Coup de tonnerre: Le Burkina Faso demande le départ de l’ambassadeur de France

Par Lecourrierinternational - Le Burkina Faso demande le départ de l’ambassadeur de France.

Après la diplomate onusienne Barbara Manzi, c’est l’ambassadeur Luc Hallade que les autorités burkinabè ont demandé à la France de rappeler. Le journal guinéen “Le Djely” prédit un divorce et alerte contre “ce nationalisme paradoxalement pro-Kremlin” qui semble animer les dirigeants burkinabè.

Pour la France, les choses ne s’arrangent guère sur le terrain africain. Jadis en terrain conquis, l’ancienne puissance coloniale perd de plus en plus pied sur le continent noir. D’abord la Centrafrique, puis le Mali et bientôt le Burkina Faso. Parce qu’il ne faut pas se leurrer, pour la France, l’horizon est sombre en ce qui concerne le Pays des hommes intègres.

Ayant surfé sur la vague antifrançaise qui s’exprimait dans les rues des villes africaines pour réussir son putsch le 30 octobre dernier, le capitaine Traoré est ouvertement plus porté sur Moscou que sur Paris. De ce point de vue, il se laisse inspirer davantage par Assimi Goïta [à la tête du Mali] que par Mamadi Doumbouya [président de la république de Guinée].

Le regard vers Moscou
À cet égard, la demande des autorités burkinabè adressée à la France, en vue du remplacement de son ambassadeur, est un message qui n’est pas anodin. Vu que cette exigence a été précédée par plusieurs autres incidents, ça sent la rupture.

Ce qui, en soi, n’est pas nécessairement une calamité. Mais c’est à se demander si tout cela ne procède pas surtout d’un populisme de circonstance et si, en conséquence, les nouveaux partenariats qui sont envisagés ou annoncés ne seront pas pires que ceux qui sont aujourd’hui dénoncés ?
Les sacrifices français n’ont pas suffi
Jamais deux sans trois, dit-on. Eh bien, après la RCA [République centrafricaine] et le Mali, la France se retrouve sous pression au Burkina Faso. Et au vu de la méfiance entre les deux parties, on parie que l’ancienne puissance coloniale sera poussée vers la sortie, comme ce fut le cas dans les deux précédents pays.

Pourtant, [la France] aura consenti quelques sacrifices pour qu’on n’en arrive pas à la rupture. Elle est ainsi restée plutôt discrète sur les attaques dont ses emprises diplomatiques ont fait l’objet dans le sillage du coup d’État qui, en début d’octobre dernier, avait porté le capitaine Traoré au pouvoir.
“On ne va pas (renoncer à tout notre engagement au Burkina Faso), parce qu’on a subi des attaques”, disait d’ailleurs à ce sujet, en novembre dernier, Luc Hallade, le diplomate dont le remplacement est aujourd’hui exigé par les autorités burkinabè.

Logique de dégradation
Mais, en réalité, le rejet de la politique africaine de la France est particulièrement prégnant dans les rues de Ouagadougou et des autres villes du Burkina Faso. Et, manifestement, le capitaine Traoré, à la différence de son prédécesseur, Damiba, préfère ne pas ramer à contresens de cette volonté populaire.
C’est ainsi qu’en recevant, le 29 novembre 2022, l’ambassadeur de France en poste à Ouaga, le Premier ministre, Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla, lui avait clairement fait part de ses “reproches et critiques”.

Le même chef de gouvernement avait, devant les membres de l’Assemblée nationale de la Transition, annoncé que le Burkina se passerait désormais de l’appui des troupes françaises dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Puis, sont arrivées la suspension de la diffusion des programmes de RFI et l’expulsion de deux citoyens français accusés d’espionnage.
Dans un tel contexte, la demande de remplacement du diplomate français n’est pas nécessairement une surprise. Elle s’inscrit dans le cadre d’une logique de dégradation que l’on observe depuis quelques semaines dans les relations entre Ouaga et Paris.

Bras de fer ostentatoires et stériles
Dans l’absolu, le discours qui voudrait que les pays soient libres de mettre fin à une relation diplomatique à tout moment ne souffre aucune contestation. De même qu’il est loisible à tous les États de nouer des partenariats à leur guise. Et, bien sûr, la France n’est pas exempte de reproches dans ses rapports avec le continent africain.

Pour autant, ces bras de fer ostentatoires sur fond de souverainisme douteux sont à interroger ; ce nationalisme paradoxalement pro-Kremlin est, quant à lui, suspect. Oui, l’Afrique a besoin d’indépendance et de liberté.

Oui, l’Afrique doit exiger qu’on la respecte. Mais cette exigence doit davantage s’incarner dans une prise de conscience authentique, une jeunesse africaine formée et en bonne santé, et une gestion rigoureusement responsable de nos ressources. C’est donc dire que le défi est aussi interne.
Par ailleurs, l’ami qui vous veut du bien n’est pas nécessairement celui qui vous encense et vous caresse dans le sens du poil. Aussi, ceux qui entendent renvoyer les mauvais pour faire entrer les bons devraient faire très attention.
Boubacar Sanso Barry