Interview / Touré Yacouba, président des importateurs de riz : Un déficit en riz sur le marché peut provoquer des troubles…
Publié le mardi 2 août 2011 | L'intelligent d'Abidjan - Président des importateurs de riz de Côte d’Ivoire, Touré Yacouba est aussi membre du comité de gestion de l’ONDR. Face à la hausse constante
du prix du riz, il a bien voulu nous accorder cette interview dans laquelle, il donne des raisons. Devant ce fait, qui discrédite sa corporation, il porte un doigt accusateur sur les agents de douane. Toutefois, il dit faire confiance en la SNDR (Stratégie Nationale de Développement de la riziculture), quant à rendre la Côte d’Ivoire indépendante des importations
Publié le mardi 2 août 2011 | L'intelligent d'Abidjan - Président des importateurs de riz de Côte d’Ivoire, Touré Yacouba est aussi membre du comité de gestion de l’ONDR. Face à la hausse constante
du prix du riz, il a bien voulu nous accorder cette interview dans laquelle, il donne des raisons. Devant ce fait, qui discrédite sa corporation, il porte un doigt accusateur sur les agents de douane. Toutefois, il dit faire confiance en la SNDR (Stratégie Nationale de Développement de la riziculture), quant à rendre la Côte d’Ivoire indépendante des importations
Sous quelle casquette, êtes-vous présent à cet atelier ?
Je suis le président des importateurs de riz de Côte d’Ivoire. Je suis également membre du conseil de gestion de l’ONDR et je suis le premier vice-président du conseil général d’Odienné.
Avec la mise en œuvre de la Stratégie nationale de développement de la Riziculture, vous les importateurs, ne songez-vous pas à vous convertir en transformateurs ?
Naturellement, d’ailleurs, nous nous préparons à cela, parce que telle que la situation se présente, la Côte d’Ivoire est en train de prendre de bonnes dispositions. Le riz est devenu l’aliment de base de tous, en Côte d’Ivoire. Je dirai même que, c’est un aliment de souveraineté. Et si on n’y prend garde, un déficit en riz sur le marché peut provoquer des troubles. Et s’il y a des troubles, nous qui sommes importateurs, nous ne pourrons pas
travailler. C’est pourquoi, nous avons créé notre association qui est le Groupement des importateurs de Riz de Côte d’Ivoire. Nous sommes en partenariat avec l’Etat de Côte d’Ivoire. C’est pour vous dire que, toutes les initiatives prises par l’Etat de Côte d’Ivoire, nous
y adhérons. Même s’il s’agit de perdre quelques avantages liés à notre activité d’importateur.
N’avez-vous pas de crainte, si l’Etat venait à freiner votre élan en ce qui concerne les volumes d’importations avec cette nouvelle stratégie ?
Non, au contraire. L’ONDR ne pourra réussir dans sa mission, sans l’apport ou l’appui des importateurs. Seulement, il faut que l’ONDR aille par étape. C'est-à-dire, si vous importez 80 tonnes, l’ONDR peut faire en sorte que des 80 tonnes, vous réduisez pour prendre 20 tonnes sur le marché local avec nos producteurs nationaux et au fur et à mesure, on peut monter la quantité de riz local dans la chaine de distribution du riz. Toutes choses qui ne
feront que réduire la quantité des importations. Ça ne sera qu’un signe d’encouragement de plus, pour les producteurs de riz. Dans la mesure où, ils sont sûrs que leurs récoltes sont achetées. Et humblement, je pense que, ceux qui peuvent acheter, ce sont les importateurs actuels. Puisqu’ils ont déjà une certaine maîtrise de la chaine de distribution. Donc à partir de cet instant, l’ONDR peut par un mécanisme stabiliser et proposer un prix garanti aux producteurs. Ensuite, l’ONDR peut fixer un prix homologué sur tout le territoire national et amener les importateurs que nous sommes, à suivre ce prix. C’est par ce mécanisme là, qu’on peut combler le déficit en riz. Au niveau de la distribution, que l’Etat soit en mesure de faire la péréquation du riz comme l’essence. En pratique, ça donne ceci : quelqu’un qui prend son riz à Odienné, pour le surcoût que va générer le transport, il faut que l’Etat soit prêt à prendre en charge afin qu’il puisse vendre au même prix comme on le fait pour le carburant.
Vous n’avez pas peur que votre activité première, qu’est l’importation massive du riz, soit mise en berne dans les années à venir ?
Vous savez, quand tu aimes ton pays, il n’y a rien qui soit un grand sacrifice et en plus de ça, s’il y a une fronde sociale à cause du riz, nous les importateurs ne pourront travailler. Aujourd’hui, nous sommes tributaires de l’extérieur, alors que le riz est un aliment
de base. Tout le monde mange le riz. Aujourd’hui, il y a des programmes pour faire en sorte que la demande soit équivalente à l’offre intérieure. Il est mieux chaque fois qu’il y aura des initiatives pour nous éloigner du spectre de l’insécurité alimentaire, que nous
y adhérons. Et beaucoup plus maintenant qu’hier, parce que le riz est un aliment classé comme élément de souveraineté. Il obtient un pouvoir régalien. C’est comme l’éducation, la santé. C’est ce qu’est devenu le riz.
Monsieur le président, qu’est ce qui fait que le riz ne fait qu’augmenter ?
Comme je l’ai dit, nous sommes tributaires de l’extérieur, le riz est acheté en dollar. Dès qu’il y a une fluctuation sur le prix du dollar, cela a une incidence sur le prix du riz pour nous les importateurs. Le prix du riz peut monter en dollar et les fluctuations aussi viennent
rentrer en jeu. Vous pouvez payer par exemple, du riz à 100$ U.S la tonne. Le bateau met 45 jours en général, pour atteindre le Port Autonome d’Abidjan. Par ailleurs, il y a des charges qui se trouvent là. L’Etat de Côte d’Ivoire a opté pour le dédouanement direct. Et,
lorsque votre riz arrive, contrairement aux autres pays qui nous entourent, la douane exige immédiatement le dédouanement dans un délai qui est très court. Dès que ce délai passe, immédiatement au dépôt douane, on vous dit de payer les frais d’emmagasinage.
Et encore, la douane fait en sorte que vous tombiez dans cette forclusion pour vous encaisser des frais d’emmagasinage. Ils (NDLR les agents des douanes) bloquent vos documents, et font en sorte que vous n’arriviez pas à payer dans les délais requis.
C’est le même calvaire pour les importateurs de voitures. Des charges artificielles sont créées par la douane pour que le riz soit cher. Il faut que chacun joue sa partition. Les importateurs vont jouer la leur. Il faut que l’Etat de Côte d’Ivoire, à travers la douane,
essaie de faire en sorte qu’il n’y ait pas toutes ces charges sur le riz.
C’est l’une des raisons de la hausse constante du prix du riz.
Pouvez-vous nous donner la structure du prix du riz ?
La structure du prix du riz en Côte d’Ivoire, il n’y a pas de secret en la matière. Il y a le prix CAF, c'est-à-dire, vous payer un coût sur ce qu’on appelle le form. C’est de 0,75% à BIVAC pour les différents contrôles. Ensuite, intervient le prix CAF de 12,5% pour la douane. En plus, vous avez les honoraires à payer au transitaire pour sa prestation car, c’est lui qui fait sortir la marchandise du port pour votre propre magasin. Pour le transitaire, c’est 13000FCFA par tonne. Ce sont tous ces éléments réunis, lorsque cela se passe normalement, qui rentrent dans la fixation du prix du kg de riz. Parce qu’il arrive, qu’on vous mette les dépôts douanes, des surestaries et d’autres charges artificielles créées par les agents de la douane.
On vous reproche aussi de faire du lobbying auprès de la direction du commerce intérieur pour saper les efforts d’autosuffisances en riz. Que répondez-vous à ces accusations ?
Je n’ai aucun contact avec le ministère du Commerce à plus forte raison, la direction du commerce intérieur. Et aucun importateur n’a de contact avec la direction du commerce intérieur. Mais, pourquoi allons-nous faire du lobbying auprès d’eux? Qu’est-ce que le ministère du Commerce gagnerait ? Et qu’est-ce que nous, en tant qu’importateurs gagnerons ? Ceux qui profèrent de tels mensonges, allez-y leur demander. Je pense simplement que, ceux qui disent cela, doivent se faire soigner pour arrêter de propager des choses sur le compte des importateurs de riz.
Croyez-vous en la Stratégie Nationale de Développement de la Riziculture qui est en train de se mettre en place ?
Je crois. Je crois en ce projet parce que depuis 1970, il fallait une volonté politique. A partir du moment où l’Etat accorde tout son soutien pour sa réussite, cela présage de bons résultats. La Côte d’Ivoire avait doté en son temps, l’agriculture de toutes les structures possibles. Et aujourd’hui, elle est l’un des pays qui dispose des cadres les plus compétents et on peut le remarquer dans les institutions internationales. Partout où ils sont, ils sont les premiers. Pour le riz, il y a eu la SATMACI, ensuite la SODERIZ, la CIDV et j’en passe. Ces structures ont été créées et ont joué pleinement leur rôle. On ne détruit pas une structure parce que, quelqu’un gère mal. C’est le mauvais gestionnaire qu’il faut faire sauter au lieu de la structure. Et c’est l’erreur que la Côte d’Ivoire a faite. Aujourd’hui, les bailleurs de fonds orientent plus les ressources financières vers les structures du privé. Ils ne veulent pas d’une forte concentration des fonds alloués entre les mains de l’Etat. A partir des résultats qui sortiront des travaux en commissions, je suis sûr que l’objectif sera atteint. Parce que nous avons les ressources humaines et je sens aussi que les moyens seront mis à disposition, pour que l’objectif de l’autosuffisance en riz soit atteint.
Dans les priorités de la stratégie de développement, il en ressort la nécessité de la mise à disposition des semences aux producteurs.
Quel rôle sera confié aux firmes semencières puisque vous êtes aussi membre du conseil de gestion de l’ONDR ?
Nous sommes en train d’intensifier parce qu’il n’y a qu’un seul pool de conditionnement de semences et, c’est à Yamoussoukro. Nous sommes donc, en train de plancher sur la création d’autres pools et dans presque toutes les régions productrices. On devait avoisiner le nombre de dix. Apres les conclusions des travaux, on pourra voir combien on créera. L’objectif est de réduire les distances d’approvisionnement en semences pour le producteur.
Réalisée par K. Hyacinthe