Echanges transfrontaliers : Les Frci prélèvent 640 mille Fcfa par camion
Publié le jeudi 23 juin 2011 | Le Temps - Depuis la deuxième moitié d’avril dernier, le phénomène du racket sur les corridors ivoiriens a pris une proportion inquiétante. Des
simples voyageurs aux camions de transports de marchandises sont contraints de passer aux postes à péages instaurés par les Forces républicaines (Frci) du Président Alassane Ouattara. Dossier….
Publié le jeudi 23 juin 2011 | Le Temps - Depuis la deuxième moitié d’avril dernier, le phénomène du racket sur les corridors ivoiriens a pris une proportion inquiétante. Des
simples voyageurs aux camions de transports de marchandises sont contraints de passer aux postes à péages instaurés par les Forces républicaines (Frci) du Président Alassane Ouattara. Dossier….
Le phénomène n’est pas nouveau sur les corridors ivoiriens, voire de la sous-région. Mais la pratique a pris des proportions inquiétantes. Depuis, le 11 avril dernier, avec l’avènement des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci). Qui tiennent désormais les différents barrages sur les corridors ivoiriens. Sous le prétexte qu’ils ne «sont pas payées» ou qu’ils «se payent sur terrain», selon leurs propres termes, certains éléments des Frci sont en train de saper la reprise économique et partant, le retour massif des opérateurs économiques des pays de l’Hinterland comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger au Port d’Abidjan d’une part, et ceux du Libéria et de la Guinée forestière au port de San Pedro, d’autre part. Tenez, les nouvelles autorités portuaires de «la Cité balnéaire», c'est-à-dire San Pedro qui, s’apprêtent à lancer une opération de charme en direction des opérateurs économiques de la Guinée forestière et du Libéria, pourraient voir dans l’immédiat ce vieux rêve se briser. Selon des données précises collectées par des membres de la société civile ivoirienne et des professionnels du transport routier inter-Etat, de la frontière guinéenne d’avec la Côte d’Ivoire, sur une distance de 505 kilomètres, les barrages foisonnent et on en dénombre 46 au moins et formellement identifiés par les usagers du corridor de San Pedro. «De la frontière Guinée- Côte d’Ivoire, jusqu’à San-Pedro, à chaque barrage tenu à ce jour, par les hommes en armes, il faut débourser obligatoirement, 10 mille Fcfa. Ce qui donne sur les 46, la rondelette somme de 460 mille Fcfa de faux- frais par remorque. Sans compter le coût du carburant. Ce qui rend moins compétitive la destination du port de San Pedro, pourtant plus proche des premières villes de la Guinée forestière que celui de Conakry dont Woronan» nous rapporte D. Camara, routier guinéen. Avant de faire la révélation suivante : «Le calvaire commence pour nous les conducteurs de remorque à la frontière où nous avons deux barrages et où nous payons 20 mille Fcfa. Puis à l’entrée et à la sortie de Ouaninou, pour le même montant. De Guessabo à San Pedro, nous avons 27 barrages dont la traversée nous revient à 270 mille Fcfa. Nous voulons bien emprunter ce corridor qui peut nous faire gagner en temps et en coût, mais nous sommes soumis à trop de tracasseries et les frères ivoiriens gagneraient à nous encourager à y venir fréquemment. Mais sous le prétexte qu’elles ne sont pas payées, les Frci nous font perdre non seulement beaucoup de temps mais aussi de l’argent plus que par le passé».
Le corridor nord-sud, pas épargné
Les impacts positifs des différentes campagnes de sensibilisation sur le racket, organisées par l’ex- directeur général du Port autonome d’Abidjan en collaboration avec la hiérarchie des ex-Fds, aussi bien sur le corridor nord-sud que les routes internes urbaines se sont effondrés depuis la dernière crise post-électorale. Depuis le 11 avril 2011, date de la chute de Sem Laurent Gbagbo, aussi bien le transport de marchandises que les voyageurs par voie terrestre sont soumis à un racket systématique et obligatoire. En ce qui concerne les véhicules de transport de marchandises, c'est-à-dire les poids lourds, venant de Pogo, dernière ville frontalière ivoirienne d’avec le Mali, les routiers inter-Etats ont plus de chance que ceux qui font la desserte Guinée- San Pedro. Car, ils sont «facturés» par barrage à 3000fCFA et on y dénombre, selon notre source 31 barrages ; ce qui donne en faux–frais de 93 mille Fcfa par camion remorque. En outre, si dans un passé récent, les passagers sans pièces d’identité étaient soumis à toutes sortes de tracasserie et parfois d’humiliation, désormais, tout voyageur qui prend son ticket de transport, doit apprêter ses poches, en conséquence. Car à chaque barrage, il doit remettre 200 Fcfa à une nouvelle race de «collecteurs d’impôts». Agissant souvent de façon inélégante et dans un français très approximatif. A titre d’illustration, si vous avez 70 passagers avec les 70 sièges vendus, sur l’axe frontière Guinée- San Pedro, chacun est contraint de payer 200 Fcfa. Ce qui donne un montant de 644 mille Fcfa. Cette somme ne va pas dans les caisses de l’Etat mais elle sort de la bourse des contribuables déjà éprouvés par la guerre et qui sont obligés de répercuter ce surcoût sur le prix de vente de la marchandise à la consommation. N.K., originaire de Korhogo, la cinquantaine révolue, est chauffeur d’un car de 70 places et un habitué du tronçon Abidjan - Pogo. Son témoignage est plus qu’édifiant : «le racket est devenu insupportable et nous n’en pouvons plus. Il faut que les nouvelles autorités du pays prennent le taureau par les cornes. Tenez ! D’Abidjan à Pogo, il y a à ce jour, 31 barrages et par car de 70 places, les passagers pour la plupart des commerçants, sont rackettés à hauteur de 434 mille Fcfa. Pendant que le chauffeur lui paye par barrage, 5000 Fcfa, soit en tout 150 mille comme frais de route. Là où nous ne payons rien par le passé une fois que nous sommes en règle». Que faire pour résorber ce fléau qui risque de saper et compromettre le retour des opérateurs économiques des pays de l’Hinterland, ceux de la Guinée forestière et du Liberia dans les ports ivoiriens. Le convoyage ou l’escorte groupé qui pouvaient aider à une meilleure fréquentation des deux ports, nécessite une expertise solide bien maîtrisée par l’Office Ivoirien des Chargeurs (Oic). Malheureusement, avec le changement de régime, cette structure est dans la tourmente.
Bamba Manfoumgbé