Afrique: Avoir le courage de rompre avec ceux qui nous haïssent, Par Jean Claude DJEREKE
Par ivoirebusiness/Débats et Opinions - Avoir le courage de rompre avec ceux qui nous haïssent, Par Jean Claude DJEREKE.
Le 27 août 2019, quand Emmanuel Macron disait aux ambassadeurs français réunis à l’Élysée que “l’on assiste à la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde et à l’émergence de nouvelles puissances dont nous avons longtemps sous-estimé l’impact”, il faisait un constat lucide, juste et objectif car la Chine, la Russie, l’Inde, la Turquie, l’Afrique du Sud, etc. sont devenues des puissances qui “viennent bousculer notre ordre international et peser dans l’ordre économique”.
Que le déclin de l’Occident ait commencé est un fait indiscutable, chose que très peu d’Africains regretteraient d'ailleurs. L' arrogance des Occidentaux, leur volonté d'imposer leurs vues aux autres, leur brutalité, leur manie de donner toujours aux autres des leçons qu'eux-mêmes ne pratiquent pas, voilà ce qui va causer leur chute comme l’empire romain.
Celui-ci avait dominé le monde pendant plus de 600 ans. S’il s’est effondré en 476 après J.-C., c’est, entre autres, parce que les autorités romaines se croyaient supérieures aux “Barbares” habitant aux frontières de l'Empire (https://www.futura-sciences.com/.../histoire-chute.../
On peut ne pas approuver l’invasion de l’Ukraine par la Russie car ce sont les pauvres et les faibles qui souffriront le plus de cette invasion mais que sait-on des antécédents (le bombardement de Belgrade et la destruction de la Serbie par l’Otan en 1999, la guerre du Kosovo) qui l’ont rendue possible ?
Sait-on que Poutine proposa son aide aux États-Unis après l’attaque terroriste du 11 septembre 2001, que George Bush opposa une fin de non-recevoir à sa demande d’adhérer à l’Otan et qu’il perçut l’assassinat de Kadhafi et la destruction de la Libye comme la volonté des Occidentaux d’imposer leur vision du monde au reste de la planète ?
L’hégémonie occidentale a atteint ses limites. Lentement mais sûrement, un nouveau monde se met en place. Le multilatéralisme est en train de succéder à l’unilatéralisme. La preuve en est que tout le monde n’a pas voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale de l’Onu du 2 mars 2022 condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Parmi les pays qui se sont abstenus, il y avait la Chine, l’Inde, les Émirats arabes unis, le Brésil, l’Argentine, la Bolivie, mais aussi l’Algérie, l’Afrique du Sud, l’Angola, le Burundi, le Congo-Brazzaville, l’Éthiopie, la République Centrafricaine, le Mali, Madagascar, le Sénégal, le Soudan, la Guinée, le Burkina Faso, le Togo, le Cameroun et le Maroc.
L’abstention d’un pays comme le Sénégal est une agréable surprise quand on connaît les liens très étroits qu’entretiennent Paris et Dakar. Le Sénégal aurait-il découvert enfin que l’amitié avec la France est un leurre ?
L’Afrique francophone serait-elle fatiguée de cheminer avec un partenaire dont l'arrogance, la duplicité et l’ingratitude sont de plus en plus dénoncées par la jeunesse africaine ? En tout état de cause, j’aurais souhaité que les pays africains fassent comme l’Erythrée, autrement dit qu’ils soutiennent ouvertement la Russie. Pourquoi ?
Parce que les Soviétiques ont aidé de façon significative les mouvements de libération nationale de l’Angola, du Mozambique, de la Guinée-Bissau, du Cap-Vert, de l’Afrique du Sud, de la Namibie à chasser le colonisateur portugais ou anglais. Combien de pays de l’Afrique subsaharienne l’Europe a-t-elle industrialisés depuis 1960, année des pseudo-indépendances ? Combien d’universités, d’usines et de routes bitumées a-t-elle laissées sur le continent ?
N’est-elle pas impliquée dans la mort des Patrice Lumumba, Ruben Um Nyobè, Félix Moumié, Sylvanus Olympio, Amilcar Cabral, Thomas Sankara et Mouammar Kadhafi ? N’est-ce pas la France de Sarkozy qui faillit tuer Laurent et Simone Gbagbo en avril 2011 ? Grâce à la Russie, la République centrafricaine et le Mali s’éloignent peu à peu de la violence et de l’instabilité.
Voici une puissance qui, en plus de ne pas affectionner les discours creux, sait se faire respecter et milite pour que l’Afrique puisse se gérer elle-même. À moins d’être maudit, peut-on raisonnablement se passer d’une telle puissance ? Aujourd’hui, l’Afrique est à la croisée des chemins. Si elle continue de tergiverser, si elle est incapable de voir avec qui elle peut mieux défendre ses intérêts, elle risque de finir comme l’âne de Buridan qui, faute de choisir entre une botte de foin et un seau d’eau, mourut et de faim et de soif.
Jean-Claude DJEREKE