Présidentielle en RDC : l'opposant Vital Kamerhe en entretien exclusif TV5MONDE
Par TV5 MONDE - Présidentielle en RDC. L'opposant Vital Kamerhe en entretien exclusif TV5MONDE.
Vital Kamerhe s'est désisté au profit de Félix Tshisekedi pour former un ticket "gagnant" en RDC. L'ancien président de l'Assemblée nationale a fait alliance avec cet autre poids lourd de l'opposition congolaise en vue de remporter l'élection du 23 décembre. Il est notre invité dans le Journal Afrique de TV5MONDE.
25 NOV 2018
C'était vendredi 23 novembre, dans un hôtel de Nairobi au Kenya. Les deux hommes forts de l'opposition congolaise se retrouvent pour négocier. Quelques heures plus tard, un accord est trouvé.
Vital Kamerhe se désiste en faveur de Félix Tshisekedi pour briguer la présidentielle. "Nous avons décidé aujourd'hui de former un ticket. A Dieu et au peuple qui me regarde, je décide aujourd'hui de soutenir Mr Tshisekedi dans sa campagne pour la présidence du Congo" , annonce le chef de l'UNC (Union pour la nation congolaise) depuis Nairobi.
Présidentielle en RDC : désistement de Vital Kamerhe en faveur de Félix Tshisekedi
La contrepartie pour Vital Kamerhe : en cas de victoire, Félix Tshisekedi lui garantit le poste de Premier ministre.
J'ai toujours dit : je n'ai pas l'obsession de la présidence de la République, j'en ai la vocation.
Vital Kamerhe
Pourquoi avoir choisi de devenir le deuxième homme ? Réponse de Vital Kamerhe sur notre plateau : "Je voudrais voter utile pour mon pays parce que nous nous sommes tous fixés comme objectif l'alternance. Il y a un seul fauteuil présidentiel et nous savions tous qu'il fallait départager deux hommes, l'UDPS et l'UNC. Nous ne pouvions pas sans continuer à dérouter le peuple congolais à privilégier nos propres ambitions. J'ai toujours dit : je n'ai pas l'obsession de la présidence de la République, j'en ai la vocation."
Pour l'opposant, il faut soutenir le bon candidat. "Quand nous voulons gagner face au président Kabila et son candidat Shadary (...) Nous devons placer le cheval qu'il faut à l'avant-plan", justifie-t-il.
Rapprochement de circonstance
Le rapprochement entre les deux mouvements -qui n'ont pas toujours été d'accord - est de circonstance.
L'objectif : converger les voix de l'UNC, bien établie à l'est de la République démocratique du Congo avec celles de l'UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), ancrée au centre et à l'ouest. Un ticket inédit en vue de remporter l'élection du 23 décembre.
L'alliance entre les deux partis court sur une période de 10 ans. Au bout de 5 ans, les rôles sont inversés, ce qui fait un mandat présidentiel chacun.
Vital Kamerhe n'a jamais caché son désir de briguer la magistrature suprême.
En 2011 déjà, il s'était présenté à l'élection présidentielle face à Joseph Kabila et Étienne Tshisekedi. Il arrivera troisième, rassemblant 1,4 million de voix et raflant 16 sièges au Parlement.
"Kamerhéon"
A 59 ans, ce ténor de la politique congolaise est aussi connu pour ses nombreux revirements politiques, qui lui vaudra le surnom de "Kamerhéon".
Ses premiers pas en politique remontent à l'université. En 1983, il rejoint les jeunes partisans de l'UDPS d'Etienne Tshisekedi. Six ans plus tard, l'ambitieux Kamerhe passe dans le camp au pouvoir : il entre dans un cabinet ministériel, sous les ordres du maréchal Mobutu.
Ce sera ensuite un fidèle des Kabila -père et fils. Tour à tour consultant, ministre et secrétaire général du PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie), il sera désigné directeur de la campagne de Joseph Kabila en 2006.
A cette époque, il écrit même un livre à la gloire de son président : Pourquoi j’ai choisi Joseph Kabila. La même année, Vital Kamerhe est élu président de l'Assemblé nationale congolaise. L'homme est au sommet de sa carrière. Mais en 2009, tout bascule.
Natif de Bukavu, Vital Kamerhe dénonce avec force l’intervention des troupes rwandaises dans la province du Nord-Kivu. Une sortie publique que Joseph Kabila ne lui pardonnera pas. Il finira par démissionner.
Vital Kamerhe rejoint l'opposition et fonde son parti : l'Union pour la nation congolaise (UNC). Son score à l'élection présidentielle de 2011 lui permet de conserver un bon ancrage sur ses terres, à l'est du pays mais les ressources financières manquent pour faire fonctionner son parti.
Jeu d'alliances
Ce ne sera qu'en 2017 que Vital Kamerhe revient sur le devant de la scène. Il faut reconquérir une place au sein de l'opposition.
Vital Kamerhe cherche des alliances. Il se tourne d'abord vers l'ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi. Très vite, il comprend que l'unité de l'opposition est nécessaire pour espérer battre Joseph Kabila. Il suggère une "primaire" pour désigner un candidat unique.
La suite on la connaît. L'opposition congolaise est plus que jamais divisée, depuis la tentative échouée de se présenter unie le 11 novembre dernier à Genève.
Martin Fayulu, de la nouvelle coalition Lamuka, reste le candidat désigné de l'opposition. Mais face à lui, se dressent désormais Félix Tshisekedi et son dauphin Vital, qui ont rejeté l'accord.
Vital Kamerhe explique pourquoi s'être retiré : "L'accord de Genève avait été paraphé en Afrique du Sud (...) Celui qui fixe le profil du candidat commun et celui qui parle des critères, ces deux chapitres importants n'ont pas été respectés."
"L'accord de Genève avait été paraphé en Afrique du Sud (...) Celui qui fixe le profil du candidat commun et celui qui parle des critères, ces deux chapitres importants n'ont pas été respectés."
Vital Kamerhe à propos de l'accord de l'opposition
Selon lui, l'accord a été "violé", évoquant "une sorte d'arnaque". Et d'ajouter qu'au moment de signer l'accord : "nous étions tous convaincus que c'était soit Félix Tshisekedi, soit moi-même. Moi j'étais indifférent entre les deux noms. Et finalement, la désignation s'est fait par vote."
Le rapprochement opéré entre les deux hommes ces dernières semaines ne serait qu'opportuniste. Une alliance stratégique pour Vital Kamerhe. "C’est une girouette. Sa seule obsession aujourd’hui, c’est de devenir Premier ministre et il est prêt à suivre quiconque lui garantit le poste", confie un cadre de l’UDPS dans Jeune Afrique.
Leur plateforme fraîchement baptisée "Cap pour le Changement" se dit d'ailleurs ouverte à d'autres ralliements.
Certains membres de la coalition Lamuka seraient déjà prêts à les rejoindre. La porte est grande ouverte : "Il n'y a jamais eu de rupture, nous sommes des frères et des amis et nous parlons", assure-t-il à leur propos.
Vital Kamerhe se montre en tout cas confiant : "Nous allons non seulement remporter la présidentielle mais aussi les législatives nationales et provinciales parce-que le ticket "Fatshi Vit", c'est le ticket que tout le peuple congolais attendait."
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