Discours sur l'état de l'Union : le tournant économique d'Obama

Le Monde.fr | 13 février 2013 - USA Discours sur l'état de l'Union.

Il a promis beaucoup. Dans son discours sur l'état de l'Union, prononcé mardi 12 février à Washington, Barack Obama a voulu séduire les classes moyennes, qu'il considère comme "le véritable moteur de la croissance économique américaine".
Dans la presse américaine, le constat est mitigé : pour le Washington Post, le problème est qu'il a trop promis, beaucoup trop, à la fois du "politiquement possible et du politiquement invraisemblable". Pour d'autres, au contraire, à l'instar de USA Today, le président a prouvé qu'il était "prêt à se battre".

• L'accord de libre-échange : l'annonce surprise
Berlin en rêvait, Washington l'a fait. C'est la surprise du discours : le coup d'envoi des discussions sur une zone de libre-échange entre l'Europe et les Etats-Unis, "parce qu'un commerce libre et équitable de part et d'autre de l'Atlantique soutiendra des millions d'emplois américains bien payés", a fait valoir Obama.
Berlin favorable à une zone de libre-échange avec les Etats-Unis
Pour le Financial Times, Obama "injecte de l'optimisme sur les négociations", alors que la partie est loin d'être gagnée. Le quotidien britannique rappelle que ce sujet est sensible aux Etats-Unis, bien qu'il y ait "beaucoup moins d'animosité au sein du Congrès envers l'Union européenne, comparé à la Chine ou aux économies émergentes". D'ailleurs, alors que la Chine cristallise le débat outre-Atlantique, le New York Times souligne que le flux commercial avec l'Europe est bien plus important qu'avec Pékin. Mieux encore, pour les entreprises américaines, l'Union européenne achète bien plus aux Etats-Unis que ne le fait la Chine.

• L'augmentation du salaire minimum : un défi politique
C'est la proposition retenue par le New York Times : l'augmentation de 25 % du salaire minimum, qui passerait de 7,25 dollars à 9 dollars d'ici à trois ans – projet auquel le quotidien oppose deux contre-arguments. Le premier est d'abord politique : cette mesure ferait face à "une forte opposition", que ce soit du côté des républicains, opposés en général aux dépenses sociales, ou du côté des chefs d'entreprise, qui constateraient une augmentation du coût du travail. Le second est économique : le journal affirme, études à l'appui, que l'augmentation du salaire minimum est contre-productive dans la lutte contre la pauvreté.
Salaire minimum : maximum de risques pour Obama
Pour le Wall Street Journal, ce n'est ni plus ni moins que de "l'activisme gouvernemental à l'époque des déficits béants". En effet, alors qu'Obama a "les mains liées" par un Congrès où il n'a pas la majorité, il ne peut se permettre de dépenser de l'argent qu'il n'a pas. D'où cette proposition, dont la facture "sera réglée, évidemment, pas par le gouvernement, mais par les entreprises", souligne ironiquement le journal.

• Croissance uu réduction du déficit ?
Le Washington Post relève qu'Obama s'est enhardi sur la question du budget. Selon le journal, le moment le plus fort du discours a été la remise en question du stéréotype selon lequel la réduction du déficit serait un bienfait pour l'économie. Au contraire, le président a plaidé pour des "investissements en faveur d'une croissance globale" – une idée forte pour le journal, et ce, même si elle a peu de chance de séduire le Congrès.
Les défis économiques du nouveau Congrès américain
USA Today se réjouit pour sa part de voir un président "plus combatif", qui "a adopté un 'agenda' plus marqué à gauche et un style plus agressif". Cette nouvelle stratégie à double-tranchant sera "testée presque immédiatement" avec l'arrivée imminente du "mur budgétaire", c'est-à-dire le déclenchement de coupes budgétaires automatiques dès le 1er mars, si un accord sur le budget n'était pas trouvé d'ici là.

• Minimiser le débat sur la dette
Pour Ezra Klein, chroniqueur au Washington Post, si Obama s'est montré si ambitieux, c'est qu'il "vient juste de gagner une élection et compte poser les conditions du débat". Pas question donc pour lui que le plafond de la dette monopolise les discussions, comme il l'a fait ces deux dernières années, élections de mi-mandat obligent, analyse le quotidien, pour qui il s'agit là d'une véritable "mise à distance des politiques d'austérité".
Mais s'il y a bien un point sur lequel les républicains, majoritaires à la Chambre des représentants, ne veulent pas céder, ce sont bien les coupes – et Obama le sait. C'est pourquoi, écrit le Los Angeles Times, le président a pris soin de confiner ses opposants dans le camp des personnes "déraisonnables", qui n'ont que pour seul "motto" la défense des exonérations d'impôt.

Anna Villechenon