4e JOUR D'Audience DE GBAGBO à la CPI: Me Altit sort ses armes - Les auteurs du coup d'État de 1999 épinglés. La France accusée

Le 23 février 2013 par l'INTER - Me Altit sort ses armes.

Hier vendredi 22 février, c'était au tour de Me Emmanuel Altit et ses confrères d'exposer, après la présentation du Document de notification des charges (DNC). Et la stratégie de la Défense conduite par le Français Me Altit s'est bâtie justement à partir de cette présentation. En effet, à l'entame de l'exposé de la Défense, appuyé par des images, elle s'est dégagé une ligne ; celle de retourner à l'origine de la crise pour connaître « les tenants et les aboutissants » de l'affaire.

La Défense est partie du coup d'État du 24 décembre 1999 qui a évincé du pouvoir, l'ex-président Henri Konan Bédié. Du coup, l'on s'est replongé, hier, dans la série des tentatives de déstabilisation du pays, de l'ère Bédié jusqu'à Laurent Gbagbo. Et le débat sur la paternité de la rébellion armée en Côte d'Ivoire a refait surface. Il s'agit pour Me Altit de démontrer que la crise postélectorale n'est que la conséquence du coup d'État de 1999, des tentatives de déstabilisation, de la rébellion de 2002 et des crises qui ont suivi. « Pour comprendre ce dossier et la logique qui sous-tend les accusations du Procureur, il nous faut, dans un premier temps, revenir sur l'exposé des faits du Procureur. (…) Le Procureur expose les faits de manière parcellaire, omettant des faits et des événements essentiels à la compréhension de cette affaire. Sans véritable rappel de l'histoire récente de la Côte d'Ivoire, on ne peut comprendre la crise postélectorale de 2010. La crise postélectorale de 2010 n'est pas, hélas, la première tentative de déstabilisation du pouvoir en place, qu'a connue la Côte d'Ivoire. Les premiers troubles datent de 1999 », a engagé la Défense.

Selon Jennifer Naouri, qui a lu le document de la Défense, tout part de 1999 et les auteurs de ce coup de force interviennent dans toutes les crises qui s'ensuivront jusqu'à la crise postélectorale. Ainsi, la Défense de Gbagbo a, au premier jour de son exposé, trouvé un lien entre les anciens rebelles et l'actuel président ivoirien, Alassane Ouattara, en les présentant individuellement.

Qui sont-ils ?

La Défense de l'ex-président ivoirien commence par Guillaume Soro, l'ex-patron du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), le principal mouvement rebelle ivoirien en 2002 qui deviendra plus tard les Forces nouvelles (FN). « C'est sous son commandement -28 au 30 mars 2011- qu'il y a eu les massacres de Duékoué, où près de 800 personnes ont été tuées. Il est aujourd'hui le président de l'Assemblée nationale et jouit d'une immunité parlementaire », a affirmé Jennifer Naouri. Ensuite, vient Ibrahim Coulibaly dit ''IB''. Il était, relève Me Altit, le garde du corps d'Alassane Ouattara et l'un des principaux acteurs, avec Guillaume Soro, de l'ex-rébellion sur le terrain. La Défense ajoute que IB était le chef du ''Commando invisible'' à Abobo entre janvier, février et mars 2011. Soumaïla Bakayoko est le Chef d'État-major des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), créées pendant la crise postélectorale par Alassane Ouattara.

Mais les avocats de Gbagbo rappellent qu'il a été le chef d'État-major de l'ex-rébellion des FN à Bouaké et « contrôlait 10 zones rebelles ». Ousmane Coulibaly dit ''Ben Laden'' était au plus fort de l'ex-rébellion, le commandant du Mouvement pour la justice et la paix (MJP) basée à Man à l'ouest du pays. Il a été, poursuit la Défense, le commandant de la zone d'Odienné, avant de se voir confier, après la bataille d'Abidjan, le commandement de Yopougon, le principal bastion de Laurent Gbagbo à Abidjan.

La Défense affirme ensuite que '' Ben Laden '' avait des connexions avec Charles Taylor, l'ancien président libérien en prison à La Haye, et qu'il a été nommé en 2012 par le chef de l'État ivoirien comme préfet de la région de San-Pedro, dans le sud-ouest.Chérif Ousmane alias ''Papa Guépard'' ou encore ''le Nettoyeur'', est aussi cité par l'équipe de Me Altit, qui rappelle qu'il est accusé de « graves crimes de sang ». Issiaka Ouattara dit ''Wattao'' est également indexé par la Défense, et accusé de faire du trafic de diamant dans le Nord, une zone alors sous le contrôle de l'ex-rébellion. De même que Losséni Fofana dit ''L'intrépide Loss'', à l'Ouest. Martin Fofié Kouakou, le commandant de la Compagnie territoriale (CTK) de Korhogo, la principale ville du Nord, est par ailleurs cité dans l'exposé de la Défense. Et avec lui Koné Zakaria, qui aurait déclaré dans un meeting (la Défense présente à ce propos une vidéo, NDLR), que « si vous nous supportez, ne le faites pas pour Koné Zakaria, mais pour Alassane Ouattara, celui qui a acheté nos armes (..) qui nous donne 25 millions fcfa par mois ».

Selon la Défense, Koné Zakaria, qui est un initié Dozo, a 1500 Dozo sous son commandement. « Les rebelles le faisaient pour le compte d'un homme, Alassane Ouattara », a martelé la collaboratrice de Me Altit. En expliquant qui étaient les ex-chefs de guerre de la rébellion, la Défense a voulu montrer leur lien avec l'actuel président ivoirien et leur responsabilité dans l'enlisement de la crise ivoirienne. Surtout qu'ils ont tous été nommés à des postes de responsabilité dans l'armée, après la crise postélectorale. A l'en croire, « les seigneurs du nord » étaient soutenus par les puissances étrangères dont la France, qu'elle a citée nommément. « La France fournissait des armes à la rébellion. Chérif Ousmane a reçu beaucoup d'armes des Français. Les entraînements étaient dirigés par des officiers français à Bouaké », a indiqué l'équipe de Me Emmanuel Altit.

Pour elle, les FN étaient plus riches que le pouvoir d'Abidjan sous Laurent Gbagbo et pouvaient donc « recruter des hommes ». En outre, la Défense a soutenu que la presse française était impliquée dans « une campagne de diffamation » contre l'ancien président ivoirien, pour précipiter son départ du pouvoir.

Deuxième accrochage entre Altit et le Procureur

A l'heure de la deuxième pause, soit à 16h30 GMT, le Procureur de la CPI a souhaité que la Défense en arrive au sujet de l'audience et se prononce sur les charges liées à la crise postélectorale, estimant que Me Altit veut ouvrir une brèche politique. « J'ai compris le jeu politique mais les charges sont circonscrites. Que la Défense arrive à un lien avec les charges », a-t-il pressé.

En effet, dans le début de son exposé qui devrait se poursuivre la semaine prochaine, la Défense avait cité deux témoins qui seraient « bien informés » des pratiques de l'ex-rébellion et des événements liés à la crise postélectorale. Un paramètre qui, à entendre le Procureur, ne lui aurait pas été signifié auparavant. « C'est avec plaisir que nous vous renverrons les éléments que vous avez déjà. Si vous nous laissez poursuivre, vous comprendrez où on veut en venir. Alors nous pourrons apprécier les tenants et les aboutissants de cette affaire », a retorqué l'avocat de Laurent Gbagbo, estimant que l'Accusation a fait une présentation « parcellaire et biaisés » des faits. « Vous n'avez pas fait l'exposé des faits, nous le faisons à votre place (…) », a-t-il poursuivi. A noter que la retransmission de l'audience d'hier n'a pas pu se poursuivre après la pause de 30 mn que les parties s'étaient accordée.

Hervé KPODION
NB: Le titre est de la rédaction.

4e JOUR DE L'AUDIENCE DE GBAGBO: L'AUDIENCE SE TRANSFORME EN PROCÈS DE BLÉ GOUDÉ. LA DÉFENSE DÉMONTE MINUTE PAR MINUTE LES ALLÉGATIONS DU PROCUREUR

LE SAMEDI 23 FÉVRIER 2013 PAR (EVENT NEWS TV)

Première session de 14h30 à 15h30.

Comme prévu, le président Laurent Gbagbo est bien présent à l’audience. A l’ouverture, la juge présidente, lance : « Je constate que M. Gbagbo est de retour. Vous vous sentez bien ? »
La présentation du bureau du procureur qui présente aujourd’hui ses preuves sur la responsabilité pénale individuelle de Gbagbo en tant que co-auteur indirect, débutera ses propos par : « Gbagbo était le président de la Côte d’ivoire et le Chef de l’armée ». Et de démontrer en six points, le comportement de M. Gbagbo en lien avec les 4 évènements incriminés.
Pour le bureau du procureur, le président Gbagbo a :
1) --Défini et adopté le plan commun
2) --Crée des structures pour la mise en ouvre de ce plan commun
3) --Fourni des armes à son entourage
4) --Coordonné toutes les opérations
5) --Donné ordre à ses subordonnés
6) --Encouragé ses subordonnés.

Pour étayer ses accusations, M. Reinhold Gallmezter, qui présente les arguments du bureau du procureur énuméra plusieurs exemples. Pour lui, le fait de nommer Charles Blé Goudé, alors, le général de la rue, ministre en charge de la jeunesse avait pour seul but de le légitimer afin qu’il exécute ses ordres. Plusieurs fois, le procureur reviendra sur des réunions tenues soit au palais présidentiel en compagnie de M. Gbagbo, des généraux de l’armée ect..en vue de l’exécution du plan commun. Le témoin « P.44 » affirmera que Charles Blé Goudé suivait les ordres de M. Gbagbo. Le procureur a même parlé d’un courriel saisi dans la chambre à couché de Gbagbo, dans lequel, Séka Séka échangeait avec M. Dyppe pour l’envoie de 3000 Marins en Côte d’ivoire. Un témoin dira que le président Gbagbo avait donné 1 million de Fcfa au ministre de la Défense pour le recrutement de 40 mercenaires du Libéria le 28 avril 2010. Le 1er, mars 2011, le président Gbagbo ordonnera que 50 mercenaires soutiennent les FDS sur le terrain. Le reste du discours du bureau du procureur a été de dire que Blé Goudé était le bras séculier de Gbagbo. Le lien entre Gbagbo et les jeunes patriotes et miliciens pour l’exécution du plan commun. Du Blé Goudé a toujours reçu les ordres directement de Gbagbo aux FDS qui informeraient régulièrement Gbagbo afin de mettre en exécution le plan commun et parfois du Simone Gbagbo qui donnait par moment certaines consignes et en fin du Gbagbo qui encourageait Blé Goudé et ses hommes sur le terrain, le bureau du procureur n’a jusque-là rien montré tant en image qu’en audio les éléments de preuves de ses allégations.

Deuxième session : La riposte de la Défense

Poursuivant sa présentation, le procureur a montré sans démontrer comment le président Laurent Gbagbo contrôlait les FDS, les jeunes Miliciens et les jeunes patriotes. Se référant aux réunions tenues dont ont parlé les témoins.
En conclusion, le procureur affirme que les auteurs physiques et leurs co-auteurs étaient en relation avec le président Laurent Gbagbo. Il savait les agissements des auteurs (FDS, jeunes patriotes, miliciens). Malheureusement il n’a pu rien faire pour les y empêcher. Le fait que ses auteurs physiques aient agi afin de maintenir Gbagbo au pouvoir, est la preuve que M. Gbagbo a engagé sa responsabilité pénale individuelle en tant que co-auteur indirect, au titre de l’article 25(3) (a) et (d).

A la suite de cet exposé, prendra la parole, le juge Hans Peter Kaul qui demandera au bureau du procureur de prouver en quoi, le caractère « supérieur » selon l’article 28 du Statut de Rome fait de Gbagbo, la plus haute personnalité de la chaîne de commandement.
Le procureur répondra qu’au titre de l’article 48 de la Constitution ivoirienne, Gbagbo était le Chef suprême de l’armée.
La juge Christine Van Den Wyngaert demandera à son tour au procureur que celui-ci lui démontre l’organigramme des forces pro-Gbagbo afin de comprendre leur mode de fonctionnement. « Nous allons y répondre par écrit » répond le procureur.

A la suite de la présentation du bureau du procureur, c’est au tour de la Défense d’exposer sur les faits allégués. La parole est ainsi revenue à Jennifer Naori (défense) de faire les observations de la défense suite à l’exposé du procureur. Selon elle, pour comprendre la crise postélectorale dont le procureur parle, il est important de remonter le temps, car 2010 n’est pas le début de la crise en CI. Elle se lancera donc dans l’historique de la crise depuis le 24 décembre 1999. De la prise du pouvoir de Guei Robert à celle de Ouattara en 2011.
Dans un exposé en power point, la jeune juriste démontrera comment les hommes clés actuels de Ouattara ont endeuillé la Côte d’ivoire depuis 99. Avec des photographies à l’appui correspondant à chaque personnage : Soro-IB-Soumaïla Bakayoko-Ousmane Coulibaly (ben laden)-Chérif Ousmane- Losseni Fofana- martin Kouakou Fofié- Koné zacharia.
Elle démontrera le mode de fonctionnement des rebelles depuis le nord du pays. Les rackets, les meurtres, les pillages des ressources naturelles (or, diamant, coton…). Elle affirmera que la France y est pour l’armement des rebelles. En 2005, selon un témoin (P.2) racontera que c’est bien la France qui arme les rebelle et ce jusqu’en 2008.

3e session : suite de la riposte de la défense

A la reprise, Jennifer Naori dénonce comment le procureur a voulu tronquer l’histoire. « Le procureur en restant flou sur l’organisation des FN, ignore qu’il existe bel et bien un groupe d’individus qui terrorisait la population, bien avant et bien après les élections de 2010 ». Elle prendra à témoin les dires du procureur lui-même qui dans sa déclaration liminaire le 19 février 2013, a parlé des FN qui ont été rebaptisés FRCI. « Le procureur veut par ses démonstrations corrompre l’histoire ». « Gbagbo n’a cessé de tendre la main à ses opposants » dira-t-elle. En réponse au procureur qui affirmait que bien avant les élections, le président Gbagbo avait réuni toutes les conditions pour se maintenir au pouvoir. Elle fera la liste de tous les Accords signés de Lomé à Ouagadougou en passant par Marcoussis, Accra…
Malgré cette main tendue, les rebelles n’ont jamais désarmé.
La défense prendra à témoin, le même témoin du procureur (P.44) qui affirme que les rebelles n’ont jamais voulu désarmer. Le même témoin affirmera que la flamme de la paix en 2007 à Bouaké n’était que politique et que les rebelles n’allaient jamais désarmer.
Quant aux allégations du procureur, parlant toujours de la volonté de Gbagbo de se maintenir au pouvoir, Jennifer Naori répondra que si son client avait cette intention, il n’allait pas organiser les élections de novembre 2010, qui furent organisées bien que les rebelles n’aient pas désarmé. « Gbagbo a tout cédé. Il a même fait de Soro le chef des rebelle, Premier Ministre. La CEI était à majorité de l’opposition ».
La défense diffusera une vidéo dans laquelle, le président sud africain, Thabo Mbeki affirme que les conditions n’étaient pas réunies pour l’organisation des élections en Côte d’Ivoire. « Malgré cela et sous la pression de la communauté internationale, Gbagbo a organisé les élections» précise la Défense.
Concernant la promotion des officiers qui devaient obéir à Gbagbo par la suite, la défense informe qu’aucune promotion n’ait eu lieu avant novembre 2010 dans l’armée. Tous les officiers gradés en décembre 2010 étaient déjà des officiers supérieurs.
La défense a ensuite parlé longuement des fraudes qui ont eu lieu dans le nord du pays pendant les élections présidentielles. Fraudes dénoncées par toutes les organisations de supervision. La défense diffusera une vidéo de l’ancien Premier ministre togolais, Joseph kokou koffigo, alors président de la mission d’observation de l’union africaine pour ces élections qui a dénoncé ces fraudes dans le nord. Enfin, s’agissant de la proclamation des résultats , la défense informera la cour qu’en Côte d’Ivoire, il ne revient pas à la CEI de déclarer un candidat vainqueur des élections, mais au Conseil Constitutionnel. C’est ce qui a été fait le 2 décembre 2010, en proclamant Laurent Gbagbo vainqueur des élections. Ce dernier prêtera serment le 4 décembre 2010. « Le procureur en ignorant tous ces faits, déforme les faits juridiques » a conclu Jennifer Naori. Qui poursuivra son plaidoyer le lundi 25 février 2013 à partir de 14h30.

Coulisses :
-- Gbagbo était présent durant toute la séance.
-- Gbagbo a félicité Jennifer Naori à bras ouvert à la fin de son speech
--Au début de l’audience Gbagbo a passé une partie du temps à consulter la Constitution ivoirienne que Me Barouan lui a glissé.

De Philippe Kouhon/ envoyé spécial à la Haye (Eventnews Tv)