Côte d'Ivoire: Notre silence devant les premiers viols nous rattrape aujourd’hui, Par Jean Claude DJEREKE

Par Ivoirebusiness/Débats et Opinions - Côte d'Ivoire. Notre silence devant les premiers viols nous rattrape aujourd’hui, Par Jean Claude DJEREKE

Jean Claude DJEREKE.

Le tribunal de première instance d’Abidjan devait se prononcer sur l’affaire dite “apologie de viol et atteinte à la pudeur”. Mercredi 1er septembre 2021, il a condamné Yves de Mbella, l’animateur vedette de la Nouvelle chaîne de Côte d’Ivoire (NCI), à 12 mois de prison avec sursis.

Le présentateur devra verser aussi 2 millions de F. CFA. Quant au violeur “repenti”, qui se permit de mimer des scènes de viol, il écope de 24 mois d’emprisonnement ferme et devra s’acquitter d’une amende de 500000 F. CFA.

Le fait que la Justice n’ait sanctionné que ces deux personnes, alors que toute l’équipe (l’employeur qui est le fils de Dominique Ouattara ainsi que ses plus proches collaborateurs) mériterait blâme et punition, montre que nous sommes dans un pays qui continue de prendre les choses à la légère, qui n’a pas arrêté de banaliser le mal. Un tel pays, on devrait tout simplement l'appeler le pays du “si quelqu’un pose un acte grave, ça ne va pas quelque part”.

L’émission “Télé d’ici-les vacances” du 30 août 2021 sur la NCI a indigné la majorité des Ivoiriens et il faut s’en réjouir car cette indignation quasi-nationale signifie que nombreux sont ceux et celles qui, dans notre pays, placent les valeurs au-dessus du dieu argent mais l’abbé Pierre, qui s’indigna en voyant des Français dans la rue ou affamés, disait : “Quand on s’indigne, il convient de se demander si l’on est digne.”

Un peuple n’est pas digne quand il laisse les Microbes d’Hamed Bakayoko l’agresser impunément, se contentant de murmurer et de vivre dans la peur de les croiser, quand il laisse les puissants et riches du moment emprisonner, déposséder ou brutaliser facilement n’importe quel citoyen, quand il s’habitue à l’injustice et à l’arbitraire.

Les choses graves ont commencé dans notre pays en 2011 (nous les connaissons; inutile donc de les rappeler ici) mais, chacun voulant sauver sa tête ou sa poche, nous avons laissé faire. Ceux qui décapitèrent le jeune Toussaint Koffi N’Guessan à Daoukro et qui jouèrent au ballon avec sa tête, le 9 novembre 2020, que fit le régime Ouattara contre eux ? Ce crime nous empêcha-t-il de légitimer le 3e mandat de Ouattara qui est un viol de notre Constitution ? Non !

Pourquoi la bêtise et l'abjection n'ont-elles plus de limites en Côte d'Ivoire ? Pourquoi un violeur peut-il profiter d’un passage à la télé pour narguer tranquillement les femmes victimes de viol ? ”Toutes les dictatures, tous les terrorismes, tous les fascismes ont commencé parce que, devant les premiers viols du droit, on est resté muet”, explique l'abbé Pierre dans le livre que Bernard Violet lui consacra en 2007.

L'animateur et l’ancien violeur ne sont donc pas les seuls coupables. Nous sommes coupables, nous aussi, par notre silence devant les premiers viols de la Loi et des valeurs communes.

Jean-Claude DJEREKE