L’acquittement total de Laurent Gbagbo : signe, parmi d’autres, du déclin de la France ? Par Jean Claude DJEREKE
Par Ivoirebusiness/ Débats et Opinions - L’acquittement total de Laurent Gbagbo : signe, parmi d’autres, du déclin de la France ? Par Jean Claude DJEREKE.
Le 31 mars 2021, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont été définitivement acquittés.
On a beau vouloir se réjouir de la décision prise par 3 juges de la chambre d’appel contre 2, on a beau vouloir danser le gbégbé, comme le peuple bhété sait si bien le faire quand il est dans la joie, pour célébrer le rejet de l’appel de la procureure Fatou Bensouda par les juges,
il est difficile de se défaire d’un sentiment de déception et de dégoût, de ne pas ressentir un certain “malaise devant l'inhumanité de l'homme même” (Albert Camus dans ‘Le mythe de Sisyphe’).
Pourquoi ? Parce que c’est depuis le 16 janvier 2019 que Gbagbo et Blé Goudé, reconnus non coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, auraient dû retrouver la terre de leurs ancêtres.
Après qu’on l’eut gardé injustement en prison pendant 8 ans malgré l’incohérence de la thèse et l’extrême faiblesse des preuves de l’accusation, Laurent Gbagbo perdit 2 autres précieuses années de sa vie, parce que la France ne voulait pas le voir participer à l’élection du 31 octobre 2020 qu’il aurait gagnée haut la main,
tant il reste populaire et aimé par une grande majorité d’Ivoiriens, parce que Ouattara n’avait pas fini de payer sa dette (rembourser tout l’argent ayant servi à acheter des armes et munitions) à la France qui l’installa dans le fauteuil présidentiel au mépris de la Constitution ivoirienne qui stipule que seul le Conseil constitutionnel est habilité à proclamer le vainqueur de l’élection présidentielle,
parce qu’il fallait remettre notre pays sous-tutelle française, parce qu’il était important pour le gouvernement français d’alors de permettre à Ouattara de travailler tranquillement, “travailler” signifiant ici accorder le maximum de marchés et de privilèges aux entreprises françaises.
Voilà les raisons pour lesquelles Gbagbo fut déclaré battu par une commission électorale qui, en plus d’être forclose, n’avait pas le droit de donner les résultats définitifs du scrutin ; voilà pourquoi le voyou et inculte Sarkozy l’éloigna de son pays, le 30 novembre 2011.
Tout le reste, à savoir les crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui lui furent imputés alors qu’il s’était engagé, lors de sa prestation de serment, à défendre la Nation chaque fois qu’elle serait attaquée, n’est qu’arguments fallacieux.
La France a traité Laurent Gbagbo comme elle n’aurait jamais traité un Francais pur sucre et ceux qui sont perçus, dans cette France, comme des intellectuels, des humanistes, des démocrates ou des autorités morales (les évêques, les prêtres, les congrégations religieuses, les imams, les rabbins et les pasteurs) n’ont nullement été choqués,
scandalisés, révoltés comme Émile Zola le fut lorsque le capitaine Alfred Dreyfus fut condamné à la place du vrai coupable. Ils n’ont pas osé lever le petit doigt parce que, tout en se défendant d’être racistes et tout en professant qu’il existe une seule race,
ils croient dans leur for intérieur que le Noir est inférieur au Blanc et que nul ne devrait s’apitoyer sur son sort. L’ancien président ivoirien a été traité pire que Barabbas alors que les vrais criminels sont au pouvoir à Abidjan, s’enrichissant avec l’argent de la drogue, détruisant peu à peu la jeunesse ivoirienne avec cette drogue, les uns cherchant à empoisonner les autres afin de jouir tout seuls des avantages du pouvoir.
Pour certains partisans de Dramane Ouattara, Laurent Gbagbo, ayant été condamné le 18 janvier 2018 par une cour aux ordres à 20 ans de prison ferme pour “braquage” de la Banque centrale des États de l’Afrique occidentale, n’est pas complètement tiré d’affaire.
Ces gens, qui ne s’intéressent qu’aux victimes de leur camp, s’ils faisaient l’effort de quitter un peu leur ignorance et leur fanatisme primaire, comprendraient qu’aucune action en justice ne peut être intentée deux fois pour la même cause d’action (non bis in idem, disaient les Romains).
Ils peuvent continuer à rêver et à gesticuler, ces crétins du RDR, mais cela importe peu. Le plus important, aujourd’hui, c’est, d’une part, la comparution de l’autre camp (Ouattara, Soro Kigbafori, leurs parrains extérieurs et chefs militaires) si la Cour pénale internationale (CPI) se veut vraiment juste et impartiale et, d’autre part, la réponse aux questions suivantes : les Africains passeront-ils les dix années volées à Laurent Gbagbo par pertes et profits ?
Devront-ils pardonner à tous ceux qui ont trempé dans cette cabale ? Calixte Beyala ne le souhaite point. Pour l’écrivaine camerounaise, les Africains doivent demander des comptes à Bensouda et à la CPI.
Pour ma part, je conseillerais à toutes les personnes qui se sont battues pour la libération de Laurent Gbagbo de demander des réparations et de porter plainte non seulement contre Sarkozy, de Villepin, Gérard Longuet, Juppé, Alliot-Marie, Fillon, Hollande,
Jean-Marc Simon mais aussi contre les journalistes corrompus, haineux et racistes comme Christophe Barbier, Christophe Boisbouvier, Vincent Hugeux et Gauthier Ribinsky. Car, dorénavant, nous devons riposter aux moqueries et insultes, ne plus laisser faire, ne plus permettre à n’importe quel va-nu-pieds français de nous piétiner ou de nous brimer injustement.
Ce que le Guinéen Samory Touré, l’Ivoirien Kadjo Amangoua, le Dahoméen Béhanzin, le Malien Ahmadou Tall et le Sénégalais Alboury Ndiaye ont en commun, c’est la déportation et la mort en exil : les deux premiers résistants au Gabon, le troisième à Alger, le quatrième à Sokoto (Nigéria) et le dernier à Dosso (Niger).
Il y avait comme une malédiction qui poursuivait les résistants africains. Beaucoup d’entre nous avaient ces faits en tête et étaient donc persuadés que Gbagbo mourrait à la Haye. Libéré définitivement fin mars 2021, l’ex-président ivoirien a en quelque sorte vaincu le signe indien.
Ceux qui croient en Dieu diront alors que “y a Dieu dedans” et que, si Gbagbo est sorti vivant de la CPI, c’est parce qu’il n’a pas achevé la mission que l’Éternel lui a confiée. Tel est le premier enseignement que l’on pourrait tirer de cet acquittement.
Le second peut être formulé de la manière suivante : ceux et celles qui luttent pour la vérité et la justice ne luttent pas en vain. Tôt ou tard, ils obtiennent gain de cause. Cela s’est vérifié pour Alfred Dreyfus innocenté et réhabilité le 12 juillet 1906. L’écrivain Émile Zola, pour avoir pris fait et cause pour lui, fut rayé de la Légion d’honneur et dut s’exiler à Londres.
Cela se vérifie aujourd’hui pour Laurent Gbagbo dont la France politique n’a jamais accepté l’indépendance d’esprit. De ces deux retournements de situation, il découle clairement que seules la détermination et la persévérance des Africains viendront à bout de la Françafrique qui est pire que le sida et le coronavirus réunis.
Troisième et dernière chose : quelques jours avant l’acquittement de Laurent Gbagbo, l’ONU a publié un rapport qui accuse les soldats français d’avoir tué, le 3 mars 2021, 19 civils maliens. Jusqu’à l’élection du Portugais Antonio Gutterres, les autorités onusiennes avaient coutume de couvrir les tueries et crimes sexuels de l’armée française en Afrique.
En Côte d’Ivoire, par exemple, non seulement le massacre des 64 jeunes devant l’hôtel Ivoire en novembre 2004 ne fut jamais dénoncé mais l’ONU utilisa en janvier 2011 ses hélicoptères pour transporter les rebelles de Bouaké à Abidjan en contournant l’aéroport de Port-Bouët.
Les 14 historiens français, à qui Emmanuel Macron avait demandé de plancher sur le rôle de la France au Rwanda pendant le génocide de 1994, reprochent au gouvernement français de l’époque (François Mitterrand et Édouard Balladur cohabitaient) un aveuglement et un alignement sur le régime Habyarimana,
une livraison d’armes à l’armée hutue et un entraînement des génocidaires par des militaires français. Faut-il regarder ces événements ainsi que l’acquittement de Laurent Gbagbo comme des signes ?
Si oui, de quoi ces signes seraient-ils annonciateurs ?
Une contribution Jean-Claude DJEREKE