Affaire "Affi fait du chantage à GBAGBO": Dr Leandre Sahiri répond au journaliste André Silver Konan

Par Ivoirebusiness - Affaire "Affi fait du chantage à GBAGBO". MA RÉPONSE A MONSIEUR ANDRE SILVER KONAN, Par Dr Léandre Sahiri.

Dans un article qu’il a publié le lundi 16 aout 2021, le journaliste André Silver Konan dit que, après avoir lu le document du Communiqué final de la rencontre entre MM Pascal Affi N’Guessan et Laurent Gbagbo, document que certains présentent comme du chantage, il ne voit vraiment pas le chantage.

Et même, il appelle à ce qu'on lui dise qu’il se trompe d’appréciation. Il demande à un homme averti de présenter des arguments, pas des injures, pour lui porter la contradiction. C’est ce que je m’en viens ici et maintenant faire : montrer et démontrer à lui, ainsi qu’à toutes les personnes qui partagent son avis, pourquoi et en quoi ils se trompent.

D’abord et avant tout, il faut savoir que ce document que j’ai moi aussi lu très attentivement de bout en bout, et que M. Affi NGuessan proposait à Gbagbo à Bruxelles contenait un précieux texte qui devrait être rendu public comme étant le « communiqué final » de leur rencontre.

Première observation, on ne parle de « communiqué final » qu’à l’issue d’une rencontre qui a eu lieu effectivement et au cours de laquelle il y a eu un échange et même des accords et/ou des compromis ont été acquis sur des points précis.

Or, ce qu’on constate ici, c’est que le document présenté au président Gbagbo et qui devait ensuite être rendu public avait été prémédité ou préconçu et préparé d’avance par l’équipe de M. Pascal Affi N’Guessan et d’autre part n’attendait plus que d’être validé ou amendé et signé par M. Gbagbo, sous le fallacieux ou malicieux prétexte d’une « réunification du FPI », alors qu’il s’agissait d’augmenter le volume de son électorat pour l’élection présidentielle de 2020.

A ce propos, le 18eme point de ce texte est très clair : « 18/Les Présidents Laurent Gbagbo et Pascal Affi N’Guessan lancent un appel à tous les militants et sympathisants du Front populaire ivoirien, à s’engager résolument dans le processus d’unification du parti en vue de la reconquête du pouvoir en octobre 2020 ».

Deuxième observation, dans le texte du fameux « communiqué final », il est écrit au point 12 que « Convaincues que le Président Laurent Gbagbo, Fondateur du FPI, demeure le garant moral et le référent pour tous les militants du FPI, les deux parties conviennent de l’élection du Président Laurent Gbagbo à la Présidence du Parti.

La première vice-présidence sera assurée par le Président Pascal Affi N’Guessan ». C’est trop grossier ! On voit bien ici le piège et on se demande si M. Pascal Affi N'Guessan pense que M. Laurent Gbagbo a tant et si bien perdu la tête que, sans réfléchir, il va signer un papier où il reconnaît et accepte qu’il a été élu président du parti, sans énoncer de quel parti il s’agit, ni sans préciser où, quand et par qui il a été élu.

Délirant ! N’est-ce pas ? C’est à se demander ce qu’est une élection M. Affi ? Les militants du FPI sont-ils si naïfs qu’ils vont considérer un tête-à-tête entre quatre murs comme une élection ?...

Troisième observation, dans le texte du fameux « communiqué final », il est écrit au point 13 ceci : « En attendant le retour définitif du Président Gbagbo en Côte d’Ivoire, l’intérim de la Présidence du parti sera assurée avec les pleins pouvoirs par le premier vice-président Pascal Affi N’Guessan ».

Ici, on se croirait à Marcoussis ou au Théâtre du Vaudeville. Et, c’est à se demander si M. Pascal Affi N'Guessan n’exige pas une « attestation de pleins pouvoirs » signée des mains du « garant moral et le référent pour tous les militants du FPI » M. Laurent Gbagbo himself, qui serait en quelque sorte un acte lui donnant le pouvoir absolu et ad vitam.

N’est-ce pas une menace sur nos vies, quand on sait qu’il n’a pas hésité à faire écrouer les Assoua Adou, Hubert Oulaye, Djédjé Dano, Albert Douati et autres ; et ce, sans remords ni regret aucun. Juste pour la légalité. Alors !...

Monsieur André Silver Konan, c’est à ce niveau que l’on peut parler de « chantage », si bien entendu on est d’accord avec le dictionnaire Larousse qui définit le chantage (chanter= manipuler) comme étant « un délit consistant à extorquer, à l'aide de menaces, des fonds, des valeurs, une signature d'un acte » ou comme « une action de brandir une menace pour obtenir de quelqu'un quelque chose qu'il refuse ».

Pour Wikipédia, « Un chantage est l’action d’extorquer de l’argent ou tout autre avantage par la menace, notamment de révélations compromettantes ou diffamatoires, des déclarations sournoises ou trompeuses. Le maître chanteur est celui ou celle qui fait "chanter" (càd qui manipule) d’autres personnes. C’est un délit.

Selon le Code pénal français, le délit de chantage est le fait d’obtenir, en menaçant de révéler ou d’imputer des faits de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque (art. 312-10 Code pénal). Le chantage est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

En Angleterre et au Pays de Galles, le délit de chantage ("Theft Act"), c’est le fait qu’une personne, « dans le but d'un gain personnel ou au profit d'un tiers, ou bien dans l'intention de nuire à quelqu'un, exige quelque chose d'indu par la menace». Une personne coupable de chantage est passible d'être jugée et condamnée à une peine de prison. Voilà un aspect patent de la bataille juridique que M. Laurent Gbagbo a refusé d’engager avec M. Pascal Affi NGuessan.

Quatrième observation : en ce qui concerne le « retour en Côte d'Ivoire » de Laurent Gbagbo, M. Pascal Affi N'Guessan n’y a jamais cru (referons-nous à sa parabole de la veuve inconsolable qui s’accroche au cercueil de son défunt mari).

De plus, M. Pascal Affi N'Guessan n’a jamais engagé résolument ni lui-même, ni le FPI dans une quelconque bataille pour la libération de celui qui « demeure le garant moral et le référent pour tous les militants du FPI ». Ceci sous-entend que « l’intérim » dont il est ici question est un CDI ou « un piège sans fin » et que la candidature de Laurent Gbagbo à l’élection présidentielle de 2020 etait une vue de l’esprit.

Cinquième observation, Monsieur André Silver Konan, on pourrait analyser ce document sous l’angle psychocritique ou psychanalytique. En tout cas, il m’a semblé évident que c’est par l’explication psychanalytique que l’on peut mieux comprendre le contenu de ce document et l’état d’esprit du président Pascal Affi N’Guessan.

La psychocritique (ce sera le sujet de l’un de mes prochains livres) est utile à connaître et à pratiquer, à plus d’un titre. C’est la méthode d’analyse inspirée par la psychanalyse et illustrée par Charles Mauron, à partir des thèses du peintre et critique d’art anglais Roger Fry.

Cette méthode d’analyse consiste à étudier une œuvre ou un texte pour relever des relations et des faits issus de la personnalité inconsciente de l'auteur, du locuteur ou du personnage. C’est que la personnalité inconsciente d’un individu, on ne la perçoit pas toujours au premier degré, car bien souvent nous pouvons être abusés par les faux-fuyants, les langues de bois, etc.

En d’autres termes, la psychocritique a pour but de découvrir les motivations psychologiques inconscientes d’un individu, à travers ses écrits ou ses propos et même ses non-dits. Mais, on n’a pas le temps pour cela.

En conclusion et au regard de ce précède, je peux affirmer que j’ai bien lu et bien compris ce document. J’espère aussi avoir bien exposé, avec de bons arguments et sans injures, pourquoi le document a été éventé par la presse bleue du jour et présenté comme du chantage opéré par Affi.

J’espère aussi avoir bien démontré, Monsieur Silver Konan, que vous vous êtes effectivement mépris, et de beaucoup, sur le contenu de ce “Communiqué final ». Par Ignorance ? Hypocrisie ? Subjectivité ? Manque d’esprit critique ? C’est un autre débat.

Sans rancœur et sans rancune !

Dr Léandre Sahiri