Interview, Exclusivité, Abel NAKI, président du Cri Panafricain : « Rien ne faiblira la résistance des ivoiriens en France »
Le 24 septembre 2011 par IvoireBusiness - De retour du Ghana, Togo et Bénin où il a conduit une mission de solidarité, Abel Naki, rendra compte le 7 octobre prochain à Paris.
Avant cet évènement très attendu, le leader de la résistance ivoirienne en France, revient sur les conditions de vie des réfugiés ivoiriens, mais aussi sur les contradictions qui ont cours au sein de son mouvement.
Le 24 septembre 2011 par IvoireBusiness - De retour du Ghana, Togo et Bénin où il a conduit une mission de solidarité, Abel Naki, rendra compte le 7 octobre prochain à Paris.
Avant cet évènement très attendu, le leader de la résistance ivoirienne en France, revient sur les conditions de vie des réfugiés ivoiriens, mais aussi sur les contradictions qui ont cours au sein de son mouvement.
Vous étiez récemment en Afrique où vous avez visité plusieurs camps de réfugiés ivoiriens mais aussi rencontré les membres de l’ancien pouvoir d’Abidjan. Globalement, quel est leur état d’esprit et comment vivent-ils cet exil ?
Nous sommes allés au Ghana, au Togo et au Bénin pour rencontrer les ivoiriens exilés et réfugiés. Il faut juste retenir qu’il y a plusieurs catégories de réfugiés : Il y a nos cadres, les leaders d’opinion et le reste de la population qui se trouve dans les camps de réfugiés.
Nous étions partis essentiellement pour rencontrer les réfugiés, c’est-à-dire ceux qui vivent dans des conditions déplorables. Nous leur avons donné les dons (numéraires transformés en nature) que les ivoiriens ont fait ici même à Paris lors de la levée de fonds du 13 juillet dernier. Car là-bas les ivoiriens mangent mal, dorment mal et sont pour la plupart malades à cause de leurs conditions inhumaines de vie. Plusieurs tonnes de riz, des cartons de savons, des pactes d’eau minérale et pour certains un peu d’argent afin de subvenir aux premiers besoins, ont été offerts.
Parlant du moral des ivoiriens, c’est avec surprise que nous avons trouvé des exilés avec un moral très haut. En Côte d’ivoire, on dit souvent que découragement n’est pas ivoirien. Eh bien c’est un vrai état d’esprit, et c’est ce que nous avons ressenti chez nos compatriotes exilés, voire réfugiés malgré les conditions difficiles de vie. Nous avons aussi rencontré certains leaders et cadres du pays, qui ont aussi le moral mais bien très haut contrairement à ce qu’on pouvait s’imaginer. Ils sont conscients qu’un jour, ils retourneront en Côte d’ivoire, et pour ce faire, ils voudraient compter sur la diaspora ivoirienne qui se mobilise pour que la Côte d’ivoire soit un jour libéré, pour que les ivoiriens réapprennent à vivre ensemble.
Revenons sur les conditions de vie des ivoiriens.
Vous avez raison d’insister, car il faut dire que les ivoiriens qui n’ont pas les moyens de se prendre une chambre d’hôtel ou un appartement, et qui sont contraints de vivre dans des camps, vivent très mal. Ils dorment à même le sol, certains sans couvertures. Le HCR dresse des tentes de fortune où ils se retrouvent à 18 voire 20 personnes pour un 10 m2. L’hygiène est inexistante. Des toilettes et douches pré fabriquées sans portes ni fenêtres d’aération. Sans compter les menaces de tout genre perpétrées sur eux par la population qui voit en eux des parasites qui viennent polluer leur existence déjà précaire. Certains dorment sur des étales après la fermeture des marchés. Se doucher reste un luxe.
C’est quoi finalement leur besoin ?
Ils ont besoin de matelas, savons mais surtout des denrées alimentaires, riz, huile, sucre ect…Ils ont aussi besoin de médicament, car vu qu’ils n’ont toujours pas obtenu le statut de réfugié qui pourrait leur permettre d’avoir accès au soin gratuit, il faut tout payer. Ils ont enfin besoin d’un peu d’argent de poche pour d’autres besoins quotidiens. Nous pensons qu’avec un budget d’environ 2 millions d’euros, nous pouvons faire face à tous ces besoins pour que nos compatriotes retrouvent leur dignité avant le retour au pays. Et je peux compter sur les ivoiriens de la diaspora qui sont fiers d’appartenir à une nation et qui refusent qu’une partie de cette nation soit humiliée. Nous allons nous organiser pour y faire face.
Avez-vous les moyens de ce que vous avancez ? Et cela pour combien de temps ?
Nous saurons compter sur la générosité des ivoiriens de la diaspora, mais aussi nous sommes conscients que cela ne durera pas. Certes il est question d’aider ceux de nos compatriotes qui vivent dans ces conditions déplorables, l’autre est de préparer leur retour au pays. Pour ce second volet, les choses avancent et très bientôt il fera jour sur la côte d’Ivoire.
Vous voulez parler d’un nouveau coup d’état en Côte d’ivoire, comme le disent les rumeurs ?
Loin de là. Nous ne sommes pas des partisans de la violence, encore moins de la guerre ou coup d’état. Les pères de la rébellion, vous les connaissez, ce sont eux qui occupent aujourd’hui notre pays avec l’aide de leur parrain, la France. Nous, nous disons qu’il faut simplement libérer le président Laurent Gbagbo et tous ses collaborateurs. C’est un préalable à toute discussion sur une éventuelle réconciliation en Côte d’ivoire. Mais également, il faut libérer les maisons et restituer tous les biens mal acquis par le nouveau pouvoir et son armée. Il faut enfin créer les conditions d’un retour des exilés au pays et permettre à tout le monde de s’exprimer librement comme ce fut le cas sous le président Laurent Gbagbo. Voilà quelques pistes pour un retour rapide de la paix en Côte d’Ivoire si le nouveau pouvoir veut continuer de gouverner.
Tout récemment, le chef de l’état ivoirien était à paris (Unesco) où il a demandé aux ivoiriens qui le souhaitent de revenir en Côte d’ivoire. Depuis une semaine, le premier ministre Charles Konan Banny, en charge de la réconciliation a entamé une série de rencontres avec des associations de la diaspora. Etes-vous prêts à le rencontrer ?
La question ne se pose plus en terme de rencontrer M. Banny ou pas. Nous, nous disons que la seule condition pour une réconciliation des ivoiriens reste la libération du président Laurent Gbagbo et de tous ses collaborateurs, la création des conditions de sécurité pour le retour des exilés et la restitution des biens d’autrui. Car si une campagne de réconciliation était la solution à la crise qui secoue la Côte d’ivoire depuis le 19 septembre 2002, beaucoup l’ont déjà fait. Souvenez-vous de la flamme de la paix à Bouaké, souvenez-vous de la caravane de la paix organisée par Charles Blé Goudé, enfin souvenez-vous du décret présidentiel et non d’un référendum faisant de M. Ouattara candidat pour les présidentielles là où la loi ivoirienne le lui refuse, pour cause de nationalité douteuse. Malheureusement, tous ces sacrifices ont été fait pour rien et cela n’a pas empêché au camp Ouattara et à la France de nous faire la guerre et de prendre le président Laurent Gbagbo en otage.
Comment se porte aujourd’hui le cri panafricain ?
Le Cri Panafricain se porte très bien. Et je suis heureux que ce mouvement devienne le fer de lance de la résistance ivoirienne et panafricaine sur la place parisienne.
Sauf que des rumeurs parlent d’une dissidence au sein de votre mouvement.
Moi, je suis un responsable sérieux, et tout comme, je ne me fie pas aux rumeurs. Donc je dirai que l’esprit et la lettre du cri panafricain restent intacts. Maintenant si vous parlez des personnes qui le dirigent, je vous répondrai que c’est bien normal qu’il y ait des courants qui se créent au sein d’une organisation. Cela est l’un des piliers de la démocratie. Et je vais vous rassurer que rien ne faiblira la résistance ivoirienne en France. Vous savez, quand une femme est belle, elle ne peut qu’être convoitée par plusieurs prétendants. Le Cri panafricain a atteint sa vitesse de croisière, il dérange, il fait peur et désormais, il faudra compter avec lui pour la libération de la Côte d’ivoire. Quoi de plus normal qu’il soit convoité par tout le monde ! Qui ne voudrait pas posséder cet outil de résistance ou bien qui ne voudrait pas être le géniteur de la libération de la Côte d’Ivoire et partant de l’Afrique toute entière ? Un jeu d’enfant, dirai-je. Et je suis content que la petite flamme que j’ai allumée peu avant et après la prise d’otage du président Laurent Gbagbo, devienne un grand feu de brousse, qui illumine aujourd’hui toute une lutte, tout un combat, aussi noble que je l’ai réfléchi et pensé de toute mon existence.
Quels sont alors les perspectives de votre mouvement ?
Nous rentrons d’une mission et comme promis, nous allons rendre Compte aux ivoiriens. Cela aura lieu le vendredi 7 octobre 2011, au cours d’une soirée gala et de bienfaisance, au 29, rue Sadi Carnot (Aubervilliers quatre Chemins), de 21h à l’aube, avec l’ambiance qu’on connait aux ivoiriens. Cette fois-ci il s’agira de faire parler à nouveau son cœur au vu de ce que je viens d’énumérer plus haut, car il est plus que jamais important d’aider nos compatriotes réfugiés. La première mission était une mission de prospection.
Après avoir entendu, vu et constaté les conditions inhumaines de nos compatriotes, il faut maintenant agir. Je rappelle que lors de la dernière levée de fonds à Paris, beaucoup de dons en nature (vêtements, nourriture, médicaments…) ont été donnés. Nous avons à ce jour deux conteneurs pleins. Il faut de l’argent pour les envoyer là où il faut. La soirée gala et de bienfaisance que nous organisons et au cours de laquelle l’intégralité des images prises au Ghana, Togo et Bénin, sera projetée, donnera droit à un DVD à l’entrée après avoir payé le droit d’entrée fixé à 20 euros.
Une fois encore, je tiens à remercier tous les membres du Cri panafricain et tous les amis de la Côte d’ivoire qui continuent de croire en notre lutte.
Propos recueillis par Joséphine Ahizé