Soupçons de fraude au PS: «Faut-il dépêcher des observateurs de l'ONU pour la primaire ?»

Par Le Figaro - Soupçons de fraude au PS. «Faut-il dépêcher des observateurs de l'ONU pour la primaire ?».

Crédits photo : GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP.

Par Alexandre Devecchio

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Des soupçons de fraude pèsent sur les chiffres de la participation à la primaire PS. Pour David Desgouilles, qu'il s'agisse ou non d'un véritable scandale démocratique, cette affaire renforcera encore la dynamique de Mélenchon et Macron.

David Desgouilles est membre de la rédaction de Causeur. Il a publié Le bruit de la douche, une uchronie qui imagine le destin de DSK sans l'affaire du Sofitel (éd. Michalon, juin 2015). Son dernier roman de politique-fiction, Dérapage, vient de paraître aux éditions du Rocher.

FIGAROVOX. - Des soupçons de fraude pèsent sur les chiffres de la participation à la primaire PS (cf. le blog du journaliste Laurent de Boissieu). Si ces derniers sont avérés, peut-on parler de scandale démocratique?

David DESGOUILLES. - Ces soupçons ne portent pas seulement sur les chiffres de la participation mais aussi sur le nombre de voix des candidats. Après que le journaliste de La Croix Laurent de Boissieu a relevé des coïncidences étranges, l'organisateur de la primaire, Christophe Borgel, a reconnu dans les colonnes du site de Libération avoir appliqué une règle de trois aux différents candidats pour coller au chiffre de participation de 1 600 000 voix environ. Au Parti Socialiste, on n'additionne donc plus les voix, on divise puis multiplie. On peut effectivement évoquer un scandale.

Les éléments de langage au PS sont les suivants: «S'il y a de la gonflette, ce n'est pas de la tricherie. Attention aux mots! Tricher, c'est modifier les rapports de force»…

Vous vous rendez compte? Gonfler artificiellement la participation, et tous les scores des candidats, ce ne serait pas de la tricherie? Mais où vivent ces gens? Cela constitue-t-il un aveu qu'ils ont déjà fait bien pire dans les congrès du PS? L'historien Eric Anceau faisait remarquer que cette manœuvre ressemble étrangement à la fraude de Bonaparte lors du plébiscite qui a suivi le 18 Brumaire. Quand je pense que celui qui est annoncé en tête de ce scrutin prône le passage à la VIe République… Hier soir, j'avais été frappé par les accusations d'Alexis Corbière à propos de la participation. Finalement, il avait raison. Il faut dire qu'il doit avoir de l'expérience en matière de congrès du Parti Socialiste. Seulement voilà: cette élection n'a plus rien d'une élection interne. Elle a été voulue, présentée et organisée comme un scrutin public. Les citoyens qui se sont rendus aux urnes peuvent légitimement se sentir trahis.

Après le congrès de Reims de 2008 et la bataille Copé-Fillon de 2012, cela risque fort d'augmenter le discrédit envers les grands partis politiques dits de gouvernement.

Le second tour doit-il avoir lieu?

Le PS fera ce qu'il voudra. Mais la légitimité en sera entachée. Les candidats ont-ils été mis au courant de cette manœuvre frauduleuse que Monsieur Borgel nomme «erreur» ou «bug»? Si c'est le cas, leur débat de mercredi soir a-t-il encore un sens? Faudra-t-il dépêcher des observateurs de l'ONU pour contrôler les faits et gestes des organisateurs de ce scrutin? Après le congrès de Reims de 2008, et la bataille Copé-Fillon en 2012, cela risque fort d'augmenter le discrédit envers les grands partis politiques dits de gouvernement.

Cela révèle la crise d'un parti qui ne sait plus mobiliser malgré une médiatisation importante de ce scrutin.

Sur le plan politique, que révèle cette très faible participation?

Cela révèle la crise d'un parti qui ne sait plus mobiliser malgré une médiatisation importante de ce scrutin. Cette primaire n'a guère passionné. Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon en constituent d'ores et déjà les vainqueurs. Et cette affaire de «gonflette» va être un boulet supplémentaire au pied du vainqueur du scrutin. J'y vois deux responsables: le principe des primaires qui va à l'encontre de la conception gaullienne des institutions, et qui a donné à la gauche et à la France un mauvais président ; et ce mauvais président lui-même qui a fait dissoudre sa majorité en ne respectant pas ses engagements, qui a multiplié les coups de billards à trois bandes qui se sont retournés contre lui, au point de ne plus être en situation d'être candidat à sa succession. A cet égard, on se souviendra du congrès qui avait opposé ce même François Hollande à Jean-Luc Mélenchon après l'élection présidentielle de 2002. Hollande et Mélenchon s'étaient arrangés sur leurs scores respectifs avant le scrutin (déjà!) et le premier n'avait pas respecté sa parole. En voyant que c'est un lieutenant du second qui a le premier soupçonné la fraude, on se dit que la boucle est bouclée et que Jean-Luc Mélenchon tient sa revanche.

Peut-on parler de marginalisation, voire de disparition du PS?

Soit Valls gagne et il sera cannibalisé par Macron, laissant un boulevard à Mélenchon. Et on aura une PASOKisation du PS. Soit, c'est Hamon qui gagne: il sera cannibalisé par Mélenchon et on assistera à la CORBYNisation, ouvrant un boulevard à Macron. La seule manière pour échapper à ce destin était que ce rendez-vous de la primaire constitue un vrai succès démocratique. Cherchez l'erreur!

Alexandre Devecchio

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