ART ET CULTURE: UN PATRIOTE, STEVE BEKO, SE LANCE DANS L’ECRITURE. QUELQUES EXTRAITS DE SON LIVRE
Le 16 mars 2013 par IVOIREBUSINESS - STEVE BEKO, Comment je suis devenu cyberactiviste?
EXTRAITS
AVANT-PROPOS
1er septembre 2012, il est 21h45 au Ghana. Je ressens un besoin pressant de poser sur papier.
Je ne sais quoi écrire, ni par où commencer. Mais juste qu’il me faut parler pour ne pas
exploser. Depuis le 28 avril 2011 que j’ai atterri dans ce pays à la recherche d’un espace où
ma vie ne serait pas en sursis, je me suis posé beaucoup de questions sur mon parcours.
Pourquoi un jeune d’une trentaine d’années qui n’a jamais servi dans l’administration Gbagbo
ou même bénéficié des largesses de son pouvoir devrait absolument quitter son pays, sa
terre ? J’en suis arrivé à la conclusion qu’il y a dans la vie, des évènements qui dépassent
votre entendement et qu’il faut savoir en tirer la substance.
Je suis donc en exil à l’instar de ces milliers de jeunes ivoiriens qui ont dû fuir la répression
brutale qui s’est abattue sur la Côte d’Ivoire depuis le kidnapping du président Gbagbo par
l’armée française le 11 avril 2011. Certains ont pu trouver des familles d’accueil tandis que
les moins chanceux sont dans des camps de refugiés dans des conditions très précaires. Dans
l’imaginaire du régime Ouattara, tous ces jeunes qui sont sortis du pays sont des miliciens
pro-Gbagbo qui ont été responsables d’assassinats crapuleux au pays. La traque est donc
constante pour les ramener au pays et les exhiber sur la chaine de télévision nationale au
relent tribaliste1.
J’ai donc décidé d’écrire pour ne pas étouffer de rage et de colère. J’écris pour guérir, pour me
guérir. Je ne prends pas le pari d’être lu un jour. Je veux juste raconter à ma feuille mon
histoire. Celle d’un jeune qui n’avait jamais imaginé dans son pire cauchemar que sa vie
prendrait une telle tournure. Mais une fois la décision prise, il faut pouvoir mettre en ordre
toutes les idées qui me passent par la tête. Par où commencer ? Que raconter ?
INTRODUCTION p24
« Je venais sûrement d’échapper à la mort et je compris qu’il me fallait quitter le pays non
seulement pour ma propre sécurité mais aussi pour ne pas exposer ma famille. J’avais pu me
sortir de là parce que personne parmi mes ravisseurs ne connaissait mes antécédents
politiques. Mais en ville déjà, les informations sur les enlèvements de certains jeunes et les
demandes de rançons suite à des délations fusaient. Je n’étais donc pas à l’abri du retour d’un
autre groupe de rebelles suite à une dénonciation. J’étais maintenant un milicien ! J’étais un
milicien parce que j’avais milité à la Fesci, j’étais un milicien parce que j’avais battu
campagne pour le candidat Laurent Gbagbo, j’étais un milicien parce que originaire du sud du
pays, j’étais un milicien parce que, jamais je n’aurai accordé mon suffrage à Alassane
Ouattara. Le milicien version Ouattara devait quitter le pays pour ne pas subir le sort réservé
aux autres miliciens. »
I- CRISE POSTELECTORALE
« La pilule est difficile à avaler tant les machinations sont manifestes et non voilées. Mon
coeur se déchire, je sens qu’on me vole mon rêve, je ressens que l’on me prive du fruit de mon
travail sur le terrain pour faire triompher notre vision de la Côte d’Ivoire mais aussi de
l’Afrique car en vérité, Laurent Gbagbo a proprement battu ‘’le candidat de l’étranger’’2. Je
comprends l’impuissance des peuples face à la sauvagerie. Depuis 2002, les Ivoiriens par des
moyens pacifiques avaient réussi à déjouer tous les pièges de l’occident pour faire échec à la
tentative de coup d’état puis à la rébellion. Nous venions de commettre l’erreur d’organiser un
scrutin avec des rebelles toujours en armes. L’occasion était trop belle pour faire payer au
peuple et à son leader leur désinvolture et leur témérité. On piétine les règles diplomatiques
élémentaires, on se comporte en terre ivoirienne comme en territoire conquis. La foutaise
1 Alors que rien ne le prouve, quarante et un jeunes Ivoiriens soupçonnés d'être impliqués dans des crimes
commis pendant la crise post-électorale ont été extradés du Liberia le samedi 23 juin 2012. Ils ont été présentés à
la télévision nationale comme de dangereux criminels. A ce jour, ils croupissent dans les prisons du pays sans
l’assistance d’avocats.
2 « Je vous demande de faire attention car des 14 candidats, je suis le seul candidat que vous connaissez. J`étais
avec vous pendant les heures de la libération de la Côte d`Ivoire. Les 13 autres qui veulent gouverner la Côte
d`Ivoire portent des masques. Ils sont à la solde de l`étranger » Le candidat Laurent Gbagbo en meeting à Abobo
le 25 octobre 2010.
atteint son paroxysme avec des ambassadeurs français et américains s’adressant à notre
président comme à un vulgaire bandit. Laurent Gbagbo, l’homme aux trente années passées
dans l’opposition, l’homme emprisonné à plusieurs reprises pour ses convictions, l’homme
aux cotés des étudiants et des classes pauvres était présenté comme un dictateur. Au début,
cela vous fait sourire, puis vous comprenez que vos ennemis sont dans une entreprise très
sérieuse et qu’ils se donnent tous les moyens nécessaires pour parvenir à leur fin. Alors une
colère et une rage intraitables vous montent à la poitrine. Vous voulez agir mais vos yeux ne
constatent que votre impuissance. » p28
« La même nuit de mon arrivée à la maison, je reçois un coup de fil de Serge Koffi depuis le
lieu où il s’est mis à l’abri. Il m’explique que la première dame après avoir tenté en vain de
joindre Blé Goudé lui demanderait de partir à la télévision lancer un message de mobilisation
à l’endroit de la population ivoirienne afin d’accompagner la victoire militaire qui se dessine
en notre faveur. Il demande mon avis ; je lui explique que je ne vois pas d’inconvénient si
nous pensons que cela peut vraiment contribuer à la défaite militaire de la coalition
internationale… » p36
II- DEPART EN EXIL
« Le chauffeur emprunte un chemin parsemé d’obstacles à travers une cocoteraie. Ce chemin
est usité par les commerçants véreux qui convoient des marchandises pour échapper à la
vigilance des douaniers. Je ne m’attendais donc pas à ce que nous croisions des barrages. Je
me trompais. Au premier, l’ordre nous est intimé de descendre tous du véhicule. Tous les
passagers s’exécutent pour le contrôle des pièces et la première victime est un jeune de
l’ethnie Guéré qui tend sa carte d’étudiant. Les rebelles lui intiment l’ordre d’aller s’asseoir
sous leur hangar en lui lançant des propos menaçants : « tu es Guéré et en plus tu es étudiant.
Vous avez fini de gâter le pays et vous voulez fuir. Vous les étudiants, vous avez combattu
pour Gbagbo alors aucun ne sortira du pays. On va vous exterminer. » p43
III - LE CYBERACTIVISTE
« Comment combattre les mensonges de la France et des Etats-Unis pour un jeune étudiant?
Comment expliquer au monde que Rfi, France 24 et les autres grandes chaines d’informations
travestissent la vérité sur votre pays ? Qui vous entendra ? Comme Jean le Baptiste3, les
patriotes Ivoiriens prêchent dans le désert. Sur les réseaux sociaux, je dénonce, j’enquête, je
démonte. L’histoire de « Steve Beko » remonte à février 2011. » p47
« Les débuts dans la capitale ghanéenne furent laborieux. Tous les leaders en exil se terraient.
Les informations les plus folles circulaient sur l’assassinat de nombreux leaders de jeunesse.
Ma première mission fut donc d’essayer d’avoir des nouvelles de ceux avec qui je pouvais
parler afin de rassurer les Ivoiriens qui de part le monde s’inquiétaient. Serges Kassy4, Hanny
(3 Personnage biblique.
4 Serge Kassy, un chanteur de reggae ivoirien, proche des jeunes syndicalistes estudiantins depuis les années 90.
Il n’hésitera pas à adhérer à l’alliance des jeunes patriotes pour défendre les idéaux du président Gbagbo dès
l’éclatement de la crise en 2002.)
Tchelley5, Gadji Celi6, Charles Blé Goudé, Damana Pickass, Ahoua Don Melo7 pour ne citer
que ceux là avaient été donnés pour morts. Une fois la vérité rétablie, il fallait maintenant
donner un sens à la poursuite de la lutte. Dans quelle direction allions-nous? Quels étaient les
nouveaux repères ? Qui conduisait la poursuite du combat ? Voila autant de questions
auxquelles il fallut le plus rapidement possible trouver des réponses. » p51
« Les autorités camerounaises démentent pourtant avoir arrêté le ministre Katinan mais cela
n’arrête pas la machine de propagande du pouvoir d’Abidjan. Pire le chef de l’état lui-même
achève de convaincre que son régime est passé maitre dans l’art du mensonge. Le 25 juin, au
retour d’un énième voyage en France pour des soins, il affirme que Katinan se trouve au
Cameroun et est activement recherché par les autorités de ce pays et pourtant je venais à
l’instant d’avoir au téléphone une personne qui l’avait rencontré dans un autre pays il y a
quelques heures. Que doit penser le citoyen normal en voyant les autorités de son pays mentir
sans honte devant le monde entier ? J’ai honte pour mon pays, j’ai honte pour l’image qu’ils
donnent de ce pays autrefois respecté de par le monde. Dramane Ouattara est passé maitre
dans l’art mensonge et les Ivoiriens le savent depuis le temps qu’il a fait son apparition sur la
scène politique ivoirienne. » p 86
(5 Actrice et femme de media ivoirienne proche de Laurent Gbagbo.
6 Artiste chanteur et ex-capitaine de l’équipe de football de Côte d’Ivoire vainqueur de la coupe d’Afrique des
nations 92, il est aujourd’hui en exil.
7 Ministre de l’Equipement dans le dernier gouvernement du président Laurent Gbagbo. vit en exil.)
SOURCE: STEVE BEKO