Mme Amon a mis en exergue, pour montrer par quelques faits révélateurs que les Présidents qui se sont succédé tout au long de la première République, de Félix Houphouët Boigny à Henry Konan Bédié en passant par Robert GUEÏ, ont tous fonctionné de 1960 à 2000 aux antipodes des principes démocratiques énoncés dans la Constitution.
D’abord l’application de l’article 7 de la Constitution qui permet de former librement des partis et groupements politiques ainsi que d’exercer des activités politiques, n’a jamais été effective pendant 30 ans, de 1960 à 1990 sous le règne de Félix Houphouët Boigny.
De ce fait tous les droits et libertés qui lui sont subséquentes ont été confisqués par le parti unique, et les citoyens qui ont tenté de les exercer, ont été réprimés au moyen de complots fictifs destinés à faire de l’épuration idéologique : 1959 complot du chat noir, 1963, 1964, 1965, 1971, 1972, arrestations et détention arbitraires de citoyens, d’élèves, étudiants, et de militaires pour museler la liberté d’expression, et/ou assassinat, le cas du Guébié avec Gnagbé Kragbé qui a voulu fonder un parti autre que le PDCI RDA. Le spectre de la terreur a été étendu à toutes les franges de la société pour assurer le musellement. Le pouvoir ne voulait pas voir se fissurer le mur de la confiscation.
Tous les dirigeants qu’ils soient de l’exécutif, du pouvoir législatif ou judiciaire sont cooptés au sein du Parti qui est l’unique centre de décision. Ainsi, l’Assemblée Nationale a été mise en place avec des "missionnaires" du parti choisis sur une liste et nommés par le Président Houphouët. Ils avaient pour mission de légiférer selon la volonté du souverain leur commanditaire au nom d’un peuple qui n’est pas celui qui lui a donné mandat. La situation pour le peuple n’a guère changé par la suite, même s’il s’est avéré plus élégant d’organiser des élections qui ressemblaient plus à une cérémonie de cooptation au sein du parti, avec la complicité bienveillante du peuple à qui il était enjoint d’entériner le choix du Président et du Parti. L’exemple de la mise en place de l’Assemblée Nationale a essaimé dans tous les secteurs de la vie sociale. Ainsi chaque fois qu’il était nécessaire de voir s’exprimer dans la forme le désir d’association, pour représenter un groupe on puisait à la même source du parti.
Les syndicats qui portaient les revendications des travailleurs, des producteurs ont tous été fondus au sein de l’UGTCI, centrale syndicale qui avait pour mission de collaborer avec l’exécutif. Il avait surtout pour rôle de faire célébrer par les travailleurs leur propre bâillonnement pour voir le Secrétaire Général être élevé au rang de dignitaire du Parti.
Les étudiants à la suite de quelques turbulences dues au fait qu’ils font partie de la frange éclairée de la population, ont dû être violemment ramenés à l’ordre par arrestation arbitraire et l’encasernement de URSEECCI, la fermeture des universités Ivoirienne la suppression des brosses aux dirigeants et militant d’UEECI après la création de MEECI. Ils ont été contraints au même mode de fonctionnement dans le cadre du MEECI, section du PDCI.
En clair, tout groupement ou toute association pour avoir droit de cité, doit procéder du PDCI. Les femmes ont vu leurs énergies canaliser dans l’AFI.
En d’autres termes, toutes les organisations étaient caporalisées et étaient où des sections du PDCI ou des porte-voix de celui-ci.
Même avec la proclamation du retour au multipartisme en 1990 et l’avènement de Henry Konan Bédié au pouvoir, les citoyens s’apercevront très vite que le multipartisme ne signifiait aucunement instauration de la démocratie. Les réflexes du parti unique vont refaire surface et perdurer comme en témoigne, le complot contre les démocrates et la démocratie le 18 février 1992, et l’organisation solitaire, arbitraire et dictatoriale des élections présidentielles et législatives de 1995 par Henry Konan Bédié avec l’appui d’un ministre de l’intérieur entièrement à sa solde après son refus de mettre en place une commission électorale indépendante.
II – L’avènement au Pouvoir du FPI 2000 - 2011
La constitution de 2000 adoptée par référendum consacre les libertés fondamentales, l’équilibre et la séparation des pouvoirs. Elle garantit l’expression desdites libertés par voie législative et réglementaire.
En application de la constitution, il a été fait droit à la mise en place des conditions équitables d’organisation des élections. Contrairement au passé, il a été créé une commission électorale indépendante, admis l’utilisation du bulletin unique, des urnes semi transparentes dans le processus d’organisation des élections.
L’issue des élections a donné naissance à la 2ème République avec le Président Laurent GBAGBO qui a entrepris des efforts de protection de l’exercice des libertés dont notamment :
L’adoption de la loi instituant la dépénalisation des délits de presse est une avancée incontestable. En effet, le fait que les animateurs de la presse aient été soustraits aux peines privatives de liberté a favorisé l’expansion de la presse privée.
Cette loi administre la preuve de la liberté d’expression, d’opinion d’une part et permet de rendre compte des activités des groupements et partis politiques, des syndicats et groupements sociaux sans ostracisme.
Les marches et les meetings ne sont plus interdits ni réprimés. Les syndicats usent des moyens légaux à leur disposition pour défendre les intérêts des travailleurs y compris la grève sans que le ciel ne leur tombe sur la tête.
Mieux, les journaux, les journalistes et les citoyens critiquent l’action du gouvernement sans modération. Lé délit d’offense au chef de l’Etat n’existe plus et on assiste aux attaques des plus insensées du Chef de l’Etat, sans que les auteurs de ces manquements ne soient inquiétés. L’expression de la liberté garantie par la constitution est effective du fait de la retenue du Chef de l’Etat et de son gouvernement. Ils ont refusé de se renier et ont plutôt mis une pointe d’honneur à assumer avec grandeur un pouvoir souverain adossé à la constitution ivoirienne porteuse des droits, des libertés, des devoirs d’égalité des citoyens dans un Etat laïc. La liberté philosophique, la liberté de penser, de pratique religieuse, d’opinion est une réalité reconnue à tous et à chacun.
Mais l’avènement de la 2ème République a été freiné dans la mise en place de sa structuration, de ses institutions par les "vents contraires" qu’il a fallu assumer.
En fait, il est à remarquer que la constitution de 2000, a permis la mise en place d’un état moderne aux antipodes du pouvoir de l’état dirigiste du passé. Les ivoiriens sortis de l’encasernement, n’ont pas boudé leur plaisir d’être libres et l’ont exprimé diversement et cela n’a pas été heureux. La liberté de certains les a conduits à réclamer l’encasernement, la mise sous tutelle et le refus de l’intérêt commun. Cela a abouti à la partition du pays par une rébellion encouragée de l’extérieur.
La conséquence immédiate a été de contrarier les libertés collectives et les libertés individuelles d’aller et de venir sur l’ensemble du territoire.
Malgré toutes ces intrusions, le Président Gbagbo s’est accroché à la souveraineté, à la constitution pour résister, pour tenter de ramener la Côte d’Ivoire dans la sphère d’un état démocratique et espérer consolider la démocratie par la persuasion et le dialogue.
Mais les pressions de l’extérieur ont fini par dévoyer les valeurs qui contrariaient les intérêts des maîtres du monde.
Ils ont refusé de reconnaitre exclusivement aux citoyens Ivoiriens la gestion de leurs biens communs. La résistance par la légalité a contrarie les assauts des légions étrangères pendant un long moment, mais la Côte d’Ivoire a fini par être mise sous occupation militaire active. L’ordre public a été régulé par les forces étrangères françaises et Onusiennes, en vue de procéder a :
• L’enrôlement des populations pour créer un corps électoral nouveau en introduisant sur les listes électorales des personnes qui ne répondaient pas aux critères de nationalité.
• Des modifications au code de nationalité et au code électoral. Mieux, lorsque la résistance légale allait à l’encontre de la volonté des occupant et de leurs affidés, la communauté internationale prenait des résolutions destinées à amener la Côte d’Ivoire à l’échafaud.
Les organes nationaux ayant en charge le processus électoral et le jugement des élections ont déclaré le Président Laurent GBAGBO vainqueur des élections dans le strict respect de toutes les prescriptions constitutionnelles. Il la été investi par le conseil constitutionnel et a prêté surement. En contravention des procédures et des lois, son adversaire s’adossant à des résultats qui auraient dû être considérés comme provisoires en tout Etat de cause, s’est proclamé vainqueur avec l’appui de la communauté internationale incarnée par la France, les USA. La CEDEAO à embouché la même trompette et l’UA a endossé la position de la CEDEAO. A partir de ce moment le Président de l’extérieur a appelé à la guerre, au meurtre pour qu’il accède au palais.
Le coup d’Etat orchestré par l’armée française le 11 avril 2011 et qui a entrainé la chute du régime de la refondation dirigé par le Président Laurent Gbagbo, consacrait dans le même temps la mise sous boisseau et donc la confiscation à nouveau des droits et libertés des citoyens dans notre pays.
III – L’état actuel des libertés et la démocratie en Côte d’Ivoire du 11 Avril à ce jour
Est-il possible de parler de démocratie lorsque les règles de gestion de la cité transcendent le cadre de la cité ? Lorsque les forces étrangères régulent l’ordre public et mettent sous coupe réglée la liberté d’expression, d’aller et de venir. Est-ce possible de parler de démocratie lorsqu’on est départi du pouvoir d’assurer sa propre sécurité ? Cela n’est pas évident. La Côte d’Ivoire, à son indépendance a confié sa sécurité à la France. Cela a façonné le type de régime qu’il a connu avec la confiscation des libertés jusqu’en 1990.
Lorsque dans une situation de détresse, les armées étrangères s’imposent à vous comme solution pour faire cesser la belligérance. Elles vous imposent aussi ses solutions de gouvernances. Alors, votre liberté est hypothéquée et vous ne pouvez aspirer à une vie souveraine.
Enfin, lorsque l’extérieur dicte les conditions d’organisation du choix de vos dirigeants, il ne faut pas s’étonner qu’elles exercent des pressions pour diriger le choix. C’est ce qui nous est arrivé en novembre 2010. Une fois de plus, le peuple a été exclu du choix de ses dirigeants, tout a été mis en œuvre pour que ceux qui se sont investis pour organiser les élections arrivent à leur fin.
Pour ma part, il n’y a pas d’élection démocratique possible avec l’arme sous la tempe de celui qui met le bulletin dans l’urne. Les artifices démocratiques dans un espace non pacifié n’ont pour but que de justifier la fin.
Aujourd’hui, à l’examen des actes du pouvoir qui piétinent constamment la constitution et les sorties médiatiques qui montrent les tenants du pouvoir qui entonnent le refrain selon lequel, nous vivons dans une aire de démocratie est assez éloquent. En effet, la démocratie a pour objet de crédibiliser le pouvoir. Or les nouvelles autorités sont aujourd’hui très loin d’être crédibles.
Doté d’un pouvoir exécutif issu d’un coup d’Etat et par conséquent anticonstitutionnel, illégitime et illégal, le président Alassane Ouattara a cru devoir combler ce triple déficit en organisant dans la précipitation des élections législatives pour doter la Côte d’Ivoire d’un parlement. Mais il s’est davantage enfoncé dans le déficit et donc tombé de charybde en scilla, parce que cette assemblée de laquelle a été quasiment exclu le Front Populaire Ivoirien premier parti politique du pays est aussi frappé de plusieurs tares congénitales. D’abord, elle a été mise en place par seulement 15% de l’électorat ivoirien qui sont très loin d’être la majorité du peuple ivoirien, qu’elle ne peut donc représenter.
A ce manque de représentativité s’ajoute son double caractère monocolore et ethnique. Monocolore parce qu’elle ne renferme que des députés issus d’un seul mouvement politique le RHDP de tendance libérale donc de droite, et est sans parti d’opposition. Ethnique parce qu’elle est très majoritairement composée (+60%) de députés issus d’un seul groupe ethnique Malinké/Dioula, dans un pays qui en compte une soixantaine, et ne peut donc légiférer en tenant compte de toutes les particularités et sensibilités culturelles de notre pays. Quatrième tare enfin et non des moindres, il s’agit d’une Assemblée taillée sur mesure pour servir les seuls intérêts du RDR le parti du président Ouattara parce que les élections se sont déroulées sur la base d’un découpage électoral, très favorable à cette formation politique. L’Assemblée mise en place n’est donc pas Nationale. Quel crédit peut-on alors accorder à des lois issues d’un tel parlement ? Au total donc un pouvoir exécutif et un pouvoir législatif en panne de légitimité. Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, tout le monde est à la merci d’un régime excessivement répressif et diffus.
En effet comme, les FRCI n’obéissent pas à un commandement unifié, les centres de décision sont nombreux avec comme conséquence une répression tout azimut. Elles sèment la mort partout et la vie humaine n’a plus aucun prix. Il y a aussi la désastreuse question de Dozos. Leur irruption dans la vie et le jeu politique ivoirien constitue une entorse grave aux lois de la République et une atteinte à la cohésion nationale. En dépit de ce constat, le pouvoir actuel en a fait un bras séculier ethnocentrique qui intimide et traumatisent les autres peuples du pays. En effet, pour les besoins de l’option militaire dans la résolution de la crise postélectorale, ces chasseurs traditionnels, dont des légions entières importées de la sous-région, ont été essaimés sur toute l’étendue du territoire. Auteurs de sévices corporels au quotidien sur les populations, d’extorsions diverses de biens, d’expropriations avec violence se soldant parfois par des pertes en vies humaines, les Dozos sont une véritable gangrène sociale jouant sans merci leur partition dans le schéma d’insécurité orchestrée et la politique de terreur planifiée. Une telle situation ne peut continuer de prospérer plus longtemps sans faire courir à la Côte d’Ivoire le risque potentiel d’une guerre civile.
Les institutions chargées d’assurer la sécurité des hommes et des biens sont déstructurées.
La Police et la Gendarmerie ont été désarmées et soumises aux FRCI. Dans un Etat moderne, dans une République, l’administration de la sécurité publique incombe aux forces institutionnelles et républicaines ayant et la formation et les moyens de la mission. Les policiers et gendarmes sont en l’occurrence ces forces institutionnelles. Désarmés pour la plupart après le 11 avril 2011 et subissant au quotidien des situations d’humiliation de la part des FRCI bien équipés, eux, les professionnels de la sécurité des personnes et des biens et de l’ordre public sont devenus aujourd’hui des corps handicapés victimes eux-mêmes de l’insécurité orchestrée. Leurs camps et leurs casernes furent occupés par les rebelles et leurs supplétifs, leurs outils de travail détruits. Ces camps et ces casernes furent bombardés par les forces françaises et onusiennes. C’est une situation intolérable et inadmissible, contraire à un Etat de droit et à l’exercice de la démocratie.
Par ailleurs le titre premier de la Constitution de 2000, relatif aux libertés et droits des citoyens stipule en son article 5 que le domicile est inviolable et en son article 6 que la famille constitue la cellule de base de la société. L’Etat assure sa protection. Or depuis le 11 avril, des hommes et des femmes, des familles entières qui ont la grâce d’avoir la vie sauve, vivent ainsi des drames intérieurs d’exilés ayant perdu le fruit de tout une vie de dur labeur, leurs domiciles et biens confisqués. Paupérisation, précarité, vulnérabilité et humiliation sont leurs compagnes au quotidien. Là non plus, la situation ne peut et ne doit prospérer plus longtemps : elle est proprement incompatible avec la revendication assénée d’un Etat de droit que serait devenue la Côte d’Ivoire depuis le 11 avril.
Corolaire de ce qui suit, la paix et la sécurité des personnes et des biens ne peuvent être possibles que si le citoyen se sent protéger et en sécurité dans son intégrité physique, mais aussi dans la protection de ses acquis, fruits de plusieurs années de sacrifice et de labeur. L’Etat a l’obligation régalienne de garantir de façon effective et exécutoire la paix et la sécurité des citoyens en vertu des dispositions légales, juridiques et administratives qui fondent son autorité en la matière.
L’on fera également observer aussi que le nouveau régime établi n’accorde aucun respect à la liberté d’association, de manifestation et d’expression.
En effet, il est important de relever que l’énoncé de pétition du caractère démocratique d’un état ne s’affranchit de la démagogie que dans le fonctionnement effectif de tous les leviers de la démocratie. La liberté d’association, de manifestation et d’expression en fait partie qui plus est, la liberté du citoyen est consacrée par la constitution, notamment en ses articles 9, 10, 12. Or, les agressions exercées sur les militants du FPI lors des meetings organisés par le parti (Port-Bouët, Bonoua, Koumassi, Yopougon, etc.) d’une part, les sanctions lourdes, répétées et ciblées du CNP contre les journaux proches du FPI d’autre part, témoignent que ce levier démocratique est en peine dans notre pays.
La justice et ses animateurs ont perdu tous les repères de l’application du droit qui faisaient leur grandeur et leur honneur. Les juges agissent sur injonction.
Cette justice ainsi instrumentalisée a endossée les décisions des plus ignobles.
A la demande du pouvoir Laurent GBAGBO qui croupissait déjà sans Chef d’accusation dans les geôles du Nord a été transféré à la Haye à l’issue d’une parodie de justice. Les Magistrats Ivoiriens au risque d’être déjugés ont rendu un arrêt qui ne résiste pas dans la forme et dans le fonds à la critique pour le bonheur du souverain. Son épouse Simone GBAGBO au mépris de son statut d’Elu de la Nation et des Hautes Personnalités de l’Etat dont le Premier Ministre Aké N’GBO des Elus, le Premier Ministre AFFI N’Guessan et des Ministres croupissent dans les prisons du Nord. Cela en violation de l’article 22 de la Constitution de 2000 qui analyse que "nul ne peut être détenu arbitrairement".
En tout Etat de cause les personnes sont arrêtées et incarcérées sans chefs d’accusation. Celles qui sont considérées comme proches où ayant servi le régime de Laurent GBAGBO sont privées, lors qu’elles ne sont pas encore rattrapées pour être emprisonnées, des droits d’exister, de faire vivre leur famille avec les mesures iniques et extrajudiciaires de gel des comptes Bancaires.
Devant les tueries à grande échelle et la chasse à l’homme organisée par les armées coalisées franco-onusiennes et ouest-africaines contre les patriotes ivoiriens, le reflexes de survie a guidé certains de ces patriotes à quitter précipitamment le pays, à la recherche d’une terre d’asile. Ainsi beaucoup de nos compatriotes sont partis se refugier, pour certains d’entre eux plus près du pays, pour d’autres dans des pays frères plus lointains.
Cela contrairement aux dispositions de la Constitution qui stipule en son article 12 : "Qu’aucun Ivoirien ne doit être contraint ou forcé à l’exil …"
Enfin alors que l’article 34 de la Constitution indique clairement que « le Président de la République incarne l’unité nationale », Alassane Ouattara s’est engagée dans une politique ségrégationniste dite de rattrapage.
Néologisme ethniciste et réactionnaire qui vient consacrer la nature anti-nationale, sectaire et finalement dangereux de ce régime qui ne connait pas l’histoire, la sociologie et les ressorts politiques de ce pays, ‘’la politique du rattrapage ethnique’’ annoncée et pratiquée par Alassane Ouattara est une aberration qui se définit comme une politique en faveur d’une discrimination hyper-positive en faveur des ressortissants du nord. Ce rattrapage ethnique est aussi entendu, me semble-t-il, au sens d’un rééquilibrage des efforts d’investissements de l’Etat et des réalisations de programmes de développement au bénéfice des seuls peuples du Nord. La suppression du vaste programme de communalisation, sans raison valable, participe de cette politique dangereuse qui va dans le sens de la théorisation d’un nouveau paradigme dans l’expression de la volonté de déplanification de l’Etat et du pays par ce régime.
Les organisations internationales qui ont jusqu’à lors soutenu le régime au motif de l’instauration de la démocratie en Côte d’Ivoire ont commencé à se gêner devant sa gouvernance, l’Etat de droit et la sécurité. Ainsi à l’examen des actes du pouvoir qui piétines constamment l’Etat de droit et la constitution est il permit de penser que nous vivons en démocratie ?
CONCLUSION
La réponse assurément est non car la démocratie ne s’accommode pas de répression, de violences, elle est plutôt génératrice d’un pouvoir qui ne contraint pas, qui emporte l’adhésion du peuple et se crédibilise par sa légitimité et la légitimité de toutes institutions qui l’incarnent. En tout et état de cause, un pouvoir qui inspire la peur qui distille la tristesse et la désolation ne peut être garant des valeurs nobles de démocratie de liberté, et encore moins d’expression de liberté. Un pouvoir qui refuse la discussion qui est près à montrer ses muscles avec une armée désarticulée ne peut être consubstantiel de l’égalité des hommes et des citoyens.
Le pouvoir qui s’acquiert par la violence ne peut exister avec quiétude, aussi est-il inquiet, soupçonneux et maladroit.
Comme le 18 février 1992, le 11 avril 2011 soumet à la même épreuve la démocratie et les démocrates Ivoiriens avec des moyens plus abjects. Mais la démocratie renaitra en Côte d’Ivoire comme le phénix de ses cendres pour la gloire de l’humanité.
SERY Gbouagnon, Secrétaire National aux libertés et à la Justice

SNACOM