Crise post-électorale de 2010-2011: Le président Gbagbo raconte son assassinat manqué
Par Opéra news - Crise post-électorale de 2010-2011. Le président Gbagbo raconte son assassinat manqué.
Le président Laurent Gbagbo est sans aucun doute un miraculé de la crise post-électorale de 2010-2011. La raison, toutes les conditions de son assassinat, étaient réunies. Dans son livre "Libre, pour la vérité et la justice" co-écrit François Mattei, le président Laurent Gbagbo y raconte aux t pages 220 et 223 comment les forces françaises ont manqué de l’assassiner.
Les lignes ci-dessous finiront de convaincre les plus sceptiques quant à la volonté de ses ennemis d’en finir avec lui en avril 2011.
« Le bombardement de la résidence que beaucoup confondent avec le palais présidentiel, a commencé le 31 mars. Je ne sortais plus, je vivais dans le tunnel blindé construit par Houphouët pour permettre au Président de gagner en vitesse la résidence de l’ambassadeur de France en cas de coup d’État. Tout un symbole...
Le tunnel avait été muré. Au moment de l’intervention des forces françaises, je l’ai fait vérifier. Je ne voulais pas risquer une attaque par-là, et elle n’a donc pas eu lieu, contrairement à ce qui a été écrit. Ce qui est vrai, c’est qu’il y avait des militaires français positionnés dans la résidence de l’ambassadeur de France, à quelques mètres de nous. Ils tiraient sur les occupants de la résidence présidentielle, quels qu’ils soient.
Des cibles faciles. Nombreux ont été les civils tués ou blessé par ces francs-tireurs. Et il y avait des tireurs embusqués sur le toit de la résidence du président de l’Assemblée nationale,
Mamadou Koulibaly, qui ne s’y trouvait heureusement plus. Nous avions des provisions, de quoi tenir longtemps.
Désiré Tagro, secrétaire général à la présidence, est venu me dire, au soir du samedi 9 avril, que Gérard Longuet, le ministre de la Défense de Sarkozy m’avait appelé. En fait, il s’agissait d’un coup de fil de Charles Millon, qui avait demandé mon contact pour le compte de Longuet. Je suis monté dans ma chambre, où j’ai pu prendre une douche, faire ma toilette, et changer de vêtements. J’ai dit à Tagro de rappeler Millon pendant ce temps.
Mon aide de camp m’a informé que mon Premier ministre et le patron de Petroci (la compagnie pétrolière nationale de Côte d’Ivoire) voulaient me parler. J’ai eu mon ministre en ligne, et ensuite, j’ai parlé au président du Ghana John Atta-Mills. C’était un bon copain et il m’a rasséréné. J’étais en train de parler au directeur de Petroci, quand une bombe est venue frapper le bâtiment et exploser très exactement au-dessus de ma tête. Sans doute un repérage grâce à ma communication téléphonique. En tout cas, je n’ai jamais eu Longuet. Les frappes étaient destinées à tuer. J’aurais été présenté comme un dommage collatéral, pas comme une cible directe, sans doute. Les forces gouvernementales se battaient. Elles reprenaient les positions rebelles.
Oui, l’armée ivoirienne avait le dessus, mais chaque fois qu’elle obtenait un résultat, une avancée, l’aviation française venait la bombarder. Mon ancien ministre des Affaires étrangères s’est réfugié à ce moment-là à l’ambassade de France : ils ont cru que je l’avais envoyé pour négocier… Il n’y avait aucune arme lourde à la résidence de Cocody.
C’est pourtant la raison qui a été invoquée pour bombarder la résidence, où s’étaient réfugiés une centaine de civils : tous ceux parmi mes ministres ou amis qui croyaient être plus en sécurité chez moi que chez eux, les pauvres ! En plus de ma famille, il y avait des gens âgés, des enfants, des bébés, des adolescents. Parmi eux, la sœur du footballeur Basile Boli, qui s’occupait d’une association caritative en faveur des enfants de policiers. Il y en avait aussi au dehors, autour de la résidence, et beaucoup ont été tués.
Des avions français gros porteurs sont arrivés à Abidjan avec des chars, dans la nuit du 2 au 3 avril 2011 et ont débarqué soldats de la Légion étrangère, et du matériel de combat, dont des blindés. Les soldats sont allés stationner dans le camp français proche de l’aéroport. Des gens nous téléphonaient de leur portable pour nous renseigner sur les mouvements des blindés. Le nombre des hélicoptères de combat français a lui aussi augmenté.
C’est en connaissance de toutes ces informations, et non pour politiser le débat, ou me faire plaindre, que j’ai pu affirmer dans ma dernière interview – je l’ai donnée par téléphone à la chaîne française LCI, le mardi 5 avril – que la France venait d’entrer en guerre ’’directement’’ contre nous à Abidjan. Avant, elle l’était déjà, mais de façon indirecte, en transportant les troupes rebelles d’un point à un autre de la ville, en les armant, en leur donnant des munitions. J’ai dit au journaliste Vincent Hervouët que mon objectif n’était pas de mourir, et que je ne voulais que la vérité des urnes. J’ai parlé de négocier, je n’ai pas appelé à la guerre.
« Vous allez vous battre dos au mur ? » m’a demandé le journaliste, toujours dans cette logique qui me présentait comme ’’celui qui s’accroche au pouvoir’’ : j’ai répondu que je ne me battais pas, que je me défendais, que je n’avais jamais été dans ma vie un fauteur de guerre, de guerre civile, ou de coup d’État. Pour ça, ai-je dit, il faut regarder de l’autre côté. Je lui ai fait part de l’incompréhension qu’était la mienne devant les agissements des Autorités françaises. Pourquoi faire intervenir de manière si violente l’armée française contre les forces gouvernementales alors qu’il s’agissait de régler un litige électoral, ce qui aurait pu être fait par un simple recomptage des votes. Pourquoi bombarder la résidence d’un chef d’État ?
Pourquoi détruire la radio-télévision nationale ? Ce que j’ai réclamé pour finir, c’était, une fois encore, la vérité des urnes. Parce que là est la question : qui a gagné ces élections ? Un cessez-le-feu militaire était encore possible, je voulais un dialogue politique. J’étais bien le seul. En face, ils voulaient la guerre. Moi, je n’ai jamais eu de fusil dans les mains – sauf pendant mon service militaire ! –, je n’ai jamais utilisé les armes. Depuis les premières attaques des rebelles en 2000 nous n’avons jamais été à l’origine des violences.
Entre-temps, j’ai reçu un message le 8 ou le 9 nous indiquant que des soldats français étaient montés à la tour de contrôle de l’aéroport. À une femme qui était là en service, ils ont demandé : « Vous êtes pro-Gbagbo ou pro-Ouattara ? » C’était une femme sensée, et bien informée, elle a répondu intelligemment.
Vers le dimanche 10 avril, les officiers m’ont dit : « Président, on ne peut plus tenir. Nos équipements sont détruits, nos hommes sont morts. » Je leur ai dit : « Mettez tous vos vies à l’abri. » Le patron militaire du Plateau, ainsi que celui qui commandait à la résidence sont allés voir l’ONUCI, pour leur remettre leur mission : la protection des civils et des bâtiments.
J’ai compris que c’était fini. Le 11 avril au matin, arrive un coup de fil de Port-Bouët, où se trouvent un aéroport et un camp militaire français, pour nous dire que cinquante blindés français sont sortis et font route dans notre direction. Ils sont arrivés peu après, ont pris position autour de la résidence.
Les hélicoptères français ont mis le feu à l’intérieur de la résidence en tirant des munitions incendiaires, des murs sont tombés, la bibliothèque a été entièrement détruite. Ma collection de livres classiques est partie en cendres. C’est devenu tout de suite intenable pour les familles et les civils qui étaient regroupés là. Il n’y avait plus aucun militaire. Nous sommes tous descendus en sous-sol dans des abris plus sûrs, même s’il y avait partout une fumée qui rendait l’air irrespirable.
Des militaires français sont venus devant le portail, un de leurs chars l’a défoncé à coups de canon. Il y a eu ensuite des coups de feu, des rafales, et dans la fumée, j’ai entendu : « On veut Gbagbo ! On veut Gbagbo ! »
Avec nous, dans une petite pièce plongée dans l’obscurité, il y avait la mère de mon ministre Sangaré, une femme de quatre-vingt-dix ans, des enfants de quatre ans, de sept ans, et un bébé. Les rebelles sont descendus en tirant. « On veut Gbagbo ! » Je me suis levé : « C’est moi Gbagbo. » Ils m’ont saisi. J’ai reconnu Wattao. Il a dit : « Il ne faut pas le toucher.»
Il y avait aussi Ouattara Morou, Cherif Ousmane, beaucoup de chefs rebelles. Ma chemise étant déchirée, j’ai demandé qu’on m’en donne une autre, c’est Wattao qui me l’a apportée. Pendant que je changeais de chemise, j’ai été filmé. Comme je l’ai dit, toujours par des caméras de l’armée française. Depuis le début, tout était filmé par les soldats français, tout jusqu’à la fin… »
Shonin
NB : Extrait du livre "Libre, pour la vérité et la justice" pages 220 á 223), co-écrit par le président Laurent Gbagbo et François Mattei
Le titre et le chapeau sont du rédacteur