Côte d'Ivoire: Condition d'une suppression reussie de la cour suprême, Par Dapa Donacien

Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions -Comment évacuer, par anticipation, les germes d’une instabilité juridique imminente en Côte d’Ivoire ?

Le Président de la République a décidé de la suppression de la Cour Suprême.

Le Sénat et l’Assemblée Nationale réunies en Congrès extraordinaire ont voté, à la va vite et au pas de course, la loi sous la pression d’un agenda d’avantage corsé par l’avancée du terrorisme viral et mortel, nommé Coronavirus. Allant même s’auto-interdire tout droit d’amendement du draft présenté par l’Exécutif !

Oui, vous avez entendu. Les représentants du peuple se sont auto bâillonnés la langue (sans pour autant cracher sur leurs primes de motivation, dans le secret espoir certainement de se dédouaner, de toute responsabilité, dans les pas de Paul Yao N’dré : « nous étions tous envoutés par le diable».

Précisons qu’en l’absence de la Haute Cour de Justice, prévue par les constitutions successives depuis 1960, et qui n’a jamais vu le jour, par manque de volonté politique, la Cour Suprême est,de fait et de droit, le dernier rempart dans l’ordonnancement judiciaire ivoirien. En langage footballistique, la Cour Suprême (équivalant de la Supreme Court aux USA), est le gardien de but pour l’édifice juridique en Côte d’Ivoire.

En un mot, et en langage des bâtisseurs du génie civil, c’est la toiture qui couvre la charpente des différents ordres de juridiction du pays. La Cour Suprême va rejoindre dans l’au-delà, la Haute Cour de Justice au panthéon des institutions décoiffées et sans aiguillon. Sacrés, les charpentiers du Droit !

Aux USA, la Suprême Court est le pilier central qui supporte la puissance publique déployée par l’Etat américain à la fois en interne (sur les Etats fédérés) et sur la scène internationale. Le puissant Trump fléchit genoux devant la Suprême Court.

En Côte d’Ivoire, la reforme a pour effet de décoiffer le Conseil d’Etat, la Cour des comptes et la Cour de cassation du contrôle et du tutorat de la Cour Suprême.

L’idée n’est pas mauvaise en soi. Elle est même recommandée par les experts de notre profession : L’ŒUVRE DE JUSTICE QUI DOIT RÉGENTER EN ÉQUITÉ ET EN CELERITE LES RAPPORTS SOCIAUX.

La France, dont notre organisation judiciaire tire ses principes fondamentaux, a des juridictions autonomes, sauf que là-bas, l’Autorité de la Bonne Gouvernance (équivalent de la Haute Autorité de la Bonne Gouvernance chez nous) est tout, sauf un marchepied ni une serpillère. Là-bas, elle tient en respect tous les détenteurs des institutions sans exception.
Son alter ego est Le Vérificateur Général au Canada. Je laisse de côté le système français que je connais moins que le système canadien.Le rôle du Vérificateur Général que nous connaissons mieux pour avoir étudié l’expertise en marchés publics à Montréal, est une garantie suffisante contre le libertinage du pouvoir judiciaire au Canada.

A l’évocation de l’existence du Vérificateur Général, les agents des régies financières (impôts, trésors, douanes) les municipalités, les gestionnaires de provinces, ainsi que les acteurs du circuit des marchés publics (entrepreneurs, fournisseurs, prestataires de services, experts et spécialistes en passation de marchés), savent à quoi s’attendre en cas de la moindre irrégularité.

A supposer que ce soit au Canada, le Vérificateur Général aurait invalidé les passe-droits d’actualité dont se sont permises des personnalités publiques en usant de leurs prérogatives de puissance publique, pour violer outrancièrement les mesures d’ordre public de confinement des personnes entrant par voies aériennes en Côte d’ivoire. Confinement ordonné par l’État et aussitôt violé par l’État.

Le Silence du Conseil d’Etat est la preuve que cette juridiction n’a pas pour l’instant acquis le gabarit ou le coffre nécessaire pour son autodétermination.
Cela signifie que ces nouvelles juridictions ont besoin de l’accompagnement de la Cour Suprême pendant un delai de douze à vingt-quatre mois. A l’échéance, ce tutorat s’estompe pour laisser lesdites juridictions voler de leurs propres ailes.

Au total, l’erreur serait pour l’Exécutif de faire disparaitre brutalement le tutorat de la Cour Suprême sur le Conseil d’Etat, la Cour des Comptes et la Cour de Cassation.
Le libertinage doublé du risque d’inaction sont les écueils à éviter.

En pratique, durant cette période transitoire, il serait judicieux que le secrétariat général de la Cour Suprême se charge de la coordination et de l’imputation des affaires, en fonction de la matière, soit au Conseil d’Etat, soit à la Cour des Comptes, soit à la Cour de Cassation.

Sans cette précaution, il est fort à craindre un an de flottement, préjudiciable à la continuité du service public de justice. 2020, année électorale avec ses impondérables, le besoin pour chaque nouvelle cour de s’organiser en interne et l’obligation de rendre la justice aux justiciables, impose la sérénité et la fluidité des circuits de traitement des dossiers sans encombre.
Enfin,projetons-nous dans l’hypothèse d’un parachutage d’un nouveau garde des sceaux, ministre de la justice (non issu du sérail) à cet département, à l’issue de l’élection présidentielle d’octobre 2020 ( si elle a lieu). En l’absence d’une organisation judiciaire rodée, ce serait la catastrophe.

A l’opposé, dans l’hypothèse d’un nouveau garde des sceaux influent et issu du sérail qui venait trouver une organisation judiciaire hétéroclite, flottante et non rodée, bonjour à la malléabilité des organes juridictionnels avec le risque d’inféodation au pourvoir Exécutif, des juges de la cour de cassation, de la cour des comptes et ceux du Conseil d’Etat.

En considération de ce qui précède, le tutorat transitoire assuré de mains de maitre par la Cour Suprême sortante serait préférable à un tutorat de fait, exercé par l’Exécutif.
Concluons par l’hypothèse d’un Conseil d’Etat éventuellement à la merci du pouvoir exécutif. Quelle indépendance aurait-elle quand il va s’agir de juger les contentieux de marchés publics en dernière instance à la suite de l’incapacité éventuelle de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics à dire le droit ?

La pertinence et l’objectivité de la question sont plus nettes dans l’hypothèse quasi certaine d’un nouveau président de la république succédant au sortant. Peu importe que ce soit une alternance entre partis politiques différents ou une simple alternance de personnes appartenant à un même parti politique.

Dans le cas ivoirien, par exemple, les contentieux portant sur la régularité des phases de passation, d’attribution, de contrôle/exécution et audit des marchés publics ne manqueront pas d’être électriques.De la matière en perspectivepour la Chambre Administrative muée en Conseil d’Etat, coupé du jour au lendemain, du tutorat de la Cour Suprême, sans préparation.La nature ayant horreur du vide, l’exercice des compétences sous la dictée du ministre de la justice est à craindre.

Disons-le net. La rupture, pour être efficace et bénéfique à la Côte d’Ivoire, elle se doit d’être progressive avec le transfert des compétences au bout du compte, sauf si par extraordinaire, la vocation de la réforme serait de rendre malléables les nouveaux organes juridictionnels. Une hypothèse à écarter d’emblée.
En définitive, le risque majeur, consistera pour le ministre à chapeauter et à s’autoriser un rôle de régulateur (de fait)des compétences des trois cours dépourvues dorénavant d’organe de collaboration entre elles.

Peut-être que le débat aurait été davantage enrichissant si les experts spécialisés en Droit privé avaient eu le temps matériel d’opiner pour éclairer notre lanterne sur le cas de la Cour de Cassation notamment, avant l’examen, le vote et la promulgation de la révision constitutionnelle, en un temps record ou « en un temps trois mouvements » comme on le dirait en nouchi pour souligner le caractère hyper précipité du processus. Pour les gens de notre génération, le Sénat et l’Assemblée Nationale ont opéré « un maga taper » (soulever et renverser quelqu’un par surprise)assorti d’un« sagba taper » ( faucher et renverser quelqu’un par surprise)lors de sa promulgation par le Président de la République.
En terme juridique, le maga taper et le sagba taper, constituent ni plus ni moins, deux manœuvres dolosives. Terme plein de signification pour tout juriste.

Pour nos concitoyens, il est extrêmement important de savoir que 3 situations dont le dol ( la ruse) constituent le trio appelées cas de vice de consentement : l’erreur, le dol et la violence.L’existence d’un seul élément annule l’adoption, la signature, la promulgation de tout engagement ( contrat, convention, décret, ordonnance, loi, constitution…).
L’élément violence est aisé à mettre en évidence. La communauté internationale y compris l’Etat de Côte d’Ivoire, est unanime : « Le monde est en guerre contre l’épidémie mortelle du coronavirus ». La guerre synonyme de violence (la violence en droit est physique ou morale).

Les circonstances actuelles de peur, sont-elles moralement et psychologiquement sereines pour la modification de la constitution par le peuple souverain de Côte d’Ivoire ?
Vous me permettrez d’exprimer ma nostalgie vis-à-vis de mon maître en Droit, Prof Boniface OuragaObou, constitutionaliste attitré. La Constitution, norme des normes ou loi fondamentale, qui détient la compétence de sa compétence, est le socle de toutes les autres sources de droit (loi, décret,ordonnance, arrêté,circulaire, décision royale, décision de chef de village, décision de chef de quartier, décision de chef de famille, droits et obligations individuelles… )nécessitait une sérénité minimale des facultés du peuple souverain, pour acquiescer librement ou désapprouver en connaissance de cause.

Toute chose que la panique générale liée au Coronavirus (épée de Damoclès) n’a pu permettre. Aussi bien chez les représentants du peuple que chez le président de la république, clé de voûte de la marche de la Nation. On ne nous fera pas l’injure d’affirmer que le moral du Chef de l’État n’était pas affecté par l’environnement du Coronavirus. Affecté par cet élément extérieur inattendu, le consentement du chef a été vicié.

Il échait dès lors au Président de la République de bien vouloir reconsidérer sa décision de promulgation de la loi votée dans ces circonstances. D’autant plus qu’il garde intactes toutes ses prérogatives de modification à tout moment de la constitution, passée l’effroyable ambiance de terreur entrainée dans son sillage, par la vague mortelle du Coronavirus.

Nous serons très reconnaissants au Chef de l’Etat sortant d’avoir esquivé le piège de ceux qui le poussaient à entrer en indignité dans l’histoire sur la pointe des souliers. Et le standing ovation qui avait accueilli sa décision dans un congrès pourtantà 100% RHDP, est la preuve que le même Congrès applaudirait à tout rompre quand vous aurez reporté à plus tard l’entrée en vigueur de la Constitution révisée.

Souvenez-vous, tous les partisans du 3 eme mandat ont retourné leur veste pour être les chantres d’un nouveau son, vous qualifiant de Mandela.
Imaginez que vous ayez mordu au fiel du 3eme mandat. Ils vous qualifieraient de Mangosutu Buthélézi le contraire de Mandela.
A ti kè ? (avez-vous compris ? C’est en Baoulé).

Les Conseillers des présidents de la république successifs sont synonymes de voltface à 180 dégré .
N’est-ce pas , messieurs Bertin Kadet, Alcide Djédjé, Paul Yao N’dré,WatcharKédjébo, Alain Dogou ?
« Le Droit n’est pas au-dessus de la morale » disait Tia Koné soutenu alors par Tapé Koulou Laurent. Tenez-vous bien. L’un et l’autre se sont reconvertis en partisans du président Ouattara par la suite.Le présent éclaire le futur proche.

En un mot, comme en mille, Président Ouattara, tous ceux qui vous poussent actuellement à raidir vos positions contre l’opinion publique ivoirienne, votre pays, se préparent en même temps à passer à l’autre bord. C’est juste pour tromper votre vigilance.
Le fologoisme est bien ancrés chez bon nombres de conseillers.

« pourquoi voulez-vous que je ne sèche pas mon habit là où le soleil brille ? Il faut être idiot pour sécher ton habit là où il n’aura plus de soleil bientôt ». Se justifient-ils.
Pour finir, veuillez recevoir nos remerciements pour avoir fondé votre retrait à la fois sur votre conviction personnelle, confortée par la levée de bouclier contre votre candidature. C’est bien à nous que vous avez ainsi rendu hommage. Nous n’avons jamais fait mystère de notre niet face à la pernicieuse idéologie de séduction à vous tendue: « premier mandat de la 3ème république remettant à plat le compteur des mandatures ».

Des hérésies semblables seront légion pour vous séduire à l’image de Satan qui avait usé de plusieurs stratagèmes pour détourner Jésus de sa mission divine.
Pour avoir résisté à Satan, le nom de Jésus est entré dans l’Éternité tandis que le Serpent qui avait induit en erreur Adam et Ève rampe sur le ventre, incapable désormais de marcher droit et digne.
Alors vigilance !

Une contribution de DAPA Donacien,
Juriste, option Droit Public,
Ancien étudiant de Pierre Claver Kobo ex pdt de la Chambre Administrative de la Cour Suprême,
Expert Marchés Publics& Partenariats Public Privé (PPP),
Admirateur passionné du modèle canadien de moralisation de la vie de la Nation à travers
Le Vérificateur Général.
Contributeur pays,à l’évaluation du Doing-businnes
Email : dapadonacien@gmail.com