Côte d'Ivoire: Le Conseil national de transition (CNT) ne doit pas mourir, Par Jean Claude DJEREKE

Par Ivoirebusiness - Côte d'Ivoire. Le Conseil national de transition (CNT) ne doit pas mourir, Par Jean Claude DJEREKE.

Jean-Claude DJEREKE.

Apprendre que “le mot d’ordre de désobéissance civile lancé par Bédié est et demeure en vigueur” et que, pour le président du PDCI, “il n’est pas possible de continuer le dialogue politique sans la libération des militants incarcérés, la levée du blocus autour des résidences de certains et le retour sécurisé de ceux qui ont été forcés de fuir à l’étranger” a probablement mis du baume dans le cœur de ceux qui pensaient que le CNT était mort et que ses initiateurs étaient sur le point de reconnaître Ouattara comme vainqueur de la fausse élection du 31 octobre 2020.

Peut-on pour autant affirmer que la méfiance et la suspicion ont complètement disparu ? Rien n’est moins sûr au regard de certains propos du numéro 1 du PDCI.
Aux chefs traditionnels du Gôh et du Lôh-Djiboua, qu’il recevait le 26 novembre 2020, Konan Bédié déclarait qu’un adversaire ne doit pas être considéré comme un ennemi.

Normalement, c’est cette conception des choses qui devrait prévaloir chez tous ceux qui sont engagés en politique mais force est d’admettre que nous ne sommes plus dans un pays normal depuis avril 2011.

Pourquoi ? Parce que, de jour en jour, Ouattara non seulement traite les autres comme des ennemis mais donne l’impression d’être lui-même plus un ennemi qu’un adversaire : ennemi de la loi qu’il a pris l’habitude de fouler aux pieds, ennemi des libertés individuelles et collectives que son régime a confisquées, ennemi de la séparation des trois pouvoirs que sont le législatif, le judiciaire et l’exécutif,
ennemi de la cohésion sociale à cause du rattrapage ethnique qui ne valorise et ne promeut que les gens d’une région et d’une religion, ennemi de l’élégance en refusant un simple passeport à son prédécesseur qui lui permit pourtant de rentrer en Côte d’Ivoire et d’être candidat de façon exceptionnelle à l’élection présidentielle de 2010,
ennemi du dialogue auquel il a toujours préféré le mépris et la répression, ennemi de la paix en raison de sa candidature anticonstitutionnelle qui est à l’origine de la désobéissance civile avec son lot de troubles et de désagréments.

Si monsieur Ouattara avait compris que, en politique, l’autre est un adversaire dont la vie et les biens méritent d’être respectés et non un ennemi à abattre par tous les moyens, il se serait abstenu de cautionner un certain nombre de choses : l’agression à l’arme blanche des personnes qui manifestent pacifiquement, l’enlèvement, la séquestration, l’arrestation ou l’emprisonnement de ses opposants.

Pour moi, il faut être un voyou ou un malandrin pour se comporter de la sorte, tout comme il faut avoir signé un pacte avec les démons de la cruauté et de la barbarie pour décréter (comme en mars 2011) un embargo sur les médicaments et la fermeture des banques.

Le second propos de Konan Bédié qui pose problème est celui-ci : “ J’ai accepté la main tendue d’Alassane Ouattara dans le cadre du dialogue politique pour aider le chef de l’État qui fait face à beaucoup de pressions à s’en sortir.” Depuis quand fait-on la passe à l'adversaire ?

Est-il sensé d’aider quelqu’un qui lui-même a creusé sa tombe en briguant un 3è mandat interdit par la Constitution et dont l’entêtement a déjà provoqué une centaine de morts ? Le but du dialogue est-il la reprise du scrutin ou bien la légitimation du dictateur-menteur par le CNT ?

Le gouvernement français, qui encourage ce dialogue, avait-il négocié avec les terroristes ayant attaqué Charlie Hebdo et le Bataclan ? Je suis de ceux qui estiment que discuter avec Ouattara est sans intérêt si cela n’aboutit pas à l’organisation d’une nouvelle élection.

Troisièmement, je trouve gênant que le communiqué du PDCI publié par Niamkey Koffi le 25 novembre 2020 souhaite que la France et la communauté internationale se saisissent du dossier ivoirien. Avant l’élection, le président du PDCI avait invité le président français à se prononcer sur le viol de la Constitution par Ouattara.

Où sont la maturité et la fierté d’un pays qui commémora le 7 août dernier ses 60 ans d’indépendance ? Le Ghana, le Kenya, le Botswana appellent-ils la Grande-Bretagne au secours quand ils sont confrontés à des crises internes ?

La France a dit que son poulain s'est représenté par devoir. Elle l’a soutenu dans le non-respect de notre Constitution avant de le féliciter. Malgré cela, certains Ivoiriens lui demandent de régler notre palabre.

Sont-ils sérieux ? En sollicitant l’aide de la France, ne désirent-ils pas secrètement que Macron les mette à la place de Ouattara ? Si ce n’est pas le cas, pourquoi ne parlent-ils jamais du boycott des entreprises et produits français, ni de la criminelle Françafrique, ni de la fermeture du 43è BIMA, ni du franc CFA, cette monnaie nazie qui appauvrit les Africains mais enrichit la France et pourquoi le CNT est-il devenu un mot tabou ?

Enfin, étant donné que la France fait partie du problème, comment peut-elle être juge en même temps ?

L’extraordinaire engouement des Ivoiriens pour le CNT signifie que, pour eux, cet instrument devrait servir, non pas à remettre le PDCI ou le FPI au pouvoir, mais à libérer leur pays de la dictature de Ouattara et de l’occupation française.

Ils ne toléreraient donc pas que certaines personnes, parce qu’elles ont des choses à gagner avec la France, mettent cette dernière au centre du jeu. Ils n’accepteraient pas non plus que tel ou tel membre du CNT fasse son entrée dans un gouvernement d’union nationale qui est une fausse solution aux dires de Laurent Gbagbo qui en a fait l’expérience plus d’une fois.

Les dirigeants du CNT ne sont pas obligés de mourir pour le peuple ni de rompre avec la France. Ils ne sont même pas tenus de libérer le pays comme Oreste débarrassa jadis la ville d’Argos des mouches qui l’avaient envahie (cf. “Les Mouches” de Jean-Paul Sartre).

Si la liberté leur fait peur à ce point, s’ils préfèrent l’esclavage dans la “richesse” à la pauvreté dans la liberté, le peuple se contentera d’en prendre acte, conclura que les leaders du Mali et du Burkina furent plus courageux et moins égocentriques que les nôtres, puis essaiera de prendre ses responsabilités car, ailleurs, c’est toujours le peuple qui s’est mis debout pour résister et briser le joug qui pesait sur lui.

Mais ce peuple, notre peuple fatigué de compter ses morts, pardonnera-t-il facilement à ceux qui se seront servis de lui, de sa sueur et de son sang pour atteindre des objectifs particuliers ?

Par Jean-Claude DJEREKE