Accusations contre Laurent Gbagbo : 10 questions au ministre Ahoussou Jeannot
Publié le samedi 25 juin 2011 | Le Temps - De mémoire d’Ivoiriens et d’économistes, jamais la Côte d’Ivoire ne se sera portée aussi mal, après l’expédition sarko-onusienne de mars-
Publié le samedi 25 juin 2011 | Le Temps - De mémoire d’Ivoiriens et d’économistes, jamais la Côte d’Ivoire ne se sera portée aussi mal, après l’expédition sarko-onusienne de mars-
avril 2011 qui aura ouvert la boîte de Pandores d’un véritable désossement de notre pays : le pillage systématique des FRCI, forces pro-Ouattara, qui n’ont rien épargné sur leur passage. Le nouveau régime ivoirien et sa soldatesque nous ont donné le net sentiment qu’ils ne venaient pas pour régner mais tout juste pour casser du Gbagbo et s’en aller. Sinon, comment comprendre qu’ils aient pu tout détruire et piller avec autant de minutie ? Commerces, entreprises, micro-finances, domiciles, véhicules de luxe, véhicules utilitaires (4x4), installations électriques, canalisations d’eau, administrations, églises, pharmacies, stations d’essence, universités, cités universitaires, commissariats, casernes de police, camps militaires, centres émetteurs, matériels de diffusion et de production (RTI), prisons. Tout y est passé. Tant et si bien qu’aujourd’hui en Côte d’Ivoire, tout est à refaire.
Comme le dit une analyste politique ivoirienne : « Presque tous les voyants sont au rouge après la tempête de pillages systématiques qui a marqué le changement de régime et mis à genoux la plupart des entreprises exerçant dans le pays. Même son de cloche dans l’administration publique, paralysée après le passage des troupes FRCI dans les différents services. Tout est à refaire là où les chefs d’entreprises n’ont pas encore mis la clé sous le paillasson. Une situation chaotique qui selon les spécialistes, porte les prévisions de croissance pour cette année au chiffre record de – 7,3% contre 3% l’année dernière (sous Gbagbo, Ndlr). Un chiffre jamais atteint, même pendant la dure crise économique des années 80 et la décennie de guerre que vient de vivre la Côte d’Ivoire ». Faut-il s’en étonner ? Non ! Les forces pro-Ouattara sont d’un illettrisme souverain. Comment pourraient-elles donc savoir qu’il ne faut pas piller les universités, par exemple, ou l’appareil de production, qui devait aider leurs mentors à bien reprendre en main le pays, après la victoire ? Boule de gomme !
Alassane Ouattara qui sait parfaitement ce qu’il a fait subir à la Côte d’Ivoire et entièrement conscient du drame, s’en est allé en Occident, à la faveur du dernier G8 en France, en quête de 13.000 milliards de francs CFA auprès des bailleurs de fonds internationaux. La récolte a été maigre à en pleurer : des promesses, rien que de vagues promesses. Or la Côte d’Ivoire ne peut se satisfaire actuellement de promesses. Il faut de la liquidité. Beaucoup de liquidité. Ici et maintenant. Alassane Dramane Ouattara nous avait certifié, pendant sa campagne présidentielle, que son métier était de trouver des fonds. Qu’il nous les trouve donc pour relancer notre économie. En attendant, la Côte d’Ivoire vit à crédit. Même les salaires sont payés à crédit, faute d’entrée de recettes significatives dans les régies financières de l’Etat. Comme le disait trivialement un ami : « On ne s’endette pas pour manger. On s’endette pour investir. Un pays qui s’endette pour son quotidien est un pays en faillite». Il ne croit pas si bien dire. Plus de 400 entreprises en dépôt de bilan ou en grande difficulté, 120.000 emplois détruits, selon Monsieur Jean-Louis Billon, Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire. Monsieur Jean Kacou Diagou, Président du Patronat ivoirien enfonce le clou : « Tout le monde porte des treillis. Il y a entre 2.000 et 3.000 prisonniers qui errent dans la ville et menacent nos activités. On ne fait plus la différence entre les FRCI et les bandits ». Quant à Monsieur Farikou, Président de la Fédération des Commerçants de Côte d’Ivoire, il ne décolère pas: «Le racket s’est aggravé comme jamais auparavant sur nos routes nationales. Tout le monde est en treillis !».
Il faut donc désarmer les FRCI et les faire entrer en caserne. Ils s’y refusent tout net. Leur hiérarchie ne les maîtrise pas. La force Licorne entre donc en lice, comme en avril, pour les y contraindre et – pour ne rien arranger à la situation économique de la Côte d’Ivoire – les tirs à l’arme lourde reprennent à Abidjan, entre FRCI et entre FRCI et Licorne, à Abobo et à Yopougon. Vous parlez d’une armée républicaine ! Quelle poisse ! Le chef de guerre et Com-zone d’Anyama, le commandant Bauer, pro-IB invétéré, est très clair en ce qui le concerne : « J’attends de pied ferme celui qui viendra me déloger ». A bon entendeur, … ! Ça promet pour la sérénité des populations!
Mais là où la malhonnêteté est poussée à son comble, c’est quand le pouvoir Ouattara veut faire imputer ce désastre économique au Président Laurent Gbagbo. Un membre illustre du gouvernement RHDP clame, pince sans rire : « C’est Gbagbo qui a mis le pays en faillite avant de partir. Ils ont commis des crimes économiques. Ils doivent en répondre ». Eh bien, Monsieur le Ministre, vous allez devoir répondre à 10 petites questions pas si idiotes que cela, que nous vous posons pour nous éclairer, un tant soit peu, sur le sujet :
1- Qui a donné à la Côte d’Ivoire un taux de croissance de 3% en pleine crise, en 2010 ?
2- Qui a payé les salaires des fonctionnaires, fin mars 2011, sans aucun appui extérieur et en pleine offensive militaire (virement bancaire que vous vous êtes indûment attribué, au paiement des deux mois de salaires de la fin du mois d’avril 2011) ?
3- Qui a pillé les entreprises et déboulonné leurs machines de production, en avril 2011, au moment où Gbagbo avait été renversé et ses partisans, traqués et assassinés, avaient fondu dans la nature ?
4- Qui a libéré et enrôlé les 6.000 prisonniers de la MACA (Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan) et les milliers d’autres de nos villes, qui sèment la terreur à Abidjan et à l’intérieur du pays ?
5- Qui a instauré une économie parallèle au Nord du pays depuis 2002, encore en place à ce jour ?
6- Qui a exploité les minerais et pierres précieuses de la zone CNO (Centre, Nord et Ouest du pays), instauré un trafic en règle du bois, du café et du cacao ivoiriens (ce qui a d’ailleurs fait du Burkina Faso, un pays désertique, un gros exportateur de cacao) pour acheter des armes et financer la guerre contre la Côte d’Ivoire ?
7- Qui a procédé au casse des agences ivoiriennes de la BCEAO à Bouaké, Korhogo et Man pour ce constituer un fonds de guerre contre Gbagbo ?
8- Les coupables de ces crimes économiques ont-ils été poursuivis devant les tribunaux ?
9- Le seront-ils, un jour, sous vos auspices ?
10- Qui a nous promis une pluie de milliards, qui n’honore toujours pas sa parole pour permettre à la Côte d’Ivoire de rebondir, et qui se cherche des boucs émissaires ?
Si vous répondez en toute honnêteté à ces questions, Monsieur le Ministre d’Etat, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, vous saurez sans coup férir qui a commis des crimes économiques contre notre pays, qui l’a mis en faillite et qui doit en répondre devant les instances judiciaires.
Oui, la Côte d’Ivoire va mal. Alassane Dramane Ouattara et les FRCI l’ont mise en faillite. Il lui faudra un traitement de choc pour se remettre des effets induits de la sanglante alternance d’avril 2011 qui plombent sa croissance et, partant, son développement. Une seule porte de sortie possible : la maîtrise de la question sécuritaire et la remise à flot des caisses de l’Etat par la reprise économique, sur la base d’une réconciliation vraie et non pas celle des vainqueurs, triomphaliste et justicière.
«La solution» (surnom d’Alassane Ouattara, émanant de son slogan de campagne) pourra-t-il relever le défi ? Une gageure à forts relents de suspense ! En ce qui nous concerne, nous nous astreindrons à une posture d’attente et d’observation patiente, pour nous faire ensuite une opinion définitive sur la question et sur l’individu. «Wait and see», comme disent les anglophones. Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire !
Dindé Fernand Agbo
Enseignant d'Education Permanente à Abidjan