Côte d’Ivoire : « La crise ivoirienne, de Choi Young-jin », Par Leslie Varenne (Directrice de l’Iveris)

Par IvoireBusiness/ IVERIS - Côte d’Ivoire « La crise ivoirienne, de Choi Young-jin », Par Leslie Varenne (Directrice de l’Iveris)

Leslie Varenne (Directrice de l’Iveris).

26 janvier, 2016
Note de lecture
Leslie Varenne

Partie I : l'étrange histoire du livre de l'ancien représentant spécial de l'ONU en Côte d'Ivoire
Avant d’aborder le fond du livre de Choi Young-jin, il est important de conter l’histoire peu banale de cet ouvrage. De nationalité sud-coréenne, Choi Young-jin a été nommé en octobre 2007 représentant spécial des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) par son compatriote Ban-Ki Moon. Il est resté en fonction jusqu’en août 2011. Il a donc été à la tête de l’ONUCI pendant la crise ivoirienne débutée en novembre 2010 jusqu’à la fin de la guerre en avril 2011. Il fut un acteur majeur et un témoin primordial des événements survenus au cours de cette période. Début 2012, le site de la FNAC annonce la sortie d’un livre signé par le représentant spécial de l’ONU aux Editions du Nouveau Monde intitulé : "Au cœur de la crise ivoirienne". En février 2012, Choi Young-jin est nommé ambassadeur de Corée du Sud à Washington et plus personne n’entend parler de cet ouvrage. Trois ans plus tard, en septembre 2015, la Lettre du Continent annonce que le livre sera édité par Michel Lafon et disponible en octobre 2015. Pourtant, depuis août 2015, les journaux ivoiriens commentent l’ouvrage. Le témoignage, imprimé et édité à Paris, est donc disponible dans la capitale ivoirienne, où il connaît un véritable succès, 15000 exemplaires vendus. Mais il reste introuvable à Paris. Ce précieux essai est pourtant très attendu par tous ceux, journalistes, diplomates, historiens, qui ont suivi de près ces événements. L’IVERIS cherche le livre, et là, l’affaire se corse…
De surprise en surprise…
Ni l’ouvrage ni l’auteur n’apparaissent sur le site des Editions Michel Lafon. L’Institut se procure donc un ouvrage en provenance d’Abidjan. Le témoignage du représentant spécial de Ban-Ki Moon est publié sous la direction de Patrick Ulanowska, dans une collection nommée « Grands enjeux ». Or, stupéfaction, contacté par l’IVERIS, Michel Lafon avoue ne pas avoir de collection nommée « Grands enjeux » et ne pas connaître le directeur de cette collection fantôme. Il assure néanmoins qu’il va enquêter et répondra à nos questions : pourquoi ce livre n’est-il pas sorti en France ? Pourquoi est-il édité dans une collection qui n’existe pas dans le catalogue des éditions Michel Lafon ? Pourquoi l’ouvrage a-t-il été publié sous la direction de Patrick Ulanowska ? Malgré ses multiples relances téléphoniques, l’IVERIS n’obtiendra aucune réponse à ces trois questions. Le mystère demeure...
Qui est Patrick Ulanowska ? Homme d’affaires, auteur de deux ouvrages, il est ami avec Thomas Fabius et est à l’origine d’une étrange histoire qui a valu les premiers ennuis judiciaires au fils du ministre des Affaires étrangères français. Les liens entre les familles Fabius et Ouattara sont notoires. De plus, Patrick Ulanowska aurait été aidé, en 1992, par l’actuel Président ivoirien, alors Premier ministre, pour créer un journal intitulé Afrique Investir, qui finalement n’a pas vu le jour.
Enfin pour parfaire l’incongruité de cette histoire, à l’intérieur du livre, est inséré, une petite feuille volante intitulée « Erratum » et signée par l’agence Well’Comm, un cabinet de marketing et stratégie dont le siège se trouve à Dakar. Ce texte prévient les lecteurs qu’il y a deux erreurs dans le texte.(I)
Dans cette étrange affaire deux choses sont claires : ce livre à charge contre Laurent Gbagbo et bienveillant envers Alassane Ouattara a bien été écrit par Choi Young-jin et est sorti à Abidjan très opportunément deux mois avant l’élection présidentielle ivoirienne d’octobre 2015 et moins de trois mois avant le procès de Laurent Gbagbo, prévu le 10 novembre 2015 puis reporté au 28 janvier 2016.
[I] L'intégralité de l'erratum : "Page 268, lire : « « A Sebroko, au siège de l’ONUCI, Gianni Deligia installa des coffres où fut entreposé l’argent des salaires. » Ne pas tenir compte de la mention : « des centaines de millions de dollars en espèces ». » Page 288 « A dix-sept heures, quatre hélicoptères MI-24 de l’ONUCI… Bien lire il s’agissait de trois hélicoptères et non de quatre."

Par Leslie Varenne
Directrice de l'IVERIS
Lire l'article sur...https://www.iveris.eu/list/notes_de_lecture/133-la_crise_ivoirienne_de_c...