Côte d'Ivoire: En attendant Gbagbo, Gbagbo est arrivé, Par Dr Claude Koudou

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - En attendant Gbagbo, Gbagbo est arrivé, Par Dr Claude Koudou.

Dr Claude Koudou. Image d'archives.

Il y a quelques années, j’avais écrit un article qui s’intitule « En attendant Gbagbo ». C’était un titre inspiré par la mélancolie, par des déceptions mais surtout qui invitait à l’exhortation et à l’espérance. Ce titre me paraissait encore être d’actualité au moment où j’écris aujourd’hui cet autre versant de l’article. Mais il m’est également venu de titrer « Gbagbo est arrivé » qui inspire de l’espoir et du soulagement. D’où ce couplage dans le titre.

Laurent Gbagbo a foulé le sol ivoirien, à la satisfaction du peuple, surtout du pays profond mais également de l’Afrique toute entière. Il s’agit d’un homme qui a battu l’impérialisme qui garde encore la peau dure dans nos pays.

Tous les pas que pose cet homme devenu une icône, sont très suivis. Cela invite chacun et chacune à intégrer que le monde entier regarde la Côte d’Ivoire ; ce monde nous regarde et il regarde le FPI. En effet, après des privations, après des sacrifices, après des humiliations et des frustrations mais surtout après des mobilisations sans relâche, l’attente est très forte.

Laurent Gbagbo et Simone Ehivet-Gbagbo sont deux « symboles » politiques qui plus est, sont des co-fondateurs du Front Populaire Ivoirien. Les partisans que nous sommes ne devront rien faire pour qu’il y ait une césure, pour qu’il y ait de nouveaux fronts ouverts contre l’indispensable recollage « des morceaux » du parti. Un parti ne gagne jamais contre ses militants et ses sympathisants. Car ce sont ces derniers qui vont à la recherche des électeurs.

La question du divorce qui est certes une affaire privée doit être contenue pour que des fixations ne sécrètent pas des passions qui peuvent à leur tour générer de la haine. Une haine dont les ressorts peuvent avoir un retentissement sur la vie du FPI. Ce dont le FPI n’a pas besoin aujourd’hui plus qu’hier.

Le sort a fait qu’Emile Boga Doudou et Aboudramane Sangaré ne sont plus. Eux deux pouvaient parler au président pour que les choses ne s’expriment pas comme aujourd’hui d’une façon qui a appelé beaucoup de commentaires.

Laurent Gbagbo est un homme qui a beaucoup écouté à La Haye et à Bruxelles. Ils sont nombreux qui attendent donc de le voir poser des actes forts pour le pays. En fait, le FPI est un parti qui porte l’espoir des Ivoiriens. Les intrigues qui ont contribué à la perte du pouvoir doivent être comprises dans les éléments d’observations qui amènent à un aggiornamento.

L’émotion légitime a fait droit à des commentaires jusqu’aux plus osés. Il nous semble qu’il faut accorder quelques semaines encore à Laurent Gbagbo qui vient de La Haye. Simone Ehivet-Gbagbo, elle avait déjà posé des marques au service du parti depuis sa libération. Sur le plan sentimental, nous n’avons aucun pouvoir quand bien même on peut être étreint par la peine que certains actes ont transpirée. Mais sur le plan politique, nous devons tout faire pour avoir les deux en même temps. On a besoin de leurs richesses jumelées.

Deux anecdotes sont marquantes et caractéristiques pour qu’on les cite. La première est le commentaire d’un militant bien connu, qui dit à propos d’une grande dame de surcroît de 72 ans : « Est-ce que l’amour-là même, c’est forcé ? » On a là le raisonnement d’une personne qui se croit dans l’absolu et c’est dommage. « Who knows tomorrow ? »
La deuxième anecdote concerne une dame qui m’a interpellé dès que je suis arrivé le samedi 19 juin 2021 dernier à la veillée des obsèques de Mahély Ba.

La dame me dit : « je vais te parler ». Je lui promets de revenir. Je pars dans la salle de la cérémonie avec des amis. Et après notre installation, je quitte la salle pour aller voir la dame. Elle me raconte : « Mon mari a déposé une plainte contre moi à la police, soutenant que j’étais tout le temps dans les manifestations et j’abandonnais les enfants. Il voulait donc avoir la garde des enfants en me quittant. Aujourd’hui, mon mari est parti et je suis seule avec mes quatre enfants…

J’ai été arrêté plusieurs fois pendant les manifestations pour Gbagbo […] On nous a humiliées ». Cette dame a fondu en larmes. Et je l’ai consolée, lui promettant qu’on allait se retrouver pour parler.
Sur le court terme, du zèle et l’excitation sont inutilement ostentatoires. Mais pour le moyen et le long termes, aucun de nous (démocrates) n'a intérêt à ce que des blessures s'approfondissent au point de créer des camps et des clans.

Ni le FPI, ni le pays n'en ont besoin. Quelles que soient les douleurs entendables dans leur nature, Il faut que la subtilité nous habite et donc faire plutôt en sorte que politiquement, les grands maillons (Laurent Gbagbo et Simone Ehivet Gbagbo) de la chaîne FPI soient ensemble au bénéfice espéré de toutes et de tous.  Il importe de noter que chez les Gbagbo, Laurent a beaucoup d’atouts ;

Simone également en a. Il doit alors nous plaire que nous soyons arrosés par leurs expériences et leurs richesses respectives. N’oublions jamais que ce qui a motivé dès le 11 avril 2011 notre mobilisation, ce n’est pas seulement des violences contre des personnalités du pouvoir, c’est aussi et surtout le braquage contre des valeurs. A gauche, les valeurs principales sont la solidarité, la tolérance et le partage.

Vouloir ruser avec ces valeurs qui fondent nos convictions ne sera pas acceptable.
En fait, quelle que soit l'origine de l'incendie, le FPI doit trouver les ressources nécessaires pour éteindre tout feu qui point et poursuivre son processus de reconstruction. Laurent et Simone Gbagbo étant des personnalités publiques, et deux personnages forts du FPI mais également du pays, il serait indécent de regarder avec indifférence tout ce qui pourrait les fragiliser. Cet homme et cette femme sont nos ciments.

Nous devons entourer les deux. Rappelons-nous toujours que même si nous nous sommes levés pour nous battre contre l’injustice du coup d’état, c’est aussi l’humiliation, leur humiliation qui a amplifié la révolte. Autrement dit, les deux personnages ont été arrêtés ensemble.

Et en plus de la nature même de la violence du coup d'état du 11 avril 2011, c'est la laideur des images d'une humiliation préméditée que les patriotes et leurs alliés n'ont pas 
voulu accepter. Il y a donc un symbole à préserver vis à vis de la Côte d’Ivoire et  de l’Afrique.

C’est le lieu de dire qu’il est un peu trop rapide d’affirmer qu'il s'agit d'une affaire de couple qui ne regarde qu'eux deux. Ce qui se passe là sous nos yeux, peut poser problème au FPI et au pays tout entier si l’on ne se ressaisit pas dans sa gestion. Là, nous sommes en Afrique ; mais pas en Afrique du Sud. Nous sommes en Côte d'Ivoire, avec ses caractéristiques, toutes ses caractéristiques.

Don Mello dit : "… Nous ne voulons plus diviser mais rassembler c’est pour ça que le FPI a autant besoin de toi que de Laurent. […] Je terminerai en contextualisant l’hymne de l’empire du Wassoulou : Laurent, le peuple te fait confiance parce que tu incarnes ses vertus démocratiques ; Simone pour vaincre l’ennemi lève-toi et prends ton sabre de guerre qu’est ta parole d’honneur pour nous indiquer le chemin de l’honneur".

Il faut soutenir et appuyer ces propos. Parce que la furie de la violence politique et le déferlement de haine que notre pays a connus, n'ont pas pu "vider le FPI de sa substance". Ainsi, quelle que soit la nature du foyer qui voudrait brûler le FPI, il faudra tout faire pour renaître des cendres. 

A la croisée des chemins, le FPI doit absolument trouver des ressorts nécessaires pour rebondir et se projeter là où ses partisans et le peuple endurcis l’attendent. Aussi, devons-nous retenir qu'après dix années, dix longues années éprouvantes dans des laideurs, rien ne pourra plus être comme avant. L’émotion est juste et légitime. Mais au vu des sacrifices qui ont été énormes, trop lourds à divers égards, les partisans du FPI ne doivent pas se perdre dans des intrigues. 

Parce que nous sommes tous et toutes conscients que la perfection n’est pas de ce monde, nous devons observer l’humilité pour faire l’autocritique nécessaire. Car reconnaissons-le, il n’y a pas eu que la voracité et la gourmandise de l’impérialisme pour vouloir nous dévorer. Nous devrons reconnaître notre part de responsabilité, avec nos certitudes, des assurances infondées teintées souvent d’angélisme et d’une naïveté méthodique, pour s’ouvrir et évoluer collectivement en toute objectivité.

Au total, nous retiendrons que c’est derrière Laurent et Simone Gbagbo et/ou à leurs côtés que nous poursuivrons la lutte pour une Côte d’Ivoire souveraine qui comprend nécessairement un changement de paradigme. On ne gagnera pas si on laisse des gens activer la création de camps retranchés qui, selon leurs souhaits, joueront les uns contre les autres, on ne sait pour quelle satisfaction.

Ceux-là veulent indéfiniment restés dans le passé. En revanche, on gagnera dans un espace démocratique, ouvert et tolérant et tous ensemble. Par conséquent, il faudra identifier les bonnes urgences qui vont dans le sens de l’union et de l’intérêt du pays.

En tout cas, il est attendu que Laurent Gbagbo qui a beaucoup écouté à La Haye, qui est resté stoïque « Pour la Vérité et la Justice... », qui a eu le cœur gros, trop gros parfois parce qu'il ne pouvait pas agir à distance, s'imprègne des réalités, de toutes les réalités pour sonner la fin de la récréation dans l'intérêt du FPI mais surtout dans celui de la Côte d'Ivoire toute entière avec tous ceux qui attendaient Gbagbo. Car Gbagbo est arrivé. Il se trouve avec nous devant des enjeux colossaux et la contradiction principale de notre pays.

Par Dr Claude Koudou