Mon réveil de janvier 2016: l'appel de Daoukro est une déconfiture du PDCI-RDA

Par IvoireBusiness/ Débats et Opinions - "Mon réveil de janvier 2016, l'appel de Daoukro est une déconfiture du PDCI-RDA", Par Roger Antoine Kassi.

Konan Bedié et Alassane Ouattara à Daoukro lors du lancement de l'appel de Daoukro. Image d'archives.

En effet, le 17 septembre 2014, le guide du parti politique sus-indiqué lançait un appel à voter le président du RDR, Alassane Dramane Ouattara (ADO), ci-devant président de la République en exercice à la présidentielle d’octobre 2015. Dans un premier temps, cet appel du président Bédié a plongé les membres de tous les étagements de ce parti tutélaire dans un émoi des plus remuants. Tous ont ainsi bu la tasse de la perdition et de la déconfiture.

Et après ?

Une fois l’ivresse d’un tel tourbillon aux entournures fantasques passée, des apôtres du président Bédié s’autoproclament promoteurs de l’heureuse trouvaille auprès de la base du PDCI-RDA. Une mission éclatée a fait le tour du pays. Les missionnaires reviennent avec, dans leur gibecière, la moisson du refus de l’aliénation à une telle violation de la résolution du dernier congrès qui faisait état de la candidature d’un cadre du PDCI-RDA à la présidentielle de 2015. Un compte rendu fidèle du message de la base fut remonté au président Bédié qui le méprisa et partant, les militants de ce parti de glorieuse mémoire et de référence en Afrique et dans le monde.

Et après ?

Charles Konan Banny, Essy Amara et deux autres, tous cadres du parti prennent leur distance, s’opposent à l’appel et se déclarent candidats indépendants tout en demeurant membres du PDCI-RDA. Ils s’organisent comme ils peuvent pour donner forme à leur engagement déterminé. Au niveau de leur parti, ils subissent tous les quolibets du déshonneur surtout de la part des cadres et militants ad dictés à la vassalisation sous toutes ses formes les plus déshumanisantes.

Et après ?

Charles Konan Banny a appelé à des discussions franches sur les conditions d’organisation de l’élection. A plusieurs reprises, l’écho de ses appels s’est noyé dans le mépris des gouvernants. Toutefois, il s’est mis à la tâche sur tous les fronts : aller à la rencontre et recevoir les chefs traditionnels qui résistent encore à la chosification et au corridor de la tentation politicienne, peaufiner sa campagne, répondre à l’appel du patronnât ivoirien auquel il a exposé le contenu de son projet de société, répondre à celui des chefs d’entreprises issus de l’Escae, analyser le fichier électoral, passer sur le plateau-télé pour présenter, à la face du monde, le contenu de son bail avec les populations de Côte d’Ivoire et par delà, exposer les dysfonctionnements et l’ivraie dont est truffée la liste électorale. La base des partis politiques aussi bien dans les capitales régionales que dans l’arrière-pays a bien perçu le message du candidat Charles Konan Banny. Oui, ce grand commis de l’Etat a osé au péril de sa vie. Car, il n’est un secret pour personne ici, en Côte d’Ivoire, que qui dit la vérité sous la lumière du jour subit le sort de Galilée.
Et après ?
Conscient depuis le début qu’en face, la coalition RHDP était dans une logique de non retour quant à la tricherie orchestrée et de guerre lasse, Charles Konan Banny s’est retiré de la course à la présidentielle.
Le vainqueur
Charles Konan Banny est le grand vainqueur de cette élection avec un chapelet de lauriers.
Il a corroboré ses soupçons de fraudes sur la liste électorale par la transmission d’une lettre datée du 28 décembre 2015, par un exploit d’huissier du 29 décembre 2015, à monsieur Youssouf Bakayoko, président de la CEI. Cette lettre porte sur les résultats de ses investigations liées à la liste électorale. Ces fraudes s’illustrent par 22 000 doublons, 120 000 inscriptions irrégulières non assorties de formulaires d’enregistrement, des mineurs de 16 à 17 ans, des personnes décédées et des personnes qui ne sont même pas encore portées en gestation pour dire qu’elles naitront en cette année 2016 ou dans un futur imaginaire. Le président Bédié a eu copie de cette correspondance de dénonciation de ces fraudes qui ont gravement impacté le résultat de l’élection présidentielle. Dans les conclusions du conseil des ministres du 4 novembre 2015, les Ivoiriens ont suivi à la télé et lu dans la presse que le gouvernement reconnait ces anomalies sur la liste électorale. L’atelier d’évaluation interne de la Commission Electorale Indépendante, tenu à Yamoussoukro, a recommandé de traiter les insuffisances de la liste électorale avec beaucoup d’engagement et de détermination. Charles Konan Banny a rendu un hommage aux illustres disparus du PDCI-RDA, fondateurs de ce beau pays tout en dénonçant la froideur méprisante des gouvernants actuels et de la direction du PDCI-RDA vis-à-vis de ces grandes figures de la nation. Ce sont-là des actes courageux qu’il pose.

Le perdant

Le grand perdant de cette élection, c’est bien le RDR/PDCI-RDA dont le modèle ivoirien proposé a connu une rebuffade électorale sur le terrain. Sur 26 millions d’habitants que compte le Côte d’Ivoire, il y a eu à peine 6,301 189 millions d’inscrits ; 3,330 928 millions de votants ; 3,129 749 millions de suffrages exprimés qui donnent 52,86% de taux de participation. Le président est élu au 1er tour avec un score à la soviétique de 83%. Au regard de ces chiffres arrangés (4 jours après l’élection pourtant sans enjeu avant de connaitre les résultats quand les Burkinabè connaissaient les leurs seulement en 24 heures), il y a un déclin parce qu’il a suffi que Charles Konan Banny se retire pour que les Ivoiriens ne se reconnaissent plus dans cette élection manipulée.
Un peu de rappel de mémoire
Il y a déclin parce qu’en 2010, alors que le pays sortait de guerre, le taux de participation au 1er tour était de 83,3% ; au 2ème tour, ce taux était de 81,12% et le candidat élu avait réalisé un score de 53% environ. Toute chose égale par ailleurs, tout près de nous au Burkina Faso, un pays sous une transition fébrile, sur une population de 5 millions 517 055 électeurs, le taux de participation se monte à 60% et le président élu a remporté 53,49% contre 29,65% pour le second candidat.
En revenant au cas ivoirien, je note un fort taux d’abstention et un suffrage structurellement et qualitativement insuffisant. C’est en cela que j’interpelle l’Ambassadeur des USA, en Côte d’Ivoire, quand il donnait des leçons de fiabilité de la liste électorale par rapport à l’expertise inattaquable du NDI. Que dit-il, aujourd’hui, lorsque le président de la CEI, Youssouf Bakayoko demande que cette même liste soit purgée ? Chers concitoyens ivoiriens arrêtons d’accompagner, par notre silence coupable, des gens se sucrer sur le dos de l’éléphant. De ce qui précède, je voudrais citer François Fillon, ex-premier ministre français qui dit ceci : « il serait irresponsable de passer d’une élection à une autre comme si les Français ne nous ont rien dit ». Et nous, les Ivoiriens ne nous ont-ils pas dit quelque chose ? Qu’attendons-nous pour opérer un audit en profondeur du système électoral imposé par cette coterie de profiteurs ? Pendant que nos dirigeants, en Côte d’Ivoire, érigent les conditions de l’élection présidentielle 2015 passée en modèle immaculé, Nicolas Sarkozy s’attriste des régionales en France et je le cite : « il n’y a pas de démocratie vivante ni de débats politiques quand le taux d’abstention est trop fort ». En avons-nous conscience ici en Côte d’Ivoire ?

Le PDCI-RDA est à plaindre

Dans ce système qui se met en place, c’est le PDCI-RDA qui est à plaindre. Il n’a aucune lisibilité après l’uppercut que vient de lui asséner son pire ennemi et frère préféré devant l’éternel, Alassane Dramane Ouattara, à travers la conclusion du bureau politique du RDR, tenu le 15 décembre 2015. Les injures feutrées du RDR faites au PDCI-RDA sont nombreuses : (chez nous au RDR, nous sommes structurés, c’est la base qui décide or, chez vous au PDCI-RDA, c’est Bédié qui décide et la base se noie dans le revers de ses choix mal inspirés. Nous maintenons notre instrument de lutte et de victoire, c’est le RDR ! pas donc de parti unifié. Pourquoi repartir nous verser au PDCI-RDA, alors que nous avons tous les leviers du pouvoir ?...). Une petite réflexion me fait dire que dans ce futur immédiat de gouvernance, le PDCI-RDA n’aura ni de Ministres, ni de Députés, ni de présidents de conseils régionaux, ni de maires, ni d’alternance à son profit en 2020. Il sera réduit au rebut pour ne pas dire en reliques. Est-ce que le pouvoir se donne en cadeau royal ? NO ! NON ! Tchè Tchè !

Que faire ?

Malheureusement, les actes du président Bédié questionnent. A quelles conditions le PDCI-RDA s’est-il retrouvé à la remorque du RDR ? Quelles leçons suffisantes le PDCI-RDA a-t-il tirées des réglages à faire, pour une équité dans le partage du pouvoir, qui n’ont jamais eu de suite lors du premier mandat ? Qu’attend encore, raisonnablement, le PDCI-RDA du régime RDR à ce second mandat ? Le PDCI-RDA peut-il se taper mordicus la poitrine pour dire qu’il a massivement voté Ouattara et que, par conséquent, ce dernier lui est redevable ? En toute conscience, le PDCI-RDA voit-il en l’appel de Daoukro un pain béni pour ses militants en vue de leurs promotions aux affaires un jour ? Y-a-t-il encore de la ressource au PDCI-RDA pour le rebond de ce parti ? Non, ce parti, plus qu’un fruit d’épicerie à prendre par morceau pour chacun est devenu une déconfiture. Pour représenter un parti politique de l’envergure du PDCI-RDA et son chef à l’investiture d’un président de la République élu, qui a-t-on mis en mission ? Ce parti PDCI n’a-t-il pas de Vice-présidents, de secrétaire exécutif, d’anciens ministres ou d’anciens diplomates en son sein pour une représentativité plus sérieuse au lieu d’un trompettiste de cour ?
Ivoiriennes, Ivoiriens, à ce niveau de mon analyse, je vous invite à trancher : la vision du président Bédié est-elle aujourd’hui une lumière qui éclaire notre marche triomphale au sein du PDCI-RDA ou un écran de nuages qui nous englue dans l’immobilisme ? Que chacun fasse son choix. Le mien est sans appel et demande qu’iI faut convoquer un congrès ordinaire pour accorder une retraite méritée au patriarche Henri Konan Bédié. Il faut opérer l’alternative à une émergence générationnelle. Il faut reformater ce parti avec des idées nouvelles, remballer nos intelligences et forces autour d’un guide, avant qu’il ne soit tard ; c’est à ce prix que le PDCI-RDA sera un parti d’opposition fort et crédible ; c’est encore à ce prix que le PDCI-RDA sera une force de construction, de propositions et de correction de la gouvernance, c’est à ce prix seulement que le PDCI-RDA pourra rassembler les Ivoiriens sans exclusive et remporter toutes les élections générales. A mon humble avis, Charles Konan Banny a ouvert le chemin du renouveau du PDCI-RDA. Seul lui a eu le courage d’affronter l’adversité. Il a eu le courage de dénoncer les fraudes liées à l’élection présidentielle. Il en a les preuves matérielles et il les brandit à qui veut les savoir. Il est disponible pour le PDCI-RDA et n’a aucune casserole bruyante de la République comme boulet à ses pieds. Aucun dossier encombrant ne peut donc le contraindre à un sabordage. Si tant est qu’il existe encore des militants dont le cœur bat pour un PDCI-RDA à ennoblir, pourquoi ne pas essayer Charles Konan Banny ?

Une contribution de Roger-Antoine KASSI
Militant PDCI-RDA