Coup de tonnerre: Les avocats de Soro refusent de participer au procès qui s'ouvre aujourd'hui

Par Ivoirebusiness - Les avocats de Guillaume Soro refusent de participer au procès qui s'ouvre le mercredi 19 mai 2021 à Abidjan.

Me Affoussi Bamba, avocate de l'ex-président de l'Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro.

Le collectif des avocats de Guillaume Soro a refusé de participer au procès contre leur client qui s’ouvre ce mercredi 19 mai 2021 au palais de justice d’Abidjan, afin de dénoncer le simulacre de procès résultant de l’ordonnance de renvoi en cause, dans une déclaration publiée hier et dont Ivoirebusiness a eu copie.

Ci-dessous, le texte intégral de leur communiqué dans lequel ils annoncent avoir saisi les juridictions internationales afin de contester ces atteintes graves aux droits de leur client, victime selon eux d’un règlement de compte politique, visant à l’écarter des affaires publiques du Pays au prix de l’Etat de droit.

Serge Touré

COMMUNIQUE DU COLLECTIF DES AVOCATS DE MONSIEUR
GUILLAUME KIGBAFORI SORO, APRÈS L’ORDONNANCE HORS LA

LOI DU JUGE D’INSTRUCTION :

Suivant son ordonnance de renvoi rendu dans l’affaire concernant Monsieur Guillaume
Kigbafori SORO et ses proches, le doyen des juges d’instruction du Tribunal de Première
Instance d’Abidjan, M. Victor Ousmane COULIBALY a démontré son asservissement au
gouvernement, son mépris des règles élémentaires de la procédure pénale, et de manière générale,
pour les textes de loi.

En effet, chacune des quarante-neuf pages de cette ordonnance recèle d’incohérences,
d’inexactitude, d’approximation et de méconnaissance des textes de loi, ce qui est d’une
particulière gravité pour un magistrat, et démontre l’immixtion faite par le pouvoir exécutif dans
les affaires judiciaires en Côte d’Ivoire.

Ainsi, nous déplorons notamment, parmi les plus grossières violations du droit :

⁃ Le fait que cette ordonnance a méconnue les décisions de la Cour Africaine des Droits
de l’Homme : à deux reprises, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a
ordonné le gel des procédures contre M. Guillaume K. SORO et ses proches, faute
pour celles-ci d’avoir respecté les droits fondamentaux des intéressés.

⁃ Le renvoi de M. Guillaume K. SORO du chef de complot est une aberration juridique :
il s’agit d’une violation pure et simple de l’article 163 du Code pénal, qui exige la
démonstration d’un commencement d’exécution, ainsi que la réunion d’actes matériels
précis en vue d’un projet déterminé.

Or, le principe de légalité criminelle est un principe
général de droit à valeur constitutionnelle qui nécessite une concordance rigoureuse entre
le fait d’espèce légal et le comportement de l’agent. Le principe de la légalité criminelle est
aussi consacré par l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
liant l’État de Côte d’ivoire.

A la lecture de l’ordonnance de renvoi en cause, il n’apparaît
donc aucun élément probant permettant d’établir que M. Guillaume K. SORO aurait
commis ou tenté de commettre cette infraction.

⁃ Le renvoi de Maître Affoussy BAMBA, devant le Tribunal criminel manque de base
légale, d’autant qu’elle n’est ni visée par le réquisitoire introductif rendu public lors
de la conférence de presse du Procureur de la République ADOU Richard en décembre
2019, et elle n’a jamais été entendue ni inculpée pour les faits visés au réquisitoire ou pour
d’autres faits découverts en lien avec eux.

On ne sait donc pas par quelle magie judiciaire,
elle se retrouve renvoyée devant un tribunal criminel. Il résulte pourtant des articles 209
et suivants du code de procédure pénale que seule une personne inculpée d’une infraction
pour les faits visés au réquisitoire à fin d’informer du procureur peut être attrait devant
une juridiction de jugement et faire l’objet d’un renvoi en correctionnel ou devant un
tribunal criminel.

⁃ Le même raisonnement se tient en ce qui concerne MM. Issiaka FOFANA, SESS
SOUKOU Mohamed et Moussa TOURÉ, lesquels n’ont jamais été également
entendus, ni inculpés pour les faits visés au réquisitoire.

⁃ L’ordonnance de renvoi et de mise en accusation porte atteinte à la liberté de parole de
la défense : alors que la parole de l’avocat de la défense est libre, Maître Affoussy
BAMBA est accusée d’avoir relayé de fausses informations, ce qui est non seulement

2
inexact et intervient en violation des articles 18 et 19 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, de l’article 7 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme, du
Règlement N°05/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la
profession d’avocat dans l’espace UEMOA en son article 6, de l’article 67 de la
Constitution de Côte d’Ivoire, ainsi que des règles régissant la profession d’avocat au
Barreau de Paris, de l’article 41 de la loi française du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse, qui parle de « l’immunité de la robe », et enfin de la jurisprudence constante de la
Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg qui consacre la liberté
d’expression des avocats et l’immunité de la parole judiciaire.

⁃ Les charges retenues par le magistrat instructeur sont artificielles : l’accusation tente
vainement d’établir l’existence d’un complot par la superposition de l’enregistrement
sonore et de la prétendue détention d’armes par le GPS. Or, d’une part, l’enregistrement
en cause est tronqué, truqué et est issu d’une captation illicite réalisée par des mercenaires,
faisant l’objet d’une enquête en cours auprès du Procureur de la République de Paris.
D’autre part, les armes identifiées n’ont aucun lien avec GPS, elles ont été découvertes
dans l’eau, hors d’état de fonctionnement, et sont donc à la fois anciennes, inoffensives,
et surtout, sans lien avec un quelconque complot
.
⁃ Le seul objectif de cette procédure judiciaire qui sert de vernis juridique au pouvoir
politique est d’écarter le GPS, ses hauts cadres et ses membres de toute
responsabilité politique : l’ordonnance prend également soin de renvoyer les plus hauts
cadres de ce mouvement en tant que complices, sans jamais indiquer de quelle manière
ces derniers seraient impliqués dans quelque délit que ce soit. Il s’agit en réalité d’une
violation pure et simple du principe de responsabilité pénale du fait personnel, de la
présomption d’innocence et, surtout, d’une mascarade judiciaire à des fins politiques.

De l’ensemble de ces éléments, il résulte un constat : la justice ivoirienne s’est rendue complice
d’un règlement de compte politique, visant à écarter M. Guillaume K. SORO et les cadres de
son mouvement des affaires publiques du Pays.

Cette manœuvre d’éviction est faite au prix de l’Etat de droit, puisque le Doyen des juges
d’instruction n’a eu d’autres choix que de violer un à un l’ensemble des textes de loi régissant la
procédure pénale pour accomplir une telle forfaiture.

C’est pourquoi, le collectif des Avocats tient à dénoncer par le présent communiqué le
simulacre de procès résultant de l’ordonnance de renvoi en cause, et a d’ores et déjà saisi
les juridictions internationales afin de contester ces atteintes graves aux droits
fondamentaux de M. Guillaume SORO et de ses proches.

Il est désormais certain que seul les instances internationales sont les garantes du droit en Côte d’Ivoire, puisque les
juges nationaux ne sont plus que les plumes serviles du pouvoir exécutif.

Fait à Paris le 18 mai 2021

Pour le Collectif des Avocats

Maître Affoussy BAMBA Maître Robin BINSARD
Docteur en Droit
Avocat au Barreau de Paris Avocat au Barreau de Paris