ELECTION PRESIDENTIELLE EN CÔTE-D’IVOIRE : ENTRE ESPOIR ET DESESPOIR, VERS LA FIN DE LA SORCIECRATIE ?

Le 02 novembre 2010 par Autre presse - Toute démocratie reste fragile et instable, quand elle n’est pas inculquée aux esprits. Elle n’est stable et durable que par sa

De Copaci.

Le 02 novembre 2010 par Autre presse - Toute démocratie reste fragile et instable, quand elle n’est pas inculquée aux esprits. Elle n’est stable et durable que par sa

présence dans les mœurs des citoyens. Elle est garantie quand les institutions chargées de la maintenir et de la promouvoir lui vouent une sacro-sainte considération. A contrario, la démocratie est marquée par une instabilité chronique, quand elle reste tributaire du hasard, des fanatismes, des humeurs et des passions politiques égoïstes. La démocratie doit être la Transcendance organisatrice et ordonnatrice du fait politique. L’éthique doit être le souffle vital et l’aiguillon de la politique déterminée à ne pas sombrer dans le tragique. Démocratie et Ethique sont fondatrices de la stabilité politique et de la paix sociale. En se détournant plus ou moins de ces fondements, la Côte-d’Ivoire est entrée dans une ère ténébreuse et tragique de son histoire. Les politiques et les citoyens en général ont confié la paix sociale au hasard, ignorant qu’elle est le produit d’une construction consciente et hautement « sacrificielle ».
Depuis le 23 décembre 1999, date du coup d’Etat ayant éjecté du pouvoir le vieux régime PDCI (Parti démocratique de Côte-d’Ivoire), les acclamations des nouveaux jours, marquant l’avènement d’une nouvelle ère démocratique, ont vite cédé la place à l’amer désenchantement. De tentatives de coups d’Etat en tentatives de coups d’Etat, toujours soldées par des échecs, l’illusion d’un Etat fort s’est emparée de certains esprits. Ils étaient plongés dans l’illusion d’un Etat fort ne pouvant subir aucune égratignure et d’une armée solide et puissante prête à bondir sur toute proie déstabilisatrice pour la dévorer. Puis arriva le choc violent de la rébellion, ayant eu la stratégie de la scission mais non le courage de sécession.
Jusque là la démocratie balbutiait, tâtonnait. Depuis le 19 septembre 2002, elle est entrée dans un mutisme déconcertant et révoltant ; elle ne tâtonne plus, elle a pris un violent coup rebelle pour se retrouver au sol. Cette démocratie agonisante, du fait de la rébellion, avait impérativement besoin d’un traitement exceptionnel, d’un étrange cocktail thérapeutique. Trente six résolutions onusiennes, cinq principaux accords (Lomé, Marcoussis, Accra, Pretoria, Ouagadougou), deux lois d’amnistie, des amendements et adoptions de lois, des décisions et décrets spéciaux, la formation de l’hydre gouvernementale, appelée depuis Marcoussis gouvernement de réconciliation, la mise en veilleuse de la constitution, mais l’usage de son « omnipotent » article 48.
La malheureuse ironie du sort est que la rébellion, par ces caprices et pour ses intérêts particuliers, a offert cinq ans de plus au pouvoir qu’elle était déterminée à renverser. Peut-être faudra-t-il redéfinir dans la realpolitik la rébellion comme un mouvement servant dans certains cas à maintenir un pouvoir établi et non à le reverser. Les pratiques dilatoires, retardant la sortie de crise, profitaient à tous ceux du pouvoir, de l’opposition, de la rébellion, des citoyens et des étrangers, qui avaient des intérêts particuliers ou égoïstes à promouvoir et à préserver par l’existence même de la rébellion et de la crise.
Heureusement, le processus de rupture d’avec la crise semble sur le point de s’achever, tout semble concourir au retour de la paix. Mais encore faut-il que cette paix soit inscrite dans le hic et nunc et non gravée dans un horizon inaccessible. Malgré l’apparence du caractère irréversible du processus de paix, Il serait prudent de prendre de la distance vis-à-vis de l’optimisme béat. Comme Thomas dans l’Evangile de Jean, ne faut-il pas voir avant de croire ? En réalité, la paix semble peu assurée par cette élection présidentielle. Cela explique bien l’appel au secours lancé au religieux par le politique. Cet appel au secours traduit une malheureuse démission des politiques, leur incapacité à assurer la formation et la sensibilisation démocratiques de leurs militants, pour construire et garantir la paix. La question reste ouverte de savoir si la ferveur et la foi religieuses pourront dompter le fanatisme politique. A ce fait il faut ajouter tous ces actes antidémocratiques et toutes ces violences politiques croissantes en intensité et en nombre à l’approche de l’échéance électorale. Comme moyens de prévention et de règlement de la situation sont menées des campagnes médiatiques de sensibilisation pour des élections apaisées et paisibles. Ces campagnes médiatiques montrent bien que vingt ans après le retour au multipartisme, la Côte-d’Ivoire est à l’âge primaire de la démocratie, par la faute des partis politiques qui n’ont pu et n’ont su donner une formation politique et démocratique adéquate à leurs militants et sympathisants, en dépit de leur financement à coût de milliards par l’argent des contribuables. Cet âge primaire de la démocratie est aussi traduit par la présence d’observateurs tant nationaux qu’internationaux, dont la mission, dit-on, est de valider le caractère démocratique des élections. Mais les grandes nations démocratiques n’ont pas besoin d’observateurs, elles vivent leur démocratie s’auto- validant.
Malgré tout, il faut aller à ces élections. Dans ce dernier virage pour des élections de sortie de crise, d’aucuns verront l’effet prodigieux de l’Accord politique de Ouagadougou. L’opinion politique qui soutient que ses élections sont dues à l’accord politique de Ouagadougou ne fera peut-être qu’affirmer sa force, non la vérité. Ce serait donner trop de pouvoir à cet Accord du 4 mars 2007, qui n’a pu conduire les ivoiriens à des élections trois ans après sa signature. Plus de trois ans après la signature de cet accord, deux causes déterminent ses élections dont la tenue semble de plus en plus se confirmer. Ces causes sont la pression de la communauté internationale et le problème de la légitimité démocratique du pouvoir.
Il a fallu éviter les sanctions sévères de la communauté internationale et l’isolement diplomatique. Cette communauté internationale ne pouvait trop longtemps accepter que restent sans effets concrets ses investissements financiers, humains et militaires, par la faute des preneurs d’otage du peuple ivoirien, du cynisme et du sadisme de la sorciécratie politique. La Côte-d’Ivoire ayant constitutionnellement fait le choix de la légitimité démocratique comme « élément régulateur décisif de l’ordre », il apparaissait de plus en plus évident que cette carence de légitimité démocratique laisserait la porte ouverture à toute forme d’aventure militaro-politique susceptible d’aggraver et de prolonger la souffrance des ivoiriens. Il fallait éviter une forte ébullition de la marmite ivoire, susceptible d’éjecter le couvercle et de déverser la soupe de la paix en préparation depuis huit ans.
Heureusement que tout semble aller dans le bon sens souhaité par la grande majorité des ivoiriens, dans le sens des élections, dans le sens de la paix. La campagne électorale bat son plein tous azimuts. Quatorze candidats à la conquête du pouvoir. Mais y a-t-il vraiment quatorze candidats ? Ne faut-il pas compter des pseudo-candidats dans cet ensemble ? L’ère de la démocratie est aussi l’ère de la sous-traitance politique. Il faut compter dans cet ensemble un nombre important de sous-traitants politiques, de « second couteaux », suscités ou librement constitués. Ces sous-traitants politiques ne misent que sur le second tour de l’élection présidentielle pour faire une bonne affaire, pour jouir du fruit des 20 millions de francs CFA investis dans le cautionnement de leur candidature. Un mois d’occupation d’un poste ministériel ou d’un poste de direction juteux suffit pour récupérer les fonds investis. C’est l’effet de corruption gourmande. Le second tour de l’élection présidentielle rimera donc avec une véritable vente aux enchères. Les acheteurs de voix devront être très généreux, et avoir beaucoup d’argent dans leur cagnotte. Car les sous-traitants ne vendront qu’au plus offrant. Les seconds « couteaux » ou candidats sous-traitants espèrent ainsi faire une bonne affaire dans la vente de leur bétail électoral. Pourvu que les électeurs aient perdu leur liberté de conscience et de choix, il faudra compter sans doute sur de telles transactions politiques pour connaître le future Président des ivoiriens. En attendant, les sous-traitants n’ont qu’une seule prière : qu’il y ait absolument un second tour électoral pour recouvrer et faire fructifier les fonds investis. Ainsi va la politique !

ZEKA TOGUI, COPACI_INFOMAIL