Côte d'Ivoire: Contre le troisième mandat nous gagnerons et la fois d'après ? Par Dr Claude Koudou

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - Contre le troisième mandat nous gagnerons et la fois d'après ? Par Dr Claude Koudou.

Dr Claude Koudou.

Côte d’Ivoire: La diaspora ivoirienne et l’incontournable questionnement du changement de paradigme.

Une réflexion de Claude Koudou

Position du problème

Nous disons d’abord que la diaspora est fondamentalement inscrite dans le combat de la justice, de la liberté et de la démocratie. Des actes forts abondent le paysage public pour porter une telle affirmation. La bataille contre le troisième mandat anticonstitutionnel sera donc menée jusqu’au bout et sera gagnée par les démocrates. Ensuite, si nous définissons une diaspora comme des nationaux souvent établis durablement hors de leur pays d’origine pour des raisons diverses, nous pouvons également convenir que ce statut, par la force des choses, forge le caractère social, intellectuel et psychologique des impétrants.

Ainsi, sur la base de ce qu’ils voient et vivent comme valeurs, ils s’impliquent dans des actions et entreprises qui peuvent apporter de la valeur ajoutée à leur pays d’origine, qui à un moment ou à un autre, peut devenir légitimement un point de retour au plus tard pour « des vieux jours ». Ainsi, une diaspora comme des exemples des pays émergents le montrent, est un vivier qui doit être méthodique.

En effet, elle doit produire du travail sur la durée pour obtenir pour son pays des résultats à court, moyen ou long termes. Il faut dire que la diaspora ivoirienne en particulier (ce fut et c’est encore le cas d’autres) est manifestement un recours – qu’elle assume – dès lors que l’expression de manifestations de contestations est entravée au pays. Il est alors dans l’intérêt du pays que la diaspora et les acteurs civils et politiques locaux travaillent en complémentarité et non en concurrence.

De la nécessité d’un nouveau regard sur la diaspora

Il faut commencer par dire que des années durant, la population ivoirienne – pas seulement mais – a supporté qu’une certaine classe de politiques accaparent l’espace public. Cette classe politique qui a installé un droit de préemption dans le mental des citoyens, se reproduit sans se remettre en question, estimant par-là que le peuple lui doit tout sans que celui-ci ait comme retour une juste répartition des ressources du pays.

En fait, le mythe installé autour de ces personnages qui secrètent incidemment une oligarchie, amène les citoyens à se comporter bien souvent comme des supporters au point où, des responsables politiques peuvent fouler au pied les textes de leurs propres partis sans rendre des comptes.

Par ailleurs, la « politique alimentaire », le clientélisme, la coterie voire la corruption de l’esprit sont autant de tares qui ont « allègrement » jalonné des décennies. Quand la diaspora entreprend de participer au débat politique et sociétal, elle est prise à revers parce que dans le mental des élites locales, la diaspora n’a pas droit au chapitre des débats politiques ni même faire des propositions qui, quand elles sont présentées, ne connaissent pas une once d’attention et d’examen.

En fait, la diaspora doit, pour eux, être un apporteur de fonds et c’est tout. Cette idée qui est bien ancrée et malheureusement souvent répandue – « nous, on est sur le terrain ici, vous n’avez rien à nous apprendre » –, s’avère en bout de course inutilement arrogante, suffisante et politiquement désastreuse puisque les mêmes réflexes sont reproduits qui ne laissent aucune place à des réflexions sur la prévention et des démarches prospectives.

Mais les rapports entre diaspora et élite locale sont aussi alimentés par des aventures personnelles et individuelles d’acteurs de cette même diaspora qui cultivent l’opportunisme comme une démarche politique au lieu de contribuer à construire un ensemble visible et respectable qui se place à la hauteur des enjeux. Quand le président Laurent Gbagbo affirme au travers de son dernier communiqué que :

« … le Président Laurent Gbagbo remercie toutes les personnes à travers le monde, en particulier les africains, qui se sont mobilisés pour sa cause aux côtés des ivoiriens. Il adresse son infinie reconnaissance à la diaspora qui lui a tenu compagnie pendant toutes ces années de détention. ». C’est un message réaliste qui s’appuie sur du vécu et sur une saine appréciation des choses.

Une opposition politique constamment sur la défensive

Si nous voulons un réel changement dans notre pays, l’approche appropriée est de mettre les choses sur la table. Les non-dits et des questions des agendas personnels montrent chaque jour que la méthodologie utilisée des années durant n’est pas la bonne. Quand des responsables politiques qui ont eu l’expérience du pouvoir, ont subi les affres consécutives à une déchéance et qui vivent encore des souffrances infligées par une dictature, continuent d’avoir certaines attitudes et habitudes, on est légitimement en droit de s’interroger sans que cela soit pris comme un affront.

A la lumière de ce qui se passe dans les pays émergents, la vie politique et civile est un espace qui a besoin de respiration. Mais cette question ne doit pas se poser en termes de renouvellement de la classe politique. Le problème qui est réel est « comment arriver à changer les mentalités pour que des stéréotypes ne se reproduisent pas ? »

Car si l’on choisit des dauphins qui sont moins regardants sur la pratique démocratique ou qui reproduisent des anciens réflexes, le problème de l’épanouissement du peuple et tous ses démembrements s’en trouveront encore affectés.

La classe politique ivoirienne doit s’ouvrir en ne prenant pas des critiques et des observations comme des affronts. En démocratie, personne n’a raison de fait. L’éducation des consciences qui doit donc s’opérer est de poser comme base que « nulle n’a la science infuse ». Dès lors que des idées contradictoires sont acceptées pour en extraire une synthèse, le pays s’en trouvera grandi parce que tout le monde aura participé.

C’est ce qui se passe dans les pays qui se développent. Comment voulons-nous avancer si nous sommes rétifs aux critiques, aux idées contraires ou contradictoires ou favorisons la coterie en promouvant des personnes intellectuellement peu recommandables ? Là est la question sur le changement de paradigme.

La diaspora et les élites locales, la main dans la main pour un pays digne

Par ce qu’elle voit, par ce qu’elle vit dans sa situation géographique et par ce qu’elle apporte au pays, la diaspora est une ressource humaine qui doit être vue différemment de l’appréciation que l’on en a aujourd’hui. L’expérience montre que la diaspora regorge d’expertises qui peuvent être utiles voire salutaires au pays sans prétention aucune. Il y a la nécessité d’établir une passerelle saine entre les fils et filles du pays qui sont hors des frontières avec ceux qui vivent sur place.

Le fait de vivre hors de son pays n’enlève aucun droit et ne doit pas être un facteur ou un critère de mise à l’écart. Lorsque pour des questions de pouvoir ou de positionnement, on peut voir des fils et filles prendre des armes pour s’imposer, il faut dire qu’il y a aujourd’hui matière à tout mettre sur la table pour purger la source des diverses frustrations. Le combat contre le troisième mandat se poursuit et la victoire sera inéluctablement du côté du peuple parce qu’il aspire à la démocratie. Mais quels que soient la nature des intérêts individuels, le nombrilisme, l’égoïsme et des réflexes dépassés ne doivent plus avoir droit de cité.

Enfin, nous constatons que la politique alimentaire a bon dos au pays. Ce qu’on appelle « nouvelle génération » brille par sa duplicité et contribue à décevoir des espoirs. En fait, à la lumière de nos expériences respectives, nous devons bâtir une démarche qui élève le niveau du débat en terme économique, sécuritaire, environnemental, communicationnel et technologique.

La Diaspora doit constituer un capital humain qui peut rassurer nos populations et appuyer nos leaders politiques qui ont nécessairement besoin d’être « coachés » mais qui, par amour-propre et/ou par frilosité, sont toujours enclins à être portés sur l’entre-soi.

C’est à nous de faire bouger les choses en pensant les modalités d’une passerelle qui doit rassurer et entraîner une collaboration dans la complémentarité dont nous devons être partie prenante. Nous devons donc tous nous donner la main dans cette nouvelle ère qui va s’ouvrir.

Une contribution de Dr Claude Koudou