Avant sa libération, un Député du RDR blanchit Gbagbo et condamne Ouattara: « Gbagbo a tout fait pour la paix et le bonheur des ivoiriens». « Je demande la libération de tous les prisonniers politiques»
Par Soir Info - Avant sa libération, un Député du RDR blanchit Gbagbo et condamne Ouattara « Gbagbo a tout fait pour la paix et le bonheur des ivoiriens». « Je demande la libération de tous les prisonniers politiques»
Il n’a pas la langue dans sa poche. Le député pro-Soro, Kando Soumahoro, issu du Rassemblement des républicains (Rdr), prend ouvertement position, dans cette interview réalisée via internet, sur l’actualité politique nationale.
Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter d’être le Coordonnateur du Raci (Rassemblement pour la Côte d'Ivoire) dans le Tonpki ?
Dès mon élection en décembre 2016, j’avais, dans une publication dans la presse, indiqué que ma priorité serait le pardon et la réconciliation. J’avais pensé à ces moments précis, réconcilier le peuple Dan avec le président Bédié, que feu le général Gueï Robert avait renversé en décembre 1999, alors qu’il exerçait le pouvoir d’Etat. J’avais été diversement contrarié dans cette idée. Je ne savais même pas, à ce moment, l’existence du Raci. J’ai été agréablement conforté dans mon projet lorsqu’à la rentrée parlementaire du 3 avril 2017, le président de l’Assemblée nationale a fait du pardon et de la réconciliation, son cheval de bataille.
Cela vous a donc conforté dans votre position ?
Je me suis, à ce moment, vu officiellement mis en mission, et il fallait en créer le cadre. C’est en septembre 2017 que j’ai été contacté par l’honorable Soro Kanigui Mamadou qui m’a proposé son offre, et l’explication m’a convaincu avec le témoignage du doyen Sapohi Vincent qui tenait ce poste. J’ai donc accepté d’être le coordonnateur du Réseau des amis de la Côte d’Ivoire (ancienne appelation du Raci, Ndlr) créé en octobre 2013 avec toutes les sensibilités politiques, pour prôner la réconciliation nationale, en vue d’une Côte d’Ivoire rassemblée après la longue crise que notre pays a connue. Il faut préciser que depuis le 16 décembre 2016, le Raci est devenu un mouvement politique, avec l’appellation de Rassemblement pour la Côte d’Ivoire, et je n’ai trouvé aucun inconvénient d’y rester puisque ses missions n’ont pas changé.
Comment réagissez-vous à la mort du jeune Soro Kognonhon, lors d’une réunion du Raci à Korhogo ?
A l’annonce de la mort du jeune Soro Kognon, je suis resté très interrogatif pendant une journée entière, avant de me rendre compte que la bataille pour l’accession au pouvoir avait commencé. Malheureusement, le Nord est en train de démontrer aux yeux du monde, qu’il n’est plus ce peuple pacifique, et que la deuxième crise en Côte d’Ivoire est en train de prendre naissance dans cette partie de la Côte d’Ivoire, où on tue maintenant des gens pour leurs opinions politiques. Certaines formations politiques ont condamné l’acte, et j’attends la réaction de mon groupe parlementaire, qui tarde à venir. Sur ma page facebook, j’ai réagi pour demander que justice soit faite.
Pourquoi voulez-vous être maire, alors que vous êtes déjà député de Biankouma ?
Dès mes premiers instants en politique, j’avais clairement annoncé que j’allais briguer tous les postes électifs. C’est donc la suite logique de mon engagement. J’ai été réconforté dans cette volonté, quand mes partisans et soutiens politiques, dans leur ensemble, ont estimé que l’équipe étant encore fragile, il serait mieux que je sois celui-là même qui va garantir l’entente, la solidarité et la cohésion du groupe. J’ai constaté que la mairie est encore inachevée, et j’ai des méthodes simples de transparence, qui vont amener les cadres et autres enfants de Biankouma à fréquenter leur ville. Je vais expérimenter la gestion simple, pratique et participative de certaines villes d’Europe. L’Etat ne pouvant pas être en mesure de tout faire, il faut savoir créer ses propres richesses, savoir convaincre des opérateurs et autres acteurs économiques à soutenir nos actions. Il y a très longtemps que Biankouma est chef-lieu de département, et la ville tarde à porter ses nouveaux habits. Les fonctionnaires de Biankouma doivent avoir des raisons de ne plus vouloir quitter la ville, tellement la vie sera agréable.
Que dites-vous de la mise en place du Rhdp unifié sans le Pdci de Bédié ?
Vous me faites revenir sur un sujet déjà abordé dans mes précédentes parutions. J’avais dit en son temps, que tous ceux qui se réclament de feu le président Félix Houphouët-Boigny et de sa philosophie de paix, devraient pour nous, le prouver sans hypocrisie ni roublardise, retourner au Pdci-Rda créé par le père fondateur. Quand vous avez quitté la maison familiale pour incompréhension, c’est dans cette même maison que vous retournez après réconciliation, si vous êtes sincère. Lorsque chaque enfant veut garder sa maison pour créer une autre maison dite commune, il y a des intentions voilées de vouloir déterrer la hache de guerre à tout moment. Moi personnellement, j’ai des raisons de ne pas y adhérer, depuis que mes démarches faites auprès de certaines hautes personnalités de l’Etat, en vue d’embaucher certains enfants orphelins de feu le général Robert Guéï, ancien président, père fondateur de l’Udpci et père de l’alternance politique en Côte d’Ivoire -même si elle ne s’est pas opérée de la meilleure manière-, n’ont pas abouti.
Qu’est-ce que vos interlocuteurs vous disaient ?
J’étais souvent choqué dans mes démarches, lorsque mes interlocuteurs me demandent si je fais confiance aux enfants de Guéï Robert. Même si je suis Rdr, Guéï demeure mon père, et je ne vais jamais me détourner de mes devoirs envers sa famille. J’avoue que le Rhdp sans le Pdci-Rda nous ramène à croire que ni Alassane Ouattara ni Bédié n’a pardonné à son frère. Ils ont fait la paix des braves pour sauver la Côte d’Ivoire du naufrage à un moment donné, et disposer tranquillement de nos richesses. Le Rhdp sans le Pdci-Rda explique tout le malaise politique.
Quelle analyse faites-vous de la sanction que Bédié a prise contre les ministres du gouvernement, membres du Secrétariat exécutif du Pdci ?
Après la formation du gouvernement avec des ministres Pdci sans la bénédiction de Bédié, je m’attendais à ces sanctions que j’apprécie fort bien, qui font de ces ministres, les représentants de la société civile dont les agissements ne peuvent plus engager la responsabilité du parti. Au-delà de ça, vous conviendrez avec moi, que ces ministres n’étaient pas attachés aux idéaux et à la discipline de leur parti. D’aucuns diront qu’ils ont choisi de faire passer l’intérêt du pays avant toute autre considération, mais à ce que je sache, le Rdr dispose de cadres valables capables de servir à ces postes. C’est aussi un avertissement pour le président Alassane Ouattara qui pense avoir réalisé la meilleure opération, car qui a trahi, trahira toujours.
Jusqu’où peut aller, selon vous, la crise entre Ouattara et Bédié ?
La crise entre Ouattara et Bédié, cette fois-ci, est réelle. Je pense qu’elle peut voir naître d’autres alliances politiques, même contre nature. Il faut aussi compter avec l’attitude des députés ou sénateurs appartenant aux deux grands partis ayant choisi de ne pas adhérer au Rhdp.
Comment voyez-vous les perspectives politiques en Côte d’Ivoire ?
Pour l’avenir de la Côte d’Ivoire, nous devons même prier pour que ces deux personnalités, qui ont servi le pays au plus grand niveau, décident, de par eux-mêmes, de ne pas être candidats en 2020, car une candidature de l’un d’eux sera perçue comme s’ils ont refusé de former des hommes capables pour continuer leurs œuvres. Je vais prier Dieu de leur accorder longue vie pour qu’ils soient ceux par qui la Côte d’Ivoire aura connu des élections transparentes, apaisées avec enfin une passation de charges entre les présidents élu et sortant, dans la joie sans couvre-feu. Les Ivoiriens sont à présent capables de choisir leur président en toute responsabilité, même en dehors des partis politiques qui montrent chaque jour leurs limites.
Que dites-vous lorsque le président Ouattara demande à Bédié qu’ils travaillent à passer le pouvoir à une nouvelle génération en 2020 ?
Déjà, je voudrais dire merci au président Alassane Ouattara qui appelle son aîné le président Bédié, à rejoindre le Rhdp afin qu’ensemble, les deux puissent passer le flambeau à la jeunesse. Cela veut déjà dire que la jeunesse n’a pas tort de penser que son heure a sonné. Même si Bédié ne rejoint pas le Rhdp, je pense aussi qu’il sera fier de voir l’un de ses illustres jeunes occuper le fauteuil présidentiel. C’est le lieu de dire que la compétition est ouverte entre ceux des jeunes qui sauront se battre et convaincre les Ivoiriens sans parrainage. Je vois deux schémas se dessiner, les enfants qui ont déjà commencé à lutter pour démontrer au père qu’ils sont grands et peuvent se défendre, et ceux qui attendent que le père leur remette les armes de la lutte. À côté de ces deux catégories, il y a ceux qui croient que ce sera leur tour de prendre la tontine parce qu’ils auront appartenu à un bloc. Il y a lieu de croire que la bataille sera âpre, et les Ivoiriens qui veulent s’éloigner de la misère grandissante sauront dire Non aux aventuriers, le moment venu.
Quelles sont les conditions d’une vraie réconciliation en Côte d’Ivoire selon vous ?
La condition primordiale pour la réconciliation vraie serait que les Ivoiriens acceptent de se pardonner, que chacun reconnaisse sa part de responsabilité dans ce qui s’est passé. C’est en cet instant que j’interpelle tous ceux qui se réclament de l’héritage de feu Félix Houphouët-Boigny, de se souvenir aussi des paroles fortes du père fondateur, d’user de toutes les voies possibles du dialogue, d’avoir à l’esprit, que celui qui a faim n’est pas un homme libre etc. C’est pourquoi, je salue la hauteur d’esprit et le courage du président de l’Assemblée nationale qui a reconnu avoir fauté, être en partie responsable de ce qui est arrivé à son pays, et qui demande pardon. Chaque Ivoirien devait lui emboîter le pas dans cette voie. Il y a la Commission dialogue, vérité et réconciliation qui a effectué un travail dont les recommandations sont restées secrètes. Il faudrait que les Ivoiriens puissent se parler à nouveau. J’ai souvent dénoncé sans qu’on y fasse attention, que l’intégration entre Ivoiriens n’est pas effective, eu égard aux nombreux conflits entre communautés. Il faut beaucoup de missions de sensibilisation, auxquelles des élus peuvent participer.
Que répondez-vous à ceux qui posent comme préalable à la réconciliation nationale, la libération de Gbagbo et de Blé Goudé ?
Pour répondre à cette question, en même temps que je dis qu’il n y a pas de préalables à la réconciliation, je me fais l’honnêteté de dire qu’ils n’ont pas complètement tort. Nous avons tous suivi la prise du pouvoir par le président Gbagbo, avec des élections mal organisées. Dans sa deuxième année d’exercice, son pouvoir est attaqué et nous connaissons ceux qui ont attaqué ce pouvoir. Il accepte de s’engager dans la recherche de la paix, et tout ce qui pouvait faire le bonheur des Ivoiriens, allant jusqu’au partage du pouvoir. Des élections sont organisées et nous savons tous, ce qui s’est passé. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, pour moi, ne devraient pas être les seuls à se retrouver en prison. Peut-être que moi-même, j’avais ma place là-bas. Combien de fois encore des militaires ont usé de leurs armes pour réclamer les meilleures conditions de vie ? Moi-même je suis pour la libération de tous les prisonniers politiques sans exception parce que je crains la justice de Dieu. La paix n’a pas de prix, et la Côte d’Ivoire a besoin de tous ses enfants pour la construire.
Pensez-vous que la Haute autorité pour la bonne gouvernance (Habg) peut répondre à l’attente des populations ?
Dans cette question, le mot corruption me hante l’esprit, car je ne peux pas en parler sans me remettre en cause. Pendant les élections législatives, j’ai posé beaucoup d’actes qui s’apparentent à de la corruption. De nouvelles coupures de billets de banque qu’on distribue çà et là, lorsque ton adversaire passe dans un village pour donner une somme d’argent, tu repasses juste après pour en remettre le double, et c’est en achetant les consciences de ces pauvres populations, que la plupart ou même la totalité des candidats sont élus pour représenter ces mêmes populations. Peut-être que c’est comme ça que tout le monde fait, mais pour moi, je suis un corrupteur qui doit lutter contre la corruption parce que j’ai changé de statut.
C’est une pratique qui n’est pas prête pourtant à s’arrêter !
Voici encore les municipales et régionales qui s’annoncent, et les mêmes méthodes ont refait surface sans même inquiéter personne. Vous convenez avec moi, que c’est cette corruption qui plombe l’avancée de notre jeune démocratie, avec ceux des élus qui ont des parrains et financiers qui édictent ce qu’ils font une fois élus, et qui n’obéissent qu’à eux…Comment pensez-vous que cette nouvelle classe d’élus peut travailler pour défendre les intérêts de la population ?
La Haute autorité pour la bonne gouvernance est la bienvenue. Mais, je m’interroge bien comment elle pourra sanctionner celui qui l’a nommé. Les députés qui ont déjà, de façon constitutionnelle, le contrôle de l’action gouvernementale, manquent de moyens pour l’exercer. Ils ne sont pas aussi représentés dans cette institution.
Avec tout ce qu’on constate, espérez-vous une réduction drastique de la corruption en Côte d’Ivoire ?
Avec le temps, nous saurons si l’Etat a les moyens de combattre la corruption, quand on connaît les conditions difficiles de travail de nos concitoyens. Les Sous-préfets affectés sans logement ni véhicule de fonction, sont légion. Il est le représentant du président de la République dans sa localité, et il se fait entretenir par certains cadres ou opérateurs. Que peut-il opposer à ce dernier ? La justice n’a pas les moyens adéquats de son travail. L’on a coutume de dire dans l’armée : une mission, des moyens. C’est quand ces deux conditions sont remplies, que la sanction s’avère justifiée. Si la Haute autorité pour la bonne gouvernance décide de commencer sa mission par des sanctions, cela obligerait l’Etat à construire plus de prisons que d’écoles et Centres de santé. J’appelle chaque acteur à la conscience professionnelle, en se disant que l’Etat, c’est aussi lui, c’est nous tous.
Je ne peux passer sous silence, avant de terminer, le mode de création de postes de députés dans une circonscription électorale avec l’exemple flagrant de Kong qui a trois députés contre un seul pour Biankouma.
Réalisée par SYLLA Arouna