Interview / Côte-d’Ivoire : "Il faut dissuader ceux qui voudraient commettre un massacre" - Choi Young-jin, représentant de l’ONU à Abidjan, tente d’éviter la partition du pays

Le 07 mars 2011 par Libération - Depuis la mi-février, la violence est quotidienne en Côte-d’Ivoire, où Laurent Gbagbo refuse toujours de céder le pouvoir à son rival, Alassane Ouattara, déclaré élu à la présidence par l’ONU et la quasi-

Young Jin Choi.

Le 07 mars 2011 par Libération - Depuis la mi-février, la violence est quotidienne en Côte-d’Ivoire, où Laurent Gbagbo refuse toujours de céder le pouvoir à son rival, Alassane Ouattara, déclaré élu à la présidence par l’ONU et la quasi-

totalité de la communauté internationale. Jeudi, sept femmes qui manifestaient contre Gbagbo ont été tuées par des tirs de mitrailleuse attribués aux forces de sécurité du président sortant. Vendredi, Paris a demandé l’ouverture d’une enquête internationale sur ces violences, sous l’égide des Nations unies. Alors que le camp Gbagbo demande son départ, le représentant de l’ONU à Abidjan, Choi Young-jin, répond à Libération.

Est-on entré dans une nouvelle phase du conflit ?
On assiste clairement à une escalade de la violence. Depuis le 19 février, les incidents deviennent de plus en plus sérieux. L’électricité a été coupée dans le Nord [par Laurent Gbagbo, ndlr], les journaux d’opposition ont dû suspendre leur parution à Abidjan… Nos Casques bleus font face à des tirs directs. Et dans l’ouest [sous contrôle de Gbagbo], à Daloa, les domiciles d’une vingtaine de nos employés ont été mis à sac. Pour la première fois en sept ans, des combats militaires ont même eu lieu dans l’ouest du pays.

La violence se concentre notamment dans le quartier d’Abobo, à Abidjan. Que pouvez-vous faire ?
Chaque nuit, nous effectuons des patrouilles dans le quartier d’Abobo, malgré le danger. Il faut tout faire pour dissuader ceux qui auraient l’idée de commettre un massacre de civils de passer à l’acte.

Mais êtes-vous réellement en mesure d’accomplir votre mandat ?
La semaine dernière, nous avons mené 865 patrouilles, essentiellement à Abidjan. Nous continuons de protéger l’hôtel du Golfe, où réside Alassane Ouattara. 800 de nos hommes y sont postés en permanence. Sans notre protection, ce dernier serait forcé de s’installer à Bouaké, cela consacrerait la division du pays et conduirait sans doute à la reprise de la guerre civile à grande échelle.

Après avoir accusé Gbagbo d’avoir acheminé des hélicoptères de combat de Biélorussie, l’ONU a fait machine arrière. Avez-vous constaté des violations de l’embargo ?
Oui, et des deux côtés. Mais il s’agit d’armes légères. Il nous est difficile de tout contrôler, les frontières étant très poreuses. Mais ces violations ne concernent pas du matériel susceptible de remettre en cause le rapport de forces, en la défaveur de l’ONU et de la force française Licorne.

Voulez-vous dire que vous gardez la maîtrise du ciel ?
Absolument, et c’est fondamental. C’est ainsi que nous pouvons savoir ce qui se passe dans des zones difficilement accessibles, comme dans le quartier d’Abobo.

Avez-vous déjà eu recours au soutien de la force française Licorne ?
Pas encore, car nous parvenons à accomplir notre mission avec nos propres ressources. Nous attendons le renfort de 2 000 Casques bleus, et deux des trois hélicoptères armés que nous avions demandés sont arrivés.

Y a-t-il encore de la place pour une solution politique en Côte-d’Ivoire?
Depuis le début, nous avons constaté de profondes divergences entre les deux parties. Il sera très difficile de trouver un terrain d’entente entre les protagonistes.

Certains, y compris au sein du panel de chefs d’Etat africains nommé pour trouver un compromis, prônent de nouvelles élections…
Mais le scrutin du 28 novembre a été exemplaire, avec 81% de participation et pas de fraude massive, sinon quelques irrégularités ! Les résultats sont irréfutables, et nous n’avons aucune garantie qu’un nouveau scrutin serait aussi exemplaire.

Dans ce cas, quelle est la solution ?
Il suffit que Laurent Gbagbo accepte sa défaite, et demain la crise est terminée. Quoi qu’il en soit, nous sommes prêts à faire face à une dégradation de la situation. Notre moral est bon, car nous sommes ici pour servir une cause juste, celle du peuple ivoirien.
Recueilli par THOMAS HOFNUNG