Commission Réconciliation : Les zones d`ombre de l`ordonnance de Ouattara
Publié le lundi 25 juillet 2011 | L'Inter - Les textes de loi fondant l'existence juridique de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr) ont été pris le 13 juillet
Publié le lundi 25 juillet 2011 | L'Inter - Les textes de loi fondant l'existence juridique de la Commission dialogue, vérité et réconciliation (Cdvr) ont été pris le 13 juillet
et présentés officiellement jeudi 21 juillet à l'occasion d'un point presse animé par Franck Kouassi Sran, le porte-parole de Charles Konan Banny. Celui-ci s'était bien gardé ce jour-là de commenter l'ordonnance n°2011-167 du 13 juillet portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la commission dirigée par Banny; laissant les journalistes repartir avec les questions qu'ils se posaient à la lecture de ce document. Le texte suscite en effet des questions auxquelles l'on gagnerait à apporter des éclaircissements. Là où certains passages, notamment ceux relatifs à la gestion des ressources de la commission, paraissent sans équivoque, d'autres sont peu explicites. Le cas de la durée du mandat de la Cdvr. Selon l'ordonnance, « son mandat est de deux ans »(article 2). Mais on ne dit pas à compter de quand courent les deux ans. Est-ce depuis la prise de l'ordonnance ou quand la commission sera officiellement installée, ou à partir de sa première session publique ? On n'en sait rien. Vu l'immensité de la tâche à accomplir, il aurait été judicieux de préciser les bornes, notamment la date du démarrage.
Déjà que des voix s'élèvent pour dire que, deux ans, c'est peu pour semer les graines d'une cohésion sociale durable, il faut éviter de grignoter sur ce deadline parce que l'instant auquel le chrono doit être déclenché n'aura pas été précisé. Des précisions s'imposent donc à ce niveau. Tout comme au niveau de certaines attributions de ladite commission. En effet, à l'article 5, il est écrit que la Cdvr a pour mission d'oeuvrer à la réconciliation et au renforcement de la cohésion sociale entre toutes les communautés vivant en Côte d'Ivoire.
Et à ce titre, elle est chargée « de rechercher la vérité et situer les responsabilités sur les événements sociopolitiques nationaux passés et récents ». Le hic ici, c'est l'imprécision contenue dans le segment « événements sociopolitiques passés et récents ». Quels sont les événements visés ? Jusqu'à quels événements passés peut-on remonter ? Qui a compétence pour circonscrire le champ des événements devant être exhumés à la faveur des assises de la commission ? Est-ce Banny ? Est-ce l'Assemblée plénière composée des membres de la Cdvr ? Pourquoi le chef de l'Etat ne prend-il pas sur lui de fixer d'autorité les bornes ? D'aucuns estiment qu'en le faisant, Alassane Ouattara craint d'essuyer les critiques de ceux qui ne verraient pas d'un bon oeil que tels ou tels faits historiques n'aient pas été pris en compte. Aussi a-t-il choisi de laisser à Banny et à son équipe la latitude de choisir les « événements sociopolitiques passés et récents » qui méritent d'être retenus. Quitte à être à leur tour pourfendus par ceux qui n'apprécieront pas leur délimitation. De là à dire que Ouattara a filé une patate chaude à Banny, il n'y a qu'un pas. Il importe donc que des éclaircissements soient apportés sur ce passage de l'ordonnance. Par ailleurs, ce texte fait état, en son article 24, d'un rapport final contenant des recommandations, rapport qui sera élaboré au terme des travaux. « Le rapport est transmis au président de la République », est-il souligné. Rien n'est dit sur ce qu'il adviendra dudit rapport. Quel sort lui sera-t-il réservé après qu'il aura été transmis au chef de l'Etat ? Celui-ci se doit-il de traduire en actes ces recommandations ou, à tout le moins, certaines d'entre elles ? En quoi ces recommandations l'engagent-t-il au point d'être tenu de les mettre en œuvre en prenant à cet effet des textes de loi ? Il aurait été bien indiqué de laisser transparaître l'engagement de l'exécutif à traduire en actes certaines recommandations pertinentes dont la mise en œuvre devrait concourir à créer les conditions d'une stabilité durable. Le faisant, on éviterait que ces bonnes recettes pour une paix durable connaissent le même sort que les recommandations ayant sanctionné le Forum de réconciliation organisé en 2001. On se rappelle que l'ex-chef de l'Etat, Laurent Gbagbo, les avaient jetées aux oubliettes, au motif que le Forum n'était pas une assemblée nationale bis. La suite, on la connaît.
Assane NIADA