Algérie : l’ex-président Abdelaziz Bouteflika est mort

Par Lepoint.fr - Algérie. L'ex-président Abdelaziz Bouteflika est mort.

© APA Par DR Le président de la République algérienne, Abdelaziz Bouteflika.

Considéré comme l’artisan de la réconciliation nationale, « Boutef » avait été chassé du pouvoir en 2019. Il est décédé à l’âge de 84 ans.

L’ancien président algérien Abdelaziz Bouteflika, chassé du pouvoir en 2019 après des manifestations massives contre sa volonté de briguer un nouveau mandat, est décédé vendredi à l’âge de 84 ans. « Décès de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika », a indiqué un bandeau déroulant à la télévision nationale, citant un communiqué de la présidence de la République. La date et le lieu de son enterrement n'ont pas encore été annoncés officiellement. Mais, selon le site Sabqpress, généralement bien informé, Abdelaziz Bouteflika sera inhumé dimanche au carré des martyrs du cimetière d'El Alia, à l'est d'Alger, où reposent tous ses prédécesseurs.

Depuis sa chute spectaculaire en avril 2019 sous la pression de l’armée et de la rue, celui que les Algériens appelaient familièrement « Boutef » était resté retranché dans la solitude dans sa résidence médicalisée de Zeralda, à l’ouest d’Alger, alors que ses proches étaient poursuivis en justice pour des accusations de corruption.

Bouteflika, né le 2 mars 1937, est décédé à « 22 heures (21 heures GMT) à son lieu de résidence », selon la chaîne privée El Hayet TV. Selon un site d'information, il est mort entouré de sa soeur Zhor, son frère Nacer et d'autres membres de sa famille. Un autre de ses frères, Said, emprisonné pour des accusations de corruption, a demandé à assister aux obsèques, selon Sabqpress.
Les drapeaux en berne « pendant trois jours »

Les autorités, mutiques jusqu'en fin de matinée samedi, ont annoncé que les drapeaux seraient mis en berne « pendant trois jours » à compter de samedi. Cela a été décidé par le président Abdelmajid Tebboune, après « le décès de l'ancien président le Moudjahid (combattant de l'indépendance, NDLR) Abdelaziz Bouteflika », selon un communiqué de la présidence.

Samedi matin, radios et télévisions s'en tenaient toujours à une brève, sans lui consacrer d'émission spéciale. Les radios diffusaient de la musique et du divertissement comme un week-end normal. L'information était absente aussi de la quasi-totalité des éditions papier des journaux, la nouvelle ayant été annoncée après leur bouclage. Mais certains, comme le quotidien gouvernemental El Moudjahid, en faisaient état dans un entrefilet dans leur édition électronique.

Dans la rue, les Algériens n'étaient pas indifférents à la mort du président déchu, accueillie par un flot de commentaires acrimonieux. « Paix à son âme. Mais il ne mérite aucun hommage car il n'a absolument rien fait pour le pays », lance à l'AFP Rabah, un marchand de fruits et légumes à El Achour, sur les hauteurs de la capitale.
Longévité exceptionnelle

Omniprésent dans la vie politique algérienne durant des décennies, mais devenu quasi invisible depuis un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2013, Bouteflika n’avait donné aucun signe de vie depuis que le mouvement de contestation populaire du hirak et l’armée l’avaient contraint à la démission. Ce jour-là, il était apparu pour la dernière fois à la télévision pour annoncer qu’il jetait l’éponge. Le hirak s’est toutefois poursuivi malgré l’éviction de Bouteflika et de son clan, puis l’élection en 2019 de son successeur Abdelmadjid Tebboune.

Le mouvement réclame le démantèlement du système de gouvernance en place depuis l’indépendance en 1962, mais les autorités affirment que les principales revendications des protestataires ont été satisfaites.

« Le pouvoir à tout prix »

Bouteflika faisait constamment l’objet de rumeurs sur sa santé et sur sa mort. Mais, à chaque fois, il réapparaissant en public pour les démentir. Sa candidature à un cinquième mandat successif avait été perçue comme l’humiliation de trop par des millions d’Algériens, qui sont descendus dans la rue dans les grandes villes du pays à partir du 22 février 2019.

Élu pour la première fois en 1999, constamment réélu au premier tour avec plus de 80 % des voix en 2004, 2009 et 2014, ce cinquième mandat semblait acquis aux yeux du régime. Mais six semaines de mobilisation massive du hirak, du jamais-vu en Algérie, avaient poussé le patron de l’armée à l’époque, le général Ahmed Gaid Salah, un de ses fidèles, à obtenir sa démission. « Toute sa vie, Abdelaziz Bouteflika a été animé par deux obsessions : conquérir le pouvoir et le garder à tout prix. Il voulait faire un cinquième mandat en dépit du fait qu’il était malade et impotent », a affirmé Farid Alilat, auteur de Bouteflika. L’histoire secrète, une enquête intime sur le parcours de l’ancien « raïs ».

Bouteflika est considéré comme l’artisan de la réconciliation nationale qui a permis de rétablir la paix en Algérie, plongée dans la guerre civile depuis 1992 contre une guérilla islamiste qui a fait quelque 200 000 morts en dix ans, selon le bilan officiel.

Le Point