Le Monde: L’ancien président de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo plaide non coupable

Par Le Monde - L’ancien président de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo plaide non coupable. Par Cyril Bensimon (La Haye, envoyé spécial)

L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo à son arrivée au tribunal à La Haye, jeudi 28 janvier 2016. REUTERS

Par Cyril Bensimon (La Haye, envoyé spécial)

Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé n’ont pas encore exprimé leur « vérité ». Pour l’ouverture de leur procès devant la Cour pénale internationale (CPI), jeudi 28 janvier, l’ancien dirigeant ivoirien et l’ex-chef des « Jeunes Patriotes » ont dû limiter leur art oratoire à plaider non coupable des crimes contre l’humanité dont ils seraient responsables lors de la crise postélectorale de 2010-2011. Les deux hommes encourent trente années de prison, voir plus si les juges venaient à considérer que les crimes commis sont exceptionnellement graves.

Pour cette première journée d’audience, Laurent Gbagbo, le détenu le plus renommé de la CPI, a semblé las, parfois absent, entrant et sortant de la salle où se joue son avenir. Ses quelques mots étaient hésitants. Charles Blé Goudé est, lui, apparu comme à son habitude, alerte, sûr de lui. Le premier, à 70 ans, n’a pour espoir que de ne pas finir ses jours en prison et plus encore de laisser sa trace dans l’histoire. Le second, à 44 ans, s’imagine encore un destin politique.

Après que le président de la Cour, l’Italien Cuno Tarfusser, a averti que « ce procès n’est pas une manifestation politique », la parole est principalement restée à l’accusation. Elle se devait de démontrer que son dossier s’est solidifié...

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A La Haye, les victimes regrettent l’absence de Simone Gbagbo (Le Monde)

Par Stéphanie Maupas (La Haye, correspondance)
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L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale de La Haye, le 28 janvier 2016. CREDITS : MICHAEL KOOREN/AFP
Après avoir présenté sa thèse, pendant six heures, devant les trois juges de la Cour pénale internationale (CPI), l’accusation a laissé place aux victimes. Sept cent-vingt-six victimes « qui ont directement souffert » des crimes des accusés ont été admises à participer au procès, via leur avocate, Paolina Massida. Leur identité reste confidentielle, mais elles veulent « briser le silence », a plaidé l’avocate.
Appuyant la thèse de l’accusation selon laquelle Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé auraient, avec d’autres, fomenté un plan pour conserver le pouvoir par tous les moyens, y compris les crimes, l’avocate a estimé qu’« un plan d’une telle ampleur ne pouvait être mis en œuvre par une seule personne », assurant que « les victimes regrettent que madame Gbagbo ne soit pas aussi à La Haye. » L’ex-première dame fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour émis en février 2012. Mais les autorités refusent de l’exécuter, affirmant qu’elle peut être jugée devant les tribunaux ivoiriens.
Les cibles choisies sur des critères ethniques et religieux
Simone Gbagbo a déjà été condamnée à 20 ans de prison dans un premier procès pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Paolina Massida s’est surtout longuement étendue sur l’histoire de l’immigration en Côte d’Ivoire et le concept d’ivoirité, qui a deux reprises, en 1995 et en 2000, avait empêché Alassane Ouattara de se présenter aux élections, les candidats devant prouver leur ascendance ivoirienne sur deux générations.
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Lors des violences de 2010 et 2011, « les cibles étaient choisies en raison de leur appartenance ethnique », religieuse et nationale, a-t-elle dénoncé, appuyant la thèse du substitut du procureur, Eric McDonald, qui la veille, avait provoqué les protestations des partisans des deux accusés présents dans la galerie du public. Pour Paolina Massida, la politique d’ivoirité a fait naître des frustrations dans le nord du pays, et suscité une rébellion, avec la tentative de coup d’Etat du 19 septembre 2002, qui devait durablement scinder le pays.
Les victimes « cohabitent avec leurs bourreaux »
Expliquant que les victimes « résident dans les endroits où les crimes ont été commis », et qu’aujourd’hui elles « cohabitent toujours avec leurs bourreaux », Paolina Massida a déploré que « la justice nationale n’a pas été en mesure de conduire des poursuites contre les auteurs des crimes », ajoutant que la Commission vérité et réconciliation n’a pas été « à la hauteur des attentes » avant de conclure que « tous les espoirs des victimes sont tournés vers la Cour ».
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Au terme de l’audience, et alors que les juges venaient de quitter le prétoire, les partisans des deux accusés ont chanté l’hymne national ivoirien, poings levés ou mains sur le cœur, devant Laurent Gbagbo, qui les a salués de la main derrière la vitre qui sépare le public de l’audience. Le procès se poursuivra lundi matin avec les déclarations des avocats des deux accusés. Le premier témoin est attendu mercredi.

Stéphanie MaupasLa Haye, correspondance

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