Afrique : La régulation des télécoms, nouveau cheval de bataille des Etats ouest-africains

Par Ivoirebusiness/ Autre presse - La régulation des télécoms, nouveau cheval de bataille des Etats ouest-africains.

Les infrastructures télécoms en Afrique doivent être rénovées pour fournir des services de santé numériques (CEA-ONU). Image d'illustration.

178 milliards de dollars, c’est le montant total des transactions mobiles qui ont été effectuées en Afrique de l’Ouest en 2020, soit une augmentation de 37% par rapport à 2019. Même constat dans le domaine de la téléphonie en Afrique, où le nombre d’abonnements cellulaires a bondi de 180 % entre 2008 et 2018.

Deux tendances qui ont conduit de nombreux Etats à s’engager dans la régulation de cet écosystème, pour en sécuriser l’usage et limiter les pertes de revenus liées à la fraude.

Cette mise à l’agenda politique des questions de régulation des télécoms, loin d’être anodine, a été accélérée par la pandémie de Covid. Souvent abordée sous l’angle sanitaire ou économique, celle-ci a également impacté nos modes de vie en limitant drastiquement nos interactions sociales.

Comme le souligne le dernier rapport semestriel du bureau Afrique de la Banque Mondiale, « l'économie numérique s'est avérée être d'une importance capitale pour assurer la poursuite des activités des gouvernements, des affaires et de la société dans la région à un moment où étaient mises en place des mesures de distanciation et de confinement ».

Si ces développements ont confirmé l’importance du numérique dans nos vies quotidiennes, a fortiori dans un contexte de crise sanitaire, ils ont également mis en lumière les vulnérabilités qui y sont associées.

La Côte d’Ivoire est ainsi particulièrement touchée par la fraude, avec environ 80 % des smartphones impactés et un préjudice global avoisinant les 300 millions d’euros. Loin d’être un cas isolé, l’exemple ivoirien souligne le besoin d’un meilleur contrôle étatique sur ces marchés difficiles à réguler.

Essor des fraudes

Si les pays d’Afrique de l’Est font la course en tête, avec un écosystème numérique qui a été mis très tôt à l’agenda des politiques publiques, l’Afrique de l’Ouest est en bonne voie pour rattraper son retard.

En effet, de plus en plus de pays de la sous-région se tournent désormais vers les RegTechs pour superviser un marché en plein boom. Dernier exemple en date ? La Côte d’Ivoire, qui a décidé de numériser la régulation de ses flux téléphoniques en 2021 face aux problèmes croissants de fraude en matière de télécommunications.

En lançant cet appel d’offres, l’Etat ivoirien vient allonger la liste des pays africains ayant fait le choix de solutions numériques de pointe pour superviser les TIC, à l’image de la Guinée, du Congo, du Rwanda ou de la Tanzanie.

Une dynamique qui devrait faire des émules, notamment en Afrique de l’Ouest où ces solutions sont encore relativement peu déployées. Un paradoxe, compte tenu du nombre de prestataires qualifiés actifs dans la sous-région.

Un marché dominé par un trio de prestataires

Pour optimiser la régulation de leur écosystème télécoms et les recettes fiscales de leur gouvernement, les pays ouest-africains disposent d’un choix limité de prestataires RegTech. La société N-Soft, créée en 1986, propose selon son site internet des services de supervision des flux téléphoniques et financiers, en particulier l’argent mobile, ainsi que des volets plus éloignés des télécoms, comme la réglementation financière de la distribution de l'électricité et de l’eau.

Selon cette même source, la société serait active en Afrique de l'Ouest, en Afrique centrale et en Afrique de l'Est, ce que ne corrobore aucune source externe. Il en va de même pour la société ghanéenne Subah, qui opère actuellement en Sierra Leone. Présente sur le marché depuis 2010, ce prestataire propose, outre ses solutions d'assurance de revenus et de surveillance fiscale, des services TIC comme le développement d’applications, la numérisation de documents ou la gestion des données géospatiales.

Parmi les fournisseurs de solutions Regtech opérant en Afrique de l’Ouest, Global Voice Group se démarque à double titre : c’est le seul prestataire à être historiquement implanté en Afrique, depuis sa création en 1998, et à travailler exclusivement en partenariat avec des partenaires publics.

Les outils numériques de ce pionnier de la Regtech sur le continent ciblent la supervision du trafic voix et données, le suivi des transferts d’argent à l’échelle nationale et internationale et la sécurité des écosystèmes Internet et mobile nationaux.

Selon les données dévoilées par son site, le groupe a assuré à ses partenaires des recettes de plus de 4,6 milliards de dollars entre 2008 et 2018. Déjà actif dans une dizaine de pays en Afrique de l’Est, de l’Ouest et centrale, GVG a étendu son marché à l'Afrique australe fin 2020, avec l'annonce de deux contrats au Zimbabweet au Lesotho. Bénéficiant d'une importante couverture médiatique, le groupe a récemment fait parler de lui suite à la signature d'un nouveau contrat avec l'ARPT de Guinée.

À l’heure où le respect de la conformité réglementaire devient une priorité - et alors que l'approche Regtech fait encore trop souvent défaut au sein du secteur public - cette diversité de partenaires potentiels devrait jouer en faveur de la consolidation de l’écosystème mobile et numérique de la sous-région.

L’intérêt de la Côte d’Ivoire pour la supervision numérique desflux téléphoniques et des transactions dématérialisées pourrait bien avoir un effet d’entraînement sur les autres pays de la sous-région, a fortiori dans un contexte économique tendu.

Par Correspondance particulière de Mohammed Kaboul

Journaliste indépendant