Côte d'Ivoire: La paix n’est pas simple absence de guerre, Par Jean Claude DJEREKE

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - Côte d'Ivoire. La paix n’est pas simple absence de guerre, Par Jean Claude DJEREKE.

Jean Claude DJEREKE.

Une fois de plus, on aura une pensée pour la paix, ce 15 novembre 2021. Certains prieront dans les mosquées, temples et églises du pays afin que cette paix descende et demeure durablement dans les esprits et dans les cœurs. D’autres participeront à des débats pour montrer qu’elle est précieuse et que, sans elle, aucun développement socio-économique n’est possible.

Pour importantes qu’elles soient, prières et réflexions ne peuvent toutes seules nous procurer cette paix à laquelle nous aspirons tous, si nous ne percevons pas en même temps que nous avons à la construire quotidiennement. Une construction qui commence par l’identification de tout ce qui ne favorise pas la paix.

Saint Jean affirme que les apôtres avaient verrouillé les portes de la maison où ils se trouvaient parce qu’ils avaient peur des autorités juives après la mort de Jésus mais qu’ils furent dans la joie quand Jésus ressuscité leur dit :

“La paix soit avec vous !” (Jn 20, 19-23). Les mots les plus importants ici sont “la peur, la paix et la joie”. Nombreux sont les Ivoiriens qui ont perdu la paix du cœur et de l’âme, qui vivent dans la peur. Une peur qui les rend tristes et angoissés. Ils ont peur des disparitions d’enfants et des empoisonnements, de l’élection présidentielle qui, tous les 5 ans, cause des morts et des blessés. Ils ont peur de sortir et de circuler dans certains quartiers à cause des microbes qui agressent et tuent impunément ;

ils ont peur de voyager d’une ville à une autre à une certaine heure à cause des coupeurs de routes. Pauvres et sans assurance maladie, ils ont peur d’aller à l’hôpital où le malade n’est pas soigné tant que sa famille ne dépose pas la somme nécessaire sur la table du médecin ou de l’infirmier. Ceux qui sont en exil ont peur de rentrer parce qu’ils se disent qu’ils pourraient être jetés en prison pour un “oui” ou un “non”.

N’est pas non plus en paix l’homme privé de pain, de toit ou de vêtement, l’homme qui ne peut pas penser et s’exprimer librement, l’homme qui manque de moyens pour scolariser sa progéniture, l’homme victime de mépris, d’injustice, d’exploitation, de discrimination ou d’oppression.

Autant dire que la paix n’est pas simple absence de guerre. Dieu merci, les armes ne crépitent plus dans notre pays comme en 2010-2011 mais cela ne signifie nullement que le pays et ses habitants jouisent de la paix.

Celle-ci doit être comprise aussi comme le fruit de la justice et de la sécurité car la paix ne peut exister là où les uns accumulent sans arrêt des biens et des richesses pendant que d’autres manquent du strict minimum, quand le cacao, l’hévéa et la noix de cajou du planteur sont achetés à un prix dérisoire, lorsque les médias d’État sont au service d’un seul parti politique, lorsque les marches de protestation sont autorisées à certains mais refusées à d’autres, quand certaines personnes s’enrichissent outrageusement sur le dos des pauvres,

là où on recourt à la violence alors que la démocratie offre aux citoyens de débattre et de confronter les idées, là où ceux qui détournent les deniers publics sont simplement mutés à d’autres postes alors qu’ils mériteraient d’être jugés, condamnés et incarcérés, là où le parti au pouvoir est hostile à toute discussion et à un consensus sur le découpage électoral, la commission électorale et les listes électorales, etc. C’est en refusant de pactiser avec ces anti-valeurs que nous participerons à l’avènement d’un monde de paix.

Vouloir la paix ou désirer vivre en paix, ce n’est pas uniquement prier pour elle, ni discourir sur ses bienfaits ou avantages mais agir d’une manière qui honore les valeurs de la République et respecte les autres. Si nous nous engageons dans cette voie, alors “le désert se changera en verger et la droiture habitera dans le désert. Et la justice aura sa demeure dans le verger [car] l'œuvre de la justice est la paix.

Et le fruit de la justice, le repos et la sécurité pour toujours. Et [notre] peuple demeurera dans le séjour de la paix, dans des habitations sûres, dans des asiles tranquilles” (Isaïe 32, 12-18).

Par Jean-Claude DJEREKE