Alain CAPPEAU, Conseiller Spécial du Président Laurent Gbagbo : Procès Laurent Gbagbo, et si la « raison d’Etat » légalisait l’erreur judiciaire !

Le 24 janvier 2012 par IvoireBusiness - Défense de Laurent Gbagbo. Après, Rhétorique et droit constitutionnel doivent être les deux axes de défense des droits de Laurent Gbagbo,

après, Défense de Laurent Gbagbo, vigilance OUI, procès d’intention NON, je vous présente une 3em réflexion intitulée : Procès Laurent Gbagbo, et si la « raison d’Etat » légalisait l’erreur judiciaire !

Alain Cappeau, Conseiller spécial du Président Laurent Gbagbo.

Le 24 janvier 2012 par IvoireBusiness - Défense de Laurent Gbagbo. Après, Rhétorique et droit constitutionnel doivent être les deux axes de défense des droits de Laurent Gbagbo,

après, Défense de Laurent Gbagbo, vigilance OUI, procès d’intention NON, je vous présente une 3em réflexion intitulée : Procès Laurent Gbagbo, et si la « raison d’Etat » légalisait l’erreur judiciaire !

Le cas Laurent Gbagbo, au travers des procédures qui l’auront amené là où il est, ne peut pas encore être qualifié d’erreur judiciaire. Dire, pas encore, suppose que cela puisse arriver, comprenons donc l’expression, pas encore, au sens d’une probabilité événementielle qui pourrait procéder de causes discrètes qu’il nous appartient d’étouffer dans l’œuf.
Les conditions inhumaines de sa déportation comme de son enlèvement ont largement été traduites devant le tribunal de l’illégalité, nous en avons longuement parlé et nous nous sommes également largement exprimés, d’une manière pertinente et lucide dans les médias. Mais ! Plus on s’éloigne d’un événement plus on en perd de sa tonicité, ce qui me fait souvent dire qu’un événement en chassant un autre on aura tôt fait de ne retenir du premier que quelques images marquantes brouillées par l’usure du temps
Ce qui est fait est fait et doit impérativement nous instruire sur ce qui pourrait être fait dans la même veine, d’où l’inquiétude qui peut faire pressentir un danger. On a piégé Laurent Gbagbo une fois première fois, pourquoi ne serait-il pas piégé une deuxième fois !
Si dénoncer l’inhumain c’est se révolter, anticiper l’inhumain c’est raisonner sans se perdre en conjectures pour faire en sorte que l’inhumain n’ait plus droit de cité. Je disais dernièrement, dans mon deuxième article, vigilance Oui, procès d’intention NON, eh bien en la matière je persiste et je signe en disant qu’il est préférable d’être un moraliste plutôt qu’un moralisateur et qu’au lieu de punir à postériori, mieux vaut surveiller en se mettant dans la posture du Big Brother de George Orwell.
N’oublions pas que la morale est un indice de civilisation et plus on la perd, ce qui est le cas aujourd’hui en Côte d’Ivoire, plus on s’enfonce dans la barbarie, dans le liberticide.
Laurent Gbagbo aujourd’hui incriminé d’un certain nombre de chefs d’inculpation est détenu provisoirement à La Haye et l’instruction est en cours. Parler d’erreur judiciaire c’est se placer du côté de la conséquence d’un jugement, étant donné qu’il n’y a pas encore eu de procès on ne peut pas parler de jugement, donc il n’y a dans mon raisonnement rien de diffamatoire ni même d’inquisitoire.
Attendons l’ouverture du procès, si tant est qu’il y ait une ouverture, puis voyons comment les choses vont se dérouler à deux niveaux : officiellement au vu et au su de la Communauté internationale et en coulisse dans le secret des antichambres de chancelleries. Dans tous les cas, sauf si ce procès se déroule dans un huis-clos imposé par quelques institutions subversives, il sera pour Laurent Gbagbo une tribune internationale sans précédent.
On a donc le temps de se retourner, sans attendre qu’on nous rétorque : désolés, il y a autorité de la chose jugée ! Il serait alors trop tard.
Certes il est dangereux d’apprécier voire de juger à priori, mais dans le cas d’espèce qui nous concerne, un homme averti en vaut deux. Les sympathisants de Laurent Gbagbo ne sont pas crédules, ils sont peut être, à mon sens, un peut trop attachés à cette morale chrétienne qui se fonde sur la foi en un Dieu transcendant qui serait source de toute justice et qui viendrait tout régler pour nous! Il faut faire la part des choses, car comme on a coutume de le dire « aides-toi et le ciel t’aidera ». Par ailleurs, parler d’amour de foi ou de charité avec l’exécutif en place en Côte d’Ivoire serait comme apporter une écuelle de lait à un lion affamé dans la brousse ! Ne soyons pas naïfs !

Si je me réfère à Machiavel qui disait : « Je crois qu’il est plus sûr d’être craint que d’être aimé » alors Laurent Gbagbo est aujourd’hui dans une très grande insécurité, donc dans une dynamique potentiellement inique.
Je ne fais bien sûr pas allusion à sa situation de détenu à la CPI qui serait plutôt, pour le coup « rassurante » si on la compare à ce qu’était celle de Korhogo ! Mais plutôt à ce que pourrait impliquer l’évocation d’une « raison d’Etat », par l’Etat ivoirien, pour contrarier son procès à venir, ce qui aurait pour conséquence de maintenir Laurent Gbagbo en détention illégale quelques longues années, et ce sans autre explication que celui de la raison d’Etat qui ferai peser encore plus de suspicions sur l’illustre détenu.
En effet la « raison d’Etat » est souvent invoquée, pour justifier des décisions dont l’utilité pour maintenir le « bon fonctionnement » d’une société n’est pas évidente. Elle semble alors servir à justifier un exercice abusif du pouvoir étatique. L’Etat en Côte d’Ivoire n’ayant pas été institué par le peuple, ne représente donc pas ce dernier, et n’a donc pas à lui rendre des comptes. N’ayant pas à rendre des comptes l’Etat ivoirien pourra donc se prévaloir de cette prérogative, qui est de brandir le motif de « raison d’Etat », en toute impunité, d’une manière arbitraire et unilatérale. Là il y a danger !
Sous couvert de « raison d’Etat » une procédure quelle qu’elle soit ne s’embarrasserait pas de morale, ce qui permettrait de faire passer sous le boisseau les chefs d’inculpation qui ont permis de déférer Laurent Gbagbo à la CPI, et en occultant ces chefs d’inculpation on (ils) pourrai(en)t faire d’une pierre deux coups et disculper d’autres potentiels inculpés que pourraient être le chef de la rébellion de 2002, son adjoint et ses biffins communément appelés Com’zones.
La valeur d’une politique comme celle menée en Côte d’Ivoire, se mesure en termes d’efficacité. Si pour être efficace il faut détourner les lois ou se placer au dessus d’elles, ou s’il faut maintenir Laurent Gbagbo en détention ad vitam aeternam, tout les excès seront alors légitimés, mieux, ils seront honorés et gratifiés, la fin justifiant les moyens.
La différence fondamentale qu’il y a entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara est que l’un a toujours défendu la notion de démocratie comme étant un contrat social, un pacte par lequel les ivoiriens et ivoiriennes vivraient en société en déléguant à une autorité politique le soin de veiller au bien commun et à la liberté de chacun, alors que l’autre a toujours considéré que la volonté générale n’était qu’une illusion et que tout Etat devait fatalement tendre à devenir une machine autoritaire, pour être au service de la dictature de la majorité ou de la tyrannie d’un seul.
Ce dernier ayant pour l’instant toutes les cartes en main, il est de fait légitime de penser qu’il puisse, aidé de quelques sbires créanciers occidentaux, faire infléchir des décisions qui pourraient changer le cours d’une procédure judiciaire, dont il est à l’origine.
« Raison d’Etat », n’est pas secret médical ! Je ne dis pas pour autant que la raison d’Etat ne soit pas nécessaire à un pouvoir pour gouverner, je dis qu’en son nom toutes les dérives sont possibles, comme ont été possibles toutes les interprétations et autres périphrases liées aux résolutions des Nations Unies dans la crise ivoirienne, et comme dirait Voltaire, « Il faut être prudent, mais non pas timide », c’est tout et seulement ce que je demande aux défenseurs de Laurent Gbagbo.
Avec du recul, on s’aperçois qu’on assiste aujourd’hui, tant en Europe qu’en Afrique à l’émergence d’une caste de gouvernants persuadés de leur légitimité à décider pour les autres, pire à penser qu’ils seraient destinataires d’un message divin. Ce sont souvent des illuminés aux égos surdimensionnés qui marchent sur les eaux en voulant être les maîtres du monde Cette attitude qui retourne d’un comportement clinicien peut amener ces gouvernants à nous rejouer le procès, remixé, des templiers.
Bien entendu, je ne souhaite pas au travers de ces propos être un oiseau de mauvaise augure, je tiens simplement à faire comprendre que la loi, quelle qu’elle soit, à son revers de médaille. Elle fait naître le désir de sa transgression, comme le bien engendre le mal qui se nourrit du bien ! Partant de là, je dis, attention à ce qu’un motif de « raison d’Etat »ne soit le masque que mettrait un pouvoir collusoire, sur des actes qui seraient en réalité injustifiables et arbitraires.
Revenons un instant sur la notion d’erreur judiciaire, dont l’expression en droit n’est pas reconnue car on lui préfère l’euphémisme, « annulation de condamnation »
En soi, l’erreur judiciaire n’est pas condamnable si on admet que l’erreur est humaine, que la justice peut être défaillante, mais que des juridictions supérieures dans le cadre de mécanismes de recours , sont là pour rattraper des mauvaises interprétations qui donneraient lieu à des inculpations ou des acquittements contestables.
L’erreur serait donc « acceptable » si elle n’était que la conséquence de comportements non tendancieux de l’homme, en revanche si la vérité judiciaire n’était que le résultat de délires d’interprétation guidés, par des fabricants de preuves, par des individus immoraux ou des institutions soudoyées, alors là je dis : danger ! Evitons un débat sordide à postériori et préférons la prévention qui nous aide à anticiper l’avenir pour servir l’action présente.
La « bonne erreur » n’est donc pas une faute, mais simplement une façon de s’améliorer.
Il nous faudra donc à tous, et pas simplement aux avocats de Laurent Gbagbo, organiser méthodiquement nos démarches, rassembler les informations terrain, stimuler nos imaginations dans un objectif de rhétorique procédurale ultérieure, et donner de la cohérence aux scénarios éventuels et stratégies de défenses possibles.
Pour nous sortir de l’incertitude, reconstruisons le passé tel qu’il a été tricoté par les vandales qui ont conduit Laurent Gbagbo à la CPI, puis déconstruisons le, pièce par pièce pour le rendre lisible et ainsi trouver le défaut de sa cuirasse, alors nous pourrons reconstruire les vrais vérités, pour imposer nos règles du jeu et éviter la pire à Laurent Gbagbo.
Il suffit de procéder avec méthode pour parvenir à la vérité, pour parvenir à tirer le bon grain de l’ivraie.
Je me souviens que Laurent Gbagbo nous disait, en parlant de démocratie: « Il faut vouloir ce qu’on ne peut empêcher », eh bien prenons à notre compte cette belle remarque et considérons que ce qu’on ne peut empêcher c’est l’acquittement de Laurent Gbagbo dans son procès à venir. Alors voulons cet acquittement ! Considérons que nous sommes nous-mêmes inculpés, et qu’il nous appartient de fourbir nos propres armes pour nous défendre, car la lutte est le fondement de toute relation sociale.
La violence, sans pour autant qu’elle ait valeur de droit, est légitime si, et seulement si, elle a pour finalité de mettre un terme à une autre violence et de renouer avec un dialogue jusqu’alors impossible. Dans mes propos il ne faut pas considérer la notion de violence dans une acception guerrière, physique ou brutale qui porterait atteinte à l’intégrité physique de quelqu’un, mais simplement dans une idée de contrainte intellectuelle, pour que l’irréparable n’arrive pas.
Si le sympathisant de Laurent Gbagbo ne peut pas juger de toutes les subtilités de la science judiciaire, il peut cependant conserver son esprit critique et se dire que son devoir est de refuser la soumission à la fatalité d’une justice qui pourrait être asservie en étant dès lors, uniquement la manifestation d’un pouvoir impersonnel dangereux.

Une contribution d'Alain CAPPEAU
Conseiller Spécial du Président Laurent Gbagbo.
Nommé par décret Présidentiel N° 2007584 en date du 21 Septembre 2007.