Interview de Séri Gouagnon (Secrétaire national Fpi) : « Wodié a plutôt été démissionné et c’est nécessairement lié aux conditions d’éligibilité de Ouattara ».« C’est sur des promesses de preuves qu’on a arrêté Laurent Gbagbo »

Par Le Temps -AFFAIRE « LES PREUVES CONTRE GBAGBO DISPARAISSENT A LA CPI ». Séri Gouagnon (Secrétaire national Fpi) « C’est sur des promesses de preuves qu’on a arrêté Laurent Gbagbo ».

Photo : Séri Gouagnon. « Le Président Wodié a été démissionné, et c’est nécessairement lié aux conditions d’éligibilité ».

Seri Gouagnon: « La Cpi est dangereuse pour les droits de l’Homme et pour les justiciables ».« Je pense que Wodié a été plutôt démissionné ».

Séri Gouagnon, anciennement secrétaire national chargé des Droits de l’Homme, de la Justice et des libertés du Front populaire ivoirien, et aujourd’hui chargé des relations avec les grandes institutions de l’Etat, parle dans cette interview des preuves contre Laurent Gbagbo qui auraient disparu à la Cpi, des irrégularités au sein de la Cour d’Assises à Abidjan et de la démission de Francis Wodié de la tête du Conseil constitutionnel.

Vous avez participé récemment au Débat panafricain de Afrique MédiaTv sur le thème « Cour pénale internationale contre Laurent Gbagbo : où sont passées les preuves ? » Pouvez-vous revenir pour nos lecteurs sur cette information et dire ce que vous en pensez ?

Merci, effectivement Afrique Média m’a invité à un débat pour éclairer l’opinion sur le fait qu’il circule sur le Net et partout, que les preuves à charge contre le Président Laurent Gbagbo auraient disparu à la Cpi. A ce sujet, j’ai dit que dans l’état actuel de l’évolution de la technologie relativement au traitement, à la conservation et à la transmission des preuves, des documents ou de l’information, il est difficile de penser qu’une information qui a une fois été donnée à une autre personne, que cette preuve puisse disparaitre. Le dire, cela paraît puérile, parce qu’aujourd’hui, les éléments de preuves remis à la Cpi ont non seulement une source, mais une traçabilité. Il est donc difficile de penser qu’on puisse parler des disparitions matérielles des preuves et que cela puisse poser un problème en soi.

Lorsque vous parlez de traçabilité, voulez-vous faire allusion au fait que ceux qui auraient donné ces preuves peuvent en garder des copies ?

Il y a des sources d’une part et en général, si ces preuves ont été transmises par voie électronique, dès lors qu’elles ont été transmises une seule fois par des voies électroniques, elles existent, ces preuves. Et si c’est vraiment une transmission matérielle, elle a des sources. Donc si, par mégarde, le document matériel a disparu, cela ne veut pas dire que les preuves ont disparu. Mais si les preuves qui ont été fournies à la Cpi, ont disparu, alors, c’est grave. C’est grave parce que cela veut dire que la Cpi est une institution désorganisée, peu crédible et dangereuse pour les droits de l’Homme et pour les justiciables. Parce que ces preuves qu’on donne à la Cpi ne peuvent pas disparaître parce que cela conditionne la vie des justiciables qui sont devant elle. Alors, c’est puéril de penser que les preuves ont disparu. C’est ce que j’ai répondu. Deuxièmement, le vrai problème qui se pose selon moi, c’est le problème de l’existence des preuves. Parce que lors de la crise, il y a eu des événements qui se sont produits à Abobo que l’Onuci particulièrement a amplifiés.

Comment ?

Pour l’Onuci, il y a eu des obus de 81mm qui ont été tirés sur le marché Siaka Traoré je crois, du camp Commando d’Abobo, qui est situé à vol d’oiseau à 200 m. En réalité, pour des experts en balistique, tirer des obus à moins de 200 m sur un objectif dans le rayon duquel vous vous trouvez vous-même, c’est que vous avez choisi de vous tuer vous-même. Et cela paraissait un peu gros, d’une part. D’autre part, il y a une contradiction entre l’Onuci et Mme Bensouda sur la qualité des obus qui ont été tirés. L’Onuci dit qu’il s’agit des obus de 81mm, Mme Bensouda soutient qu’il s’agit des obus de 120 mm. Il faudrait alors qu’on sache de quel type d’obus est dotée l’armée ivoirienne. Il y a ce problème qui se pose et l’Onuci avait promis donner les preuves scientifiques, c’est-à-dire de faire des analyses balistiques, tout cela pour voir s’il s’agit effectivement d’obus dont est dotée l’armée ivoirienne. Nous sommes toujours dans l’attente de ces preuves. Troisièmement, toujours à Abobo, l’Onu a amplifié encore un mouvement pour dire que les femmes qui marchaient, ont été l’objet de tirs mortels provenant des chars de l’armée ivoirienne. Et il y a des douilles qui ont été trouvées sur place qui ne sont pas des douilles des munitions de l’armée ivoirienne. Et là aussi, l’Onu a promis apporter des preuves matérielles, scientifiques des agissements de l’armée ivoirienne. Depuis la déclamation qui a été faite jusqu’aujourd’hui, l’Onu n’a toujours pas apporté ces preuves là. Voilà la réalité.

Est-ce à dire qu’il n’y a rien derrière la fumée ?

En fait de preuves qui ont disparu, c’est que les preuves n’ont jamais existé. Elles n’ont jamais existé et l’Onu, ceux qui ont promis apporter ces preuves ne les ont jamais apportées dans le dossier de Mme Bensouda.

Dans ces conditions, quelle était la vocation des déclarations qui avaient été faites annonçant des preuves ?

Au départ, on était dans une période où tout ce que déclarait l’Onu était pris pour argent comptant. Ils ont fait cela pour permettre à l’Onu de prendre des résolutions qui condamnaient Laurent Gbagbo et pour arriver à l’amener à la Cpi. Il fallait se donner les moyens. C’est uniquement cela qui a prévalu. Donc, on ne peut pas parler dans l’état actuel des choses des disparitions de preuves parce que, maintenant que les clameurs se sont tues, l’Onu et l’armée française, qui devaient être les pourvoyeurs de preuves pour le parquet, pour Mme Bensouda, se sont rétractées.

Et pourquoi selon vous ?

Elles se sont rétractées parce qu’en réalité, la seule preuve que ces forces apporteraient en donnant des informations, c’est la preuve de leur participation à la crise et à la guerre. Et contrairement à leur mission qui était celle de protéger les populations civiles, on verrait alors que l’Onu et l’armée française ont contribué à décimer ces populations civiles. Et je pense pour ma part que le problème qui se pose aujourd’hui, c’est que l’Onu ici, et l’armée française, ne sont pas prêtes à assumer cela. C’est cela, le déclic. Les preuves n’ont jamais existé, et personne n’est prêt à les apporter, si ce n’est qu’à enfoncer le clou quant à leur participation qui viole en fait les mandats pour lesquels selon eux, ils étaient en Côte d’Ivoire.

L’information même, selon laquelle les preuves auraient disparu, avez-vous vérifié la véracité ?

C’est une vérité qui est que dans la mise en état concernant le dossier Gbagbo, c’est un inventaire qu’on fait. Un inventaire des procédures, des preuves matérielles, des outils qu’on utilise pour construire une décision juridique. C’est dans cet inventaire qu’on s’est aperçu que ça, vous aviez dit que ça existait, vous nous avez promis ces preuves-là, mais elles ne sont pas dans le dossier. Voilà ! C’est donc un dossier qu’on a ouvert et pendant la mise en l’état, qui est un inventaire, il s’est trouvé que ces preuves qui sont fondamentales, ne sont pas dedans. Parce qu’il fallait que sur le plan technique, il y ait des preuves scientifiques qui prouvent qu’effectivement, les obus ont été tirés et ces obus existent bel et bien dans l’armement ivoirien, etc. Voilà ! Donc ce sont des preuves que des gens ont promises et c’est sur ces promesses qu’on a arrêté Laurent Gbagbo pour le conduire à la Cpi. Maintenant qu’on doit le juger, il faut apporter ces preuves matérielles, factuelles. Elles n’existent pas. Et personne n’est prêt à dire « Oui, nous l’avons dit, voilà, voilà… », parce qu’en réalité, pour que vous puissiez dire que j’ai vu M. Séhoué voler, il faut bien que vous ayez été sur les lieux. Donc, c’est à partir de la mise en état qui est importante pour la suite du procès, qu’on s’est aperçu que les éléments fondamentaux dont il fallait disposer pour pouvoir aller au procès, n’existent pas.

Maintenant qu’on a du mal à trouver les preuves, alors que le Président Gbagbo doit aller au procès, quelles sont les éventualités qu’on peut imaginer ?

Bon ! Ecoutez, je ne suis pas juge de la Cpi, mais en matière pénale, les preuves sont d’une extrême importance. Pour que l’infraction, le crime soit constitué, il faut des preuves matériels, il faut l’intention, c’est-à-dire l’élément moral et le lien entre ces éléments là et la personne qu’on met en accusation. C’est ça qui peut déterminer qu’untel a fait cela. Or, si les preuves n’existent pas, il est difficile de dire que la personne en question a commis tel ou tel élément. Et surtout qu’on était dans un théâtre d’opérations, où il y avait beaucoup de personnes ou d’organismes qui intervenaient, parce que sur un terrain de guerre, on ne peut pas attribuer la flèche donnée à Séhoué, si Séhoué n’a jamais eu entre les mains un carquois où il y avait des flèches.

Est-ce à dire que la mise en place même du procès est compromise ?

Ecoutez, la seule chose que pour l’instant, cela nous évoque, c’est que la défense est dans une très bonne position. Parce que nous avons toujours soutenu, la défense et nous qui connaissons le Président Laurent, que non seulement il n’a jamais donné d’instruction, parce que c’est ce qui est en cause dans sa responsabilité. Mais si même les éléments matériels n’ont jamais existé, alors, il est difficile de penser que l’homme qui est aujourd’hui à La Haye, est bien responsable des faits qu’on lui reproche.

Parlons maintenant des Assises en Côte d’Ivoire où se trouvent beaucoup de vos camarades. Que pensez-vous de ce procès ?

Je voudrais qu’on dise d’abord ce que c’est qu’une Cour d’Assises. La Cour d’Assises, c’est une formation de justice spéciale où, contrairement à ce qui est habituel, les juges rendent le pouvoir de rendre justice au peuple. Parce qu’il s’agit de juger des crimes les plus graves et les plus simples en même temps, en termes d’appréciation et ceux qui causent le plus grand trouble dans la société. Si bien qu’on donne à la société elle-même son pouvoir qu’elle avait concédé à la justice, c’est-à-dire aux techniciens du droit, pour dire, écoutez, comme c’est à vous qu’est causé le plus grand trouble, c’est à vous-même de rendre justice. Et pour ce faire, la formation de justice, il y a certes des juges professionnels, mais la majorité des gens qui jugent en Assises, ce sont des citoyens ordinaires qu’on choisit dans la population et qui se prononcent sur ce cas-là. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que, naturellement, il y a des précautions qui sont prises. Pour renvoyer quelqu’un devant la Cour d’Assises, il y a un examen qui est fait des faits incriminés et on prend déjà un arrêt. On est sûr qu’on est là, dans un cas d’un trouble grave et on renvoie ces gens-là par une décision de justice qu’on appelle un arrêt de renvoi, on les renvoie en Assises. Et les Assises comme je l’ai dit, il y a une partie de juges professionnels et une autre de citoyens ordinaires. Donc, ce n’est pas le lieu où on peut spéculer sur ce qui a été fait. On est sûr de ce qui a été fait. Et en général, sur l’année judiciaire, les cas qui sont renvoyés en Assises sont vraiment minimes. Et ce ne sont pas des cas où on a une flopée de personnes qui se retrouvent devant des juges.

Pourtant 83 personnes se retrouvent devant les Assises à Abidjan…

Oui, dans le cas des Assises qui sont ouvertes en Côte d’Ivoire, nous sommes surpris d’abord du nombre de personnes qui sont renvoyées devant la Cour d’Assises et surtout des mobiles pour lesquels elles sont devant la Cour d’Assises. Les raisons d’Etat ou bien les raisons d’atteinte à la sûreté de l’Etat, qui sont un fourre-tout du politico-juridique, logiquement, ne devraient pas se retrouver devant la Cour d’Assises. Nous avons effectivement aujourd’hui 83 de nos camarades, parmi lesquels, il y a eu des dirigeants de premier plan de ce pays, qu’on renvoie en Cour d’Assises pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Et ces mêmes personnes devront à nouveau se retrouver une deuxième fois en Cour d’Assises pour crimes économiques. Or, le crime économique, il faut qu’on t’ait confié quelque chose à gérer pour que ton comportement permette que tu sois passible de crime économique. Or, parmi toutes les 83 personnes, il y a des gens qui n’ont jamais eu une aiguille à gérer. Il y a ce problème. Et troisièmement, ces personnes vont à nouveau passer devant la même Cour d’Assises, pour des crimes de sang, extermination de populations, c’est-à-dire pour la première fois en Côte d’Ivoire, on verra une Cour d’Assises répétitive pendant la même année judiciaire, concernant les mêmes personnes pour des chefs d’accusations différents. Or, en réalité, après avoir élagué les différents chefs d’accusations, c’est les plus importants qu’on envoie en Cour d’Assises. Apparemment, on a l’impression, dans le cas qui nous concerne, que ce sont des procédures perlées pour maintenir ces gens-là en laisse devant la justice pendant le temps qu’il faudra pour que ceux qui gouvernent soient à leur aise.

Une manœuvre politique ?

Je ne voudrais pas dire cela, je veux simplement dire qu’on les maintient en laisse pour que ceux qui gouvernent soient à même de gouverner. Surtout que le chef de l’Etat, lors des vœux de nouvel an, a déjà déclaré que ces gens qui ne sont même pas encore jugés, qui ne sont donc pas reconnus coupables, il va les gracier. Donc, on est dans un feuilleton juridique où déjà la décision est connue. Elle est déjà certainement rédigée dans les officines du pouvoir et qu’on va la dicter aux juges pour qu’ensuite, le chef de l’Etat les gracie et blanchisse sa propre image vis-à-vis des gens. Mais en fait, la grâce est effectivement du ressort du Président la République, mais on ne gracie pas quelqu’un qui ne l’a pas demandé.

Il faut donc qu’il y ait absolument une demande de grâce d’abord ?

Oui, il faut demander la grâce pour que tu sois gracié. Ce n’est pas automatique. Il faudrait que les gens comprennent que la grâce n’est pas automatique. Parce que celui qui est gracié, c’est celui est reconnu coupable. Et celui qui est reconnu coupable, c’est lui qui doit demander pardon : « Oui, je reconnais, mais pardonnez-moi ». Mais si dans l’état actuel des choses, vous ne savez même pas pourquoi vous êtes devant les tribunaux, comment est-ce que le Président peut la donner ? Et puis la grâce, c’est de la volonté du Président, qui peut se donner le temps et choisir son moment pour gracier. Mais d’ors et déjà, il nous dit que ces gens-là seront graciés. Ça veut dire quoi pour lui ? Que ces gens sont automatiquement coupables. Voilà ! C’est vraiment un scénario surréaliste.

Est-ce la seule bizarrerie de cette Cour d’Assises ?

Je dirais que non, malheureusement. Parce que l’autre situation, c’est qu’en même temps les autres sont déjà en Assises, il y a certains qui n’ont même pas été entendus par les juges d’instruction. Les dossiers de certains ne sont même pas en état pour être jugés. Ils vont le matin à la Cour d’Assises et l’après-midi, ils sont devant le juge d’instruction pour les mêmes chefs d’accusation. C’est quelle justice, cela ! Voilà la réalité !

On n’a pas fini d’instruire votre dossier et vous faites partie de ceux qu’on juge ?

Tout à fait ! Le dossier n’est pas clos et les gens sont déjà en Assises. Et pendant ce temps, pour sa mise en forme, quand ils quittent les Assises, ils sont devant les juges d’instruction. Alors que pour être en Assises, il faut que l’instruction soit achevée, que le dossier soit clôturé et qu’il y ait un arrêt de renvoi. Et on a même assisté tous à l’ouverture du procès. Mais face aux nombreuses irrégularités, les exceptions que les avocats ont évoquées n’ont pas été considérées. Les gens ont marché sur tout cela pour atteindre leurs objectifs que leur a fixés leur mandant. Dommage !

La composition du jury, par exemple ?

Oui, la Côte d’Ivoire, voilà un pays qui a la chance d’avoir une multitude d’ethnies et d’approches culturelles. Mais malheureusement, tous les jurés sont tous de la même origine et on a même la preuve que dans leur immense majorité, ils sont du Rdr.

Parlons maintenant d’une autre actualité. On vient d’assister à la démission du Président du Conseil constitutionnel, Pr Francis Wodié. Comment analysez-vous cet acte ?

Bon ! Le Président Wodié est un juriste émérite. De tous ceux qui se réclament aujourd’hui juristes sur au moins des générations de depuis 1970 jusqu’à ce jour, sont des disciples, des élèves du Président Wodié. Donc, du point de vue de la connaissance du Droit, personne ne peut contester son mérite et sa compétence. Et c’est pour cela d’ailleurs que le Président Wodié a été la cheville ouvrière de la rédaction, de la mise en place de la Constitution de 2000. Donc, nous avons été surpris lorsque le Président Wodié a accepté, en violation de la Constitution, d’être porté à la tête du Conseil constitutionnel. Et de ce fait, il a rompu en fait l’armure qu’il y avait autour du Conseil constitutionnel. En acceptant de prendre un mandat à la succession d’un Président du Conseil constitutionnel qui n’avait pas terminé son mandat, d’une part. D’autre part, il a accepté de banaliser en fait le pouvoir du Conseil constitutionnel, puisque cette Institution dans laquelle il a pris la succession, a rendu, contrairement à ce que prévoient les textes, deux décisions dans une seule élection. Alors que le Conseil constitutionnel qui est le juge des élections ne rend qu’une seule décision, et elle est exécutoire. C’est tout cela que le Président Wodié a voulu couvrir par sa prestance en acceptant d’être le Président du Conseil constitutionnel, illégalement nommé.

Le revirement…

Alors nous sommes surpris qu’aujourd’hui le Président Wodié se rebiffe, on ne sait pour prouver quoi ? Parce qu’en réalité, le fait d’avoir déjà accepté cela, ne lui permet plus d’avoir une autre position. Le fait de dire qu’il se réveille pour, enfin, faire respecter les pouvoirs du Conseil constitutionnel que lui-même a permis d’éventrer auparavant, c’est surprenant. Alors on est obligé de se poser la question de savoir si c’est vraiment de sa propre volonté qu’il refuse désormais de violer à nouveau la Constitution ou si cela lui a été dicté. Il y a cela qu’il faut méditer. Et alors si cela ne lui a pas été dicté, est-ce qu’en réalité, aujourd’hui, il est vraiment bien fondé d’avoir une autre position que celle qu’il a jusqu’à présent accepté d’avoir en violation de la Constitution ? Donc, je pense que d’abord, la position qu’il a prise, on est obligé de se demander pourquoi. Et enfin, naturellement ayant une telle position, par rapport à ceux avec qui il a mangé, c’est normal qu’ils disent que, n’étant plus dans le tempo de ce pourquoi il avait accepté d’être ce qu’il était en violation de la Constitution, qu’il dépose le tablier. Parce que quand tu as mangé une fois avec le diable, tu ne peux plus lui dire de changer de fourchette. Donc en réalité, on ne peut pas parler, en ce qui concerne le Président Wodié d’une démission. Parce que la démission, c’est un acte volontaire. Mais là, moi, je pense qu’il a été plutôt démissionné. Et cette fois-ci, les gens y ont mis un peu plus de forme. Si Yao N’Dré a été purement et simplement congédié, le Président Wodié a été congédié dans les formes. C’est ce qu’il faut retenir.

Mais si nous considérons la forme qui y a été mise, on se demande pourquoi après sa démission, le grand Professeur ne s’est pas encore adressé au peuple pour lui expliquer les raisons de son acte. Pourquoi ce silence, selon vous ?

Ecoutez, moi je pense que le Pr Vangah Wodié qui est notre maître à nous tous, sait qu’il est face à la Nation ivoirienne. S’il a vraiment démissionné, peut-être qu’il prend son temps pour certainement choisir le moment opportun pour s’adresser au peuple pour lequel certainement il prend une position pour défendre les Droits. Donc, je pense qu’il prend son temps. Parce que si réellement il a démissionné, ce qui est un acte volontaire, il le fera à temps voulu. Mais s’il a été démissionné aussi, certainement il a été démissionné à certaines conditions auxquelles il faudra qu’il obéisse.

Nous sommes en 2015, les élections générales approchent. Le chef de l’Etat Ouattara se dit déjà candidat et bat campagne. Serait-il encore éligible aujourd’hui ?

Je ne pense pas qu’il faille mettre les charrues avant les bœufs. Si le Président Wodié a démissionné, c’est nécessairement lié aux conditions d’éligibilité. Attendons, c’est une voix autorisée. Lorsqu’il aura dit au peuple ivoirien pourquoi il a démissionné, on sera situé. Parce que tout ce que vous nous demandez, c’est de spéculer. Vous-même avez dit que vous étiez surpris qu’après avoir démissionné, le Président Wodié n’ait pas encore parlé. Attendons-le. C’est lui qui est une voix autorisée, le gardien des textes. S’il a démissionné, il nous dira pourquoi et on verra ce qu’il en est. Il ne faut pas spéculer, parce qu’en politique, il y a ce que l’on dit et il y a le possible. Ce n’est pas parce que le chef de l’Etat Ouattara a dit qu’il est candidat que, nécessairement, il ne peut pas avoir une remise en cause. Quand le Président Wodié parlera, on avisera. Attendons.

Interview réalisée par
Germain Séhoué
gs05895444@yahoo.fr
NB: Le titre est de la rédaction.