MORT D'HOUPHOUET BOIGNY, 1993: LE 1ER COUP D'ÉTAT (MANQUÉ) DE OUATTARA, RÉCIT

Par Ivoirebusiness - MORT D'HOUPHOUET BOIGNY, 1993, LE 1ER COUP D'ÉTAT (MANQUÉ) DE OUATTARA, RÉCIT.

Le Président de la République Félix Houphouët Boigny, en compagnie du Premier ministre Alassane Ouattara et du Président de l'Assemblée nationale Henri Konan Bédié. Image d'archives.

LU POUR VOUS

A toutes fins historiques utiles...

ECLAIRAGES SUR LA FAMEUSE JOURNEE DU 7 DÉCEMBRE 1993, Par JYEE

C'est donc en avril 1990 que ADO fait irruption dans le paysage politique national...

Quand le président FHB accepte de le faire venir, après toutes les pressions subies, pour diriger le Comité Interministériel puis devenir 1er ministre, le président défini bien a ADO la nature de sa mission, lui laissant clairement entendre que l'action qu'il serait amené à conduire excluait toute dimension politique. ADO serait meme venu, à la demande du président FHB, le répéter à la résidence de HKB en présence d'un témoin, l'ambassadeur Ahoua N'GUETTA.

Au fur et à mesure que l’État de santé du président se dégradait, ADO se mettait en avant avec la volonté insidieuse d'apparaître comme le seul et véritable "patron" du pays. Les ivoiriens l'observaient en silence dans ses manigances et gesticulations mais n'étaient pas dupes. Ils souffraient trop de la très grave maladie du vieux et avaient compris que cet ultime séjour dans les hôpitaux l'emporterait définitivement.

Mi-novembre, des députés PDCI crient au scandale quand ADO exprime son intention d'assurer la suppléance du président. Dans ce contexte un homme va rappeler l'évidence. C'est GBAGBO qui en sa qualité de député va déclarer : " BEDIE représente la légalité républicaine. Tout ce qui est en dehors de la Constitution équivaut à un coup d'Etat civil ou militaire"
A la mort du président, le 7 décembre 1993, ADO tente un passage en force...

Par un hasard singulier, le 7 décembre est à cette époque le jour de la fête nationale que FHB avait déplacé de sa date originelle du 7 août au motif qu'à cette date, au coeur des vacances, la fête nationale ne pouvait bénéficier de la présence de certaines personnalités, surtout celles des pays occidentaux.
A peine la cérémonie achevée, ADO se précipite en avion avec le président du Conseil économique et social Philippe Grégoire YACE ( pour des raisons que je vous expliquerai à un autre moment) , à Yamoussoukro pour s'incliner devant la dépouille du chef de l'Etat.

Ils savent que le vieux a rendu l'âme le matin même à 6h35. Ils "oublient" d'emmener avec eux, HKB qui lui, doit faire le voyage en voiture.
Alors qu'il présente ses condoléances à la famille du président, ADO demande à son aide de camp de l'époque, le capitaine Vagondo DIOMANDE, aujourd'hui général, de joindre son ministre de l'information, Auguste MIREMONT.

Il s'agit d'annoncer aux ivoiriens, en boucle à la télévision, que le vieux est mort et que le gouvernement a mis en place un Comité pour les obsèques et pour gérer le pays. Au Conseil des ministres qui se tient le lendemain, un seul homme se dresse pour rappeler l'ordre Constitutionnel avant de quitter la séance : le ministre des Affaires étrangères, ESSY Amara.

Pendant ce temps, HKB qui est enfin arrivé à Yamoussoukro veut s'assurer du décès du vieux et demande à le voir. Marie Therese, la veuve, le conduit au chevet du président qui git sous un drap dans sa chambre.

Il sait à cet instant qu'il doit stopper à tout prix et le plus rapidement possible tout ce qui est entrain de se tramer dans le dos de la Constitution par le Premier ministre ADO.
Les proches de HKB le ramène rapidement à Abidjan. Il est encadré par les éléments de la gendarmerie, sous l'autorité du général Joseph TANNY.

Le général Robert GUEI, chef d'état-major, va jouer un rôle décisif en positionnant la FIRPAC (Force d'Intervention Rapide Para-commando), corps d'élite de l'armée ivoirienne de l'époque, autour de la RTI puis en allant poser un ultimatum au Premier ministre pour qu'il présente sa démission.

En effet, ADO, sans états d'âme et sans aucun respect de la légalité constitutionnelle, ce qui sera la marque de son action politique jusqu'à aujourd'hui, n'hésita pas un seul instant à manoeuvrer pour tenter d'imposer aux ivoiriens une lecture très personnelle de la Constitution, contestant à HKB le droit de terminer le mandat de FHB.

C'est après que l'armée, aux ordres du general Robert GUEI, a investi la RTI, que HKB prononce son fameux discours historique ou il demande aux ivoiriens de "se mettre à sa disposition"...

Afin de prévenir toute situation aventureuse, la présence militaire française se fait visible pendant que les américains renforcent leur dispositif au Ghana.
Ce qu'il faut retenir de cette terrible journée du 7 décembre 1993 que nous avons vécu en direct du Campus de l'Université Felix Houphouet Boigny :
Le vrai visage d'Alassane OUATTARA s'est très vite dévoilé. Le 7 décembre il tentera de réécrire l'article 11 de la Constitution.

Plus qu'un défi à l'héritier constitutionnel HKB, il a engagé, en agissant ainsi, un bras de fer politico-ethnique aux conséquences insoupçonnées et imprévisibles que nous payons encore aujourdhui.

Il apparait déjà en 1993 comme un manipulateur peu soucieux du respect des textes, un apprenti sorcier qui joue avec le thème sulfureux de l'ethnicité avec une propension malsaine à profiter de la crédulité des ivoiriens face à la "rumeur" qui est un poison indécelable.
En réalité ADO avait cessé d'être premier ministre à la seconde où le président avait rendu son dernier souffle de vie. Car en effet, constitutionnellement, le Premier ministre tenant son pouvoir du président, doit se démettre au décès de ce dernier.

Le 9 décembre ADO finit par présenter sa démission au nouveau président qui nous a raconté lui même la scène, et que je vous partage pour terminer mon propos :
"Au cours de cette entrevue, il ma déclaré qu'il avait été trompé par les juristes du gouvernement qui estimaient qu'il devait attendre que le décès du Président soit constaté par la Cour Suprême, et même, la fin des obsèques, pour présenter sa démission.

Son explication me paraissait difficile à admettre, mais, comme j'ai toujours eu pour lui de l'amitié et manifesté de la protection, il a pu repartir libre. Je lui ai quand même fait savoir que j'aurais pu ordonner son arrestation pour avoir eu un tel comportement. Il ma répondu : "Je ne savais pas que c'était aussi grave que cela". J'ai préféré garder mon calme en pensant au pays meurtri par ce grand deuil." HKB.

Alassane OUATTARA s'est présenté devant HKB vêtu d'une chemise à manches courtes ce qui selon HKB a choqué les personnalités présentes. A sa décharge, il n'est pas venu de son plein gré : le général Robert GUEI, à la tête d'un groupe de soldats, s'est rendu à son domicile et l'a sommé de venir "sur-le-champ" offrir sa démission au président désigné par la loi. OUATTARA, dont le courage, nous le savons tous, n'est pas la vertu principale, dans sa hâte d'obéir au général déterminé devant lui, oublia de changer de tenue et le suivi immédiatement.

Jean-Yves ESSO ESSIS
Membre du BP du PDCI-RDA"